Voix d'Afrique N°85.

SOCIETE
OÙ VA NOTRE TERRE ?

La machine climatique est-elle déréglée ? La banquise fond, les glaciers alpins reculent, les déserts africains gagnent du terrain, des espèces tropicales s’installent dans des zones tempérées, la barrière de corail dépérit dans le Pacifique et sur tous les continents de gigantesques incendies détruisent d’immenses forêts … L’Europe aussi a connu des phénomènes météorologiques extrêmes : tempêtes de décembre 1999 en France, inondations historiques d’août 2002 en Allemagne, enfin la très forte canicule de l’été 2003 avec des records de pics d’ozone, la multiplication des feux de forêts, des décès liés à la chaleur...

Depuis l’ère industrielle, l’humanité brûle de plus en plus de pétrole, de charbon et de gaz naturel, elle étend ses pratiques agricoles intensives et multiplie ses procédés industriels. Tout cela conduit au rejet massif de gaz à effet de serre qui s’accumulent dans l’atmosphère et y piègent la chaleur. La température moyenne de notre planète s’élève progressivement (0,6 °C durant le XXe siècle), et d‘ici la fin du 21ème siècle, elle pourrait monter de 2 à 6 degrés.

Les risques sont énormes pour la planète et les générations futures, et nous obligent à agir d’urgence. Pouvons-nous faire quelque chose ?

Le climat est naturellement variable, comme en témoigne l’irrégularité des saisons d’une année sur l’autre. Cet-te variabilité est normale. Elle tient aux fluctuations des courants océaniques, aux éruptions volcaniques, au rayonnement solaire et à d’autres composantes du système climatique encore par-tiellement incomprises. De plus, notre climat aussi a ses extrêmes (comme les inondations, sécheresses, grêle, tornades et ouragans), qui peuvent devenir dévastateurs.
Cependant, depuis quelques décennies, un certain nombre d’indicateurs et d’études mon-trent que le climat se réchauffe à l’échelle du globe... Phénomène inquiétant qui nous interpelle sur nos activités qui émettent massivement des gaz à effet de serre.

Comprendre l’effet de serre
La Terre possède un système naturel de contrôle des températures : l‘effet de serre, indis-pensable à la vie sur Terre et qui assure une température moyenne de +15°C environ au lieu de -19 °C. En fait, une température de -19°C ferait geler les océans et chuter les températures autour de -100°C...

Quand la voiture est reine !Certains gaz atmosphériques, connus sous le nom de gaz à effet de serre, sont des éléments cruciaux de ce système. La Terre reçoit la majeure partie de son énergie du soleil. Près d’un tiers des rayonnements solaires atteignant la terre est renvoyé dans l’espace. Le reste est partagé entre l’atmosphère, la terre et l’océan qui en absorbent la majeure partie. La surface de la terre se réchauffe et émet un rayonnement infrarouge. Les gaz à effet de serre (vapeur d’eau, dioxyde de carbone, ozone, méthane) bloquent le rayonnement infrarouge et réchauffent l’atmosphère. La concentration de ces gaz a permis l’apparition des formes de vie qui sont sensibles aux températures.

, depuis quelques dizaines d’années, notre planète se réchauffe anormalement, avec de très graves perturbations, à l’avenir, si nous ne réagissons pas : canicules et désertifications, inondations et tempêtes, réduction des glaciers et de la banquise, montée du niveau des mers... Un million d’espèces animales et végétales pourraient disparaître en 50 ans et des millions de personnes seront affectées. Si rien n’est fait, jusqu’à un milliards d’êtres humains seront jetés sur les routes de « l’exode climatique » d’ici au mi-lieu du siècle. Avec les problèmes alimentaires, sanitaires et sécuritaires que cela implique.
C’est l’accumulation excessive, dans l’atmosphère, des gaz à effet de serre qui perturbe le climat de la Terre. Ces gaz proviennent notamment de la plupart des activités humaines : transports, industrie, agriculture, production d’énergie, chauffage...

