Missionnaires d'Afrique
FranceYves Masquelier, aumônier de prison durant 9 ans, actuellement à Mours
La main de Dieu
à la prison de Fleury
Au cours de la dernière retraite animée par Paul Hannon, celui-ci nous présentait cette peinture de Kröner exprimant comment Pierre qui coulait avait tendu la main et Jésus lavait saisi pour le sauver. Il nous invitait à nous souvenir des moments de notre vie où nous avions fait une expérience similaire. Oui, javais bien un ou deux souvenirs, mais bien souvent jai dû me débrouiller tout seul pour affronter les difficultés de la vie. Mais est-ce vrai ? Non, car en priant je me rendais compte que la main dun confrère, dun couple ami, dun membre de ma
famille, avait souvent été cette main de Dieu qui mavait secouru.Moi-même, pendant ces 9 ans passés à la prison de Fleury-Mérogis, nai-je pas été la main de Dieu pour des détenus qui étaient complètement désemparés par la faute qui les avait menés en prison ?
Je pense à Benoît (prénom fictif), incarcéré pour trafic de drogue, qui me dit la première fois que je lai rencontré : « Je viendrais à la messe mais je ne communirai pas car il y a trop de haine en moi, je veux tuer celui qui ma piégé pour transporter de la drogue et qui ma ensuite dénoncé pour pouvoir lui-même se sauver avec une quantité beaucoup plus importante. A ma sortie de prison (2 ans) jirai jusquà Cuba où il sest réfugié pour le tuer. » Plus tard il me montra une prière pour demander à Dieu denlever la haine de son cur. Un jour il me dit : « Père jai une bonne nouvelle pour vous : « Jai décidé de ne pas le tuer mais simplement de le mettre sur un fauteuil roulant !!! » Je lui réponds : « Tu peux continuer à lire ta prière tous les soirs ». Trois ans plus tard je célébrais la messe chez lui dans le sud de la France où il est pleinement réinséré et transformé et, ce jour-là, il a communié.
Bien souvent des confrères, des amis mont demandé : « Tu as beaucoup de confessions ? Tu en prépares certains au baptême ? » A la prison, la demande de sacrements vient toujours comme laboutissement de rencontres diverses, dintérêt porté à la personne, découte et de dialogue. Cest ainsi que Rémy (prénom fictif), qui a été baptisé cette année, avait rédigé une lettre pour lévêque au moment de la dernière étape du baptême. « Père je vous demande de maccepter au baptême. Je suis allé aux réunions bibliques parce que le père Yves ramenait parfois des biscuits et du chocolat pour partager à la fin de la discussion. Jai commencé à lire la Bible pour essayer de trouver des questions qui pouvaient le piéger. Petit à petit jai fait lexpérience de la présence de Dieu et cest ainsi quun jour, avec un autre détenu, nous avons demandé ce quil fallait faire pour recevoir le baptême. Il nous a proposé de nous réunir avec lui tous les mercredis matin ; nous avons suivi une formation durant de nombreux mois en recevant les premières étapes du baptême et aujourdhui nous sommes prêts à faire le pas définitif. »
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Yves célébrant dans la chapelle de la prison.
La main de Dieu travaille lentement pour toucher le cur de la personne. Des détenus viennent dabord à la messe pour sortir de leur cellule. Progressivement, ils désirent me rencontrer pour parler de leur vie. Parfois ce nest quaprès 6 ou 8 mois quun jour ils me disent : « Je vais sortir bientôt, je voudrais recevoir le sacrement du pardon ». Très souvent, à la fin de la messe, lun ou lautre vient me voir pour dire : « Père, cétait ma dernière messe, je sors cette semaine, est-ce que tu peux me bénir ? » Je le prends un peu à lécart pour lui imposer les mains. Dieu se sert-il de mes mains dans cette occasion ? Oui, jen suis certain, car son Esprit minspire des paroles de pardon, de vie nouvelle, despérance et de courage, qui me surprennent moi-même et font parfois couler quelques larmes discrètes.
Mais ce qui est le plus surprenant, cest combien la prison ma transformé : les détenus mont évangélisé. Après avoir longuement écouté lun dentre eux qui mavait décrit son enfance, de famille daccueil aux foyers et ensuite, dès 16 ans, dans la rue où il avait rencontré une fille qui lui a donné un enfant sur les quais de la Seine ; revenu dans la voiture sur le parking de la prison, je me tournais vers Dieu pour dire merci pour mes parents, ma famille. Laissez-moi vous citer quelques mots reçus dun détenu qui venait dêtre transféré dans une autre prison.
« Je termine ma lettre avec cette prière que jai composée :
Tu dis quIl nest pas là, tu crois quIl tabandonne,
Car le tunnel si noir où tu vas est sans fin,
Mais le Seigneur Jésus ne délaisse personne,
Et dans lobscurité, sa main cherche ta mainJe le sais bien, pour toi, lépreuve est grande, intense,
Tout te semble perdu, la douleur seule est là,
Il ne te reste rien, plus rien que la souffrance,
Pleurer, lutter, souffrir cest ton lot ici-bas.Pourtant ne pense pas que Jésus tabandonne,
Ne dis pas que son cur reste fermé pour toi,
La force de lutter, cest lui qui te la donne,
Lui qui fut seul, si seul, dans la mort sur la croix. »
À travers cette prière nous retrouvons la main du Christ qui calme la tempête et nous invite à la confiance. Ces 9 ans passés à Fleury mont fait découvrir cet amour infini du Père qui ne condamne pas, ne juge pas, mais prend le temps de proposer à chaque personne de se relever pour découvrir le vrai chemin de la joie éternelle.
Yves a la photo de ce tableau dun prisonnier :
Jésus dansant avec lEglise
Yves Masquelier
Voir aussi : De Fleury Merogis au Mali EN PRISON
Egalement dans " Voix d'Afrique" N° 82