Si on ne fait rien…
Privilégier les énergies renouvelablesSi le réchauffement n’est pas limité, nous connaîtrons la quasi disparition des banquises et des glaciers (ceux de l’Himalaya pourraient disparaître dans les 50 prochaines années), avec pour conséquences l’assèchement progressif des rivières, les inondations, puis les pénuries possibles en eau potable, les risques de débordement des lacs de montagne, la disparition de certains écosystèmes...

Le niveau des mers montera, notamment sous l’effet de la dilatation de l’eau, mettant en danger des régions côtières (Bangladesh, Pays-Bas...) et des îles. Cette élévation prévue en 2100 est de 18 à 59 cm. Elle pourrait être de 2 mètres en 2300. A la clé, des centaines de millions de « réfugiés climatiques ». Les conditions de vie, chez nous aussi, peuvent se dégrader : augmentation des canicules meurtrières, changement des régimes de pluie et de sécheresses, aggravation des inondations et tempêtes, arrivée de maladies tropicales et d’insectes nuisibles, perturbations agricoles, etc.

Le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) prévoit des conséquences négatives majeures pour l’humanité au XXIe siècle :
- une baisse des rendements agricoles dans la plupart des zones tropicales et subtropicales ;
- une diminution des ressources en eau dans la plupart des régions sèches tropicales et subtropicales ;
- une diminution du débit des sources d’eau issues de la fonte des glaces et des neiges, suite à la disparition des glaces et de ces neiges ;
- une augmentation des phénomènes météorologiques extrêmes comme les pluies torrentielles, les tempêtes et les sécheresses, ainsi qu’une augmentation de l’impact de ces phénomènes sur l’agriculture ;
- une augmentation des feux de forêt lors des étés plus chauds ;
- l’extension des zones infestées par des maladies comme le choléra ou le paludisme ;
- des risques d’inondation accrus, à la fois à cause de l’élévation du niveau de la mer et de modifications du climat ;
- une plus forte consommation d’énergie à des fins de climatisation.

Et l’Afrique ?
5 millions d’hectares de forêts en moins chaque année !Le changement climatique représente une grande menace pour la croissance et le développement durable en Afrique. Elle est le continent qui contribue le moins aux émissions globales de gaz à effet de serre (moins de 4 %). Pourtant, elle est très vulnérable aux effets du changement climatique, notamment à cause de sa dépendance à l’égard des rendements de l’agriculture liés à la pluie, de la pauvreté et du manque de capacités. Les effets du changement climatique sont d’ores et déjà évidents

Le Sahel et d’autres régions semi-arides risquent de souffrir d’une aggravation de la sécheresse. Un tiers de la population du continent vit déjà dans des zones de sécheresse, et 75 à 250 millions de personnes supplémentaires pourraient être menacées par les changements climatiques.

L’agriculture, qui souffre déjà de sa dépendance vis-à-vis de l’irrigation pluviale et de la mauvaise qualité des sols, risque d’être durement touchée à mesure que la sécheresse et les inondations s’étendront et que les saisons de végétation changeront. On estime qu’en Afrique occidentale, les précipitations augmenteront de 10 à 35 % de décembre à février, mois qui sont normalement la saison sèche, et augmenteront également de 7 à 28 % de septembre, à novembre. D’ici 2025, environ 480 millions de personnes en Afrique habiteront des régions où l’eau est déjà en manque ou sévèrement limitée.

Autre problème : la disparition des forêts d’Afrique. D’après le NEPAD, elles disparaissent actuellement au rythme de plus de 5 millions d’hectares par an, victimes d’une exploitation excessive, non contrôlée, et des méthodes de défrichage par brûlis. Près des deux-tiers de l’énergie produite par le continent vient du bois utilisé surtout à des fins de cuisine et de chauffage, ce qui représente une menace supplémentaire pour les surfaces boisées. Et tous les efforts des gouvernements africains et de la communauté internationale pour préserver et remettre en état les forêts du continent, n’ont que de maigres résultats.

Il faudrait formuler et faire respecter une législation viable en matière d’exploitation forestière et améliorer les rendements agricoles pour ralentir le défrichage à des fins agricoles. Mais cela n’est pas évident, car le bois constitue un produit d’exportation prisé pour certains pays et la réduction de ces exportations se solderait par un manque à gagner difficile, voire impossible à combler.

Les plus exposés sont les pauvres, les personnes vulnérables, les plus jeunes, les femmes et les personnes âgées. Celles qui vivent dans les petits pays en développement, dans les régions montagneuses, dans les zones où la pénurie d’eau se fait sentir, dans les très grandes agglomérations et dans les zones côtières, ainsi que les pauvres et les gens qui n’ont pas accès aux services de santé.

Nombre d’Africains ressentent déjà les effets des phénomènes climatiques extrêmes et sont vulnérables aux inondations, à l’érosion des sols, aux sécheresses et aux mauvaises récoltes. Les déplacements de populations en raison des changements climatiques sont un facteur à l’origine d’incidents violents entre des tribus ou des groupes voisins en Afrique, qui auparavant vivaient en paix.

Le 20e siècle aura vu le continent se réchauffer de 0,7 degré et « d’ici 2100, les températures moyennes en surface en Afrique auront augmenté de deux à six degrés ».

La menace sur les pays africains est d’autant plus forte que ces derniers n’ont pas les moyens techniques de mesurer l’impact de ce changement climatique et d’envisager des stratégies de lutte. L’Afrique est le plus vaste bloc continental tropical. L’adaptation au changement climatique est un enjeu majeur dans les prochaines années dans de nombreux domaines : agriculture, eau, infrastructures, santé, ...

Conscients de la vulnérabilité du continent, les dirigeants africains soutiennent depuis longtemps la lutte de la communauté internationale contre le réchauffement planétaire. Mais la réduction des émissions n’a ja-mais constitué la priorité absolue d’un continent dont les rares industries ne produisent que de faibles quantités de gaz à effet de serre. Les gouvernements du continent et leurs partenaires de la société civile et du développement s’efforcent plutôt de se préparer aux bouleversements climatiques à venir et d’aider les communautés vulnérables à s’y adapter. La principale difficulté est d’ordre financier. “Les changements climatiques auront des incidences considérables pour l’agriculture africaine, la contraignant à revoir ses pratiques. Mais sans un financement suffisant, elle n’en sera pas capable, car l’irrigation, les engrais, les techniques agricoles modernes et les semences de bonne qualité coûtent cher. “

Danger pour la paix
« Les changements climatiques et leurs retombées économiques, politiques et sociales risquent de compromettre la paix dans le monde si la communauté internationale ne prend pas les mesures nécessaires », a déclaré le Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon. « L’histoire de l’humanité a connu d’innombrables conflits motivés par des ressources naturelles. L’évolu-tion des phénomènes climatiques, comme les inondations et les sécheresses et les coûts qu’elles représentent pour nos économies, pourraient accentuer les divisions et marginaliser certains groupes sociaux », a-t-il ajouté, « exacerbant les risques d’affrontement et de violence. »

Que faire ?
Les effets des changements climatiques ne sont pas une fatalité. Nous pouvons éviter les pires impacts en limitant l’augmentation de la température en dessous de 2°C. Pour cela, l’humanité doit d’abord stabiliser ses émissions de gaz à effet de serre avant 2015, puis les réduire drastiquement : environ 80% d’ici à 2050 par rapport à 1990. Les pays industrialisés doivent faire plus : réduire leurs émissions de 30% d’ici à 2020, toujours par rapport à 1990. Nous avons les technologies pour le faire. Il est impératif de changer nos modes de vie et de nous développer autrement pour réduire ces gaz polluants et rétablir l’équilibre du climat. C’est possible car les solutions existent : il nous reste à les mettre en place tous ensemble !

Les voies pour y parvenir sont connues et ne signifient pas un retour en arrière ou une perte de confort :
- mieux utiliser l’énergie en évitant les gaspillages ;
- développer les meilleures énergies sans gaz à effet de serre (énergies solaire, géothermique, éolienne...) ;
- réduire la prédominance des transports routiers et aériens ;
- construire des bâtiments plus écologiques ;
- modifier les pratiques agricoles ;
- lutter contre la déforestation, responsable de 20% des émissions mondiales de gaz à effet de serre...

Donc, tous doivent agir. Mais les pays industrialisés doivent faire un effort plus grand. Ces pays sont responsables d’environ trois quart des gaz à effet de serre émis le siècle dernier, lesquels provoquent les changements climatiques que nous connaissons aujourd’hui.

Mais cet effort doit être engagé dès maintenant, et poursuivi sans failles, car il y a urgence !
Trouver une réponse à la crise climatique nécessite donc une coordination entre tous les pays. A noter : le Protocole de Kyoto se termine bientôt et doit être reconduit et renforcé en décembre 2009 par la grande Conférence de Copenhague. Confrontés au péril climatique, les dirigeants du monde entier devront parvenir à surmonter leurs divergences d’in-térêts de court terme pour se rassembler autour d’un projet politique mondial fondé sur un constat scientifique objectif et, ainsi, donner une suite au protocole de Kyoto qui soit à la hauteur des enjeux que nous allons devoir tous ensemble affronter. Le résultat de cette conférence dessinera l’avenir climatique de l’humanité.

Par son poids politique et économique, l’Union Européenne (UE) joue un rôle crucial dans les négociations internationales sur le climat. Alors que de nombreux pays industrialisés traînent des pieds, elle doit les tirer vers le haut.

Changement de l’accumulation des neiges au sommet du Kilimandjaro : 1ère photo prise le 17 février 1993, 2ème, le 21 février 2000Le Kilimandjaro a perdu 82 % de son glacier durant le 20e siècle. La taille de la calotte blanche du Kilimandjaro varie au cours de l’année, et peut grossir ou diminuer par intervalles, en fonction de l’ensoleillement, des précipitations et d’autres facteurs. Toutefois, depuis 1912, on a observé une diminution considérable et régulière des glaciers. Selon certaines prévisions, la plupart des glaciers du Kilimandjaro pourraient disparaître au cours des quinze prochaines années si la glace continue de fondre à la vitesse actuelle.

La mer augmente !
Delta du NilQue se passe-t-il lorsque le ni-veau de la mer augmente ? Le delta du Nil est l’une des plus vieilles régions pour l’agriculture intensive au monde. Il est très peuplé : la densité de population peut atteindre 1 600 habitants par km2 dans certaines zones. Les plaines d’inondations basses et fertiles sont entourées de déserts. Seuls 2,5 % de la totalité du territoire égyptien - le delta du Nil et la vallée du Nil - sont propices à une agriculture intensive. Une bande de 50 kilomètres de terre, située le long de la côte, est presque entièrement située à moins de 2 mètres au dessus du niveau de la mer. Elle est protégée des inondations par une ceinture de sable côtière large d’un à dix kilomètres, formée par les embouchures Rosetta et Damietta du Nil. L’érosion de cette ceinture de sable protectrice représente un grave problème - d’ailleurs aggravé depuis la construction du barrage d’Assouan.

L’élévation du niveau de la mer entraînerait la destruction des points faibles de la ceinture de sable, pourtant essentielle pour la protection des lagons et des terres basses défrichées. Les conséquences seraient très graves : un tiers du poisson égyptien est pêché dans les lagons. L’élévation du niveau de la mer modifierait aussi la qualité de l’eau, affectant la plupart des poissons d’eau douce. Des terrains agricoles de qualité seraient inondés. Des installations vitales situées à basse altitude à Alexandrie et à Port Saïd seraient également menacées. Les installations situées sur les plages de tourisme seraient en danger et l’eau souterraine deviendrait saline. Si le niveau de la mer s’élevait de 50cm ou moins, fossés et mesures protectrices pourraient sans doute prévenir les inondations. Mais une grave salinisation de l’eau souterraine serait à prévoir.

Voix d’Afrique
d’après des sources variées


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