Voix d'Afrique N°79.....

Téléphones mobiles, danger ?


Il suffit de se promener dans nombre de villes africaines pour voir quelle importance a pris le téléphone. Des centaines de « télé-centre » ou téléphones publics jalonnent les rues. On peut en compter une douzaine sur moins de cinq cents mètres. Cela représente un progrès pour les petites gens qui peuvent joindre leur famille plus facilement que dans le passé. On ne peut cependant pas appeler n’importe qui, n’importe où, car le téléphone fixe est loin d’être présent dans tous les villages. Mais une autre révolution est en train de se produire : l’avènement du téléphone mobile.

Depuis plus de 10 ans, le téléphone mobile connaît une diffusion croissante même dans les coins les plus reculés de l’Afrique. Il est devenu un produit de consommation courante, et celui qui ne l’a pas est souvent considéré comme un « moins que rien ». Chez les jeunes, il est signe d’émancipation, et peu importe que l’on possède des « unités » ou non. on peut toujours « biper » son correspondant (lancer un simple appel), en espérant que l’autre va l’appeler en retour.

Comment expliquer
une telle explosion ?

En premier lieu, l’état délabré du réseau fixe de différents pays africains a poussé les clients à miser sur la nouvelle technologie. Les grandes sociétés de communication ne voulaient pas investir dans les téléphones fixes qui nécessitent de grands investissements auxquels ne correspondent pas de retours importants et sûrs.

Construire un réseau de mobiles est en effet plus rapide et plus économique que poser des milliers de kilomètres de câbles de cuivre (ou même de fibres optiques) dans des régions souvent inaccessibles et manquant d’infrastructures. Avec peu de cellules (répétiteurs de signaux) on peut au contraire couvrir, dans des conditions optimales, des centaines de kilomètres à des coûts relativement raisonnables.

Ensuite, sur le marché continental de la télécommunication mobile, ce sont des opérateurs jeunes et dynamiques qui ont parié sur le succès commercial des nouvelles technologies. En 2000, au moins 80 sociétés étaient opératives dans le secteur. Un succès dû indubitablement à l’initiative privée qui a, dans plusieurs cas, suppléé aux manques de l’Etat. L’exemple de la République Démocratique du Congo est frappant. Le premier réseau de téléphonie mobile est installé à Kinshasa en 1986 à partir d’un opérateur privé. Le réseau s’est ensuite étendu dans le pays et à l’étranger. En 1996, il est en Côte d’Ivoire où il contrôle 85% du marché.

Le mobile,
moyen de contrôle social ?

Le mobile, devenu d’usage quotidien pour des millions d’Africains, peut, s’il est utilisé correctement, contribuer à l’amélioration des conditions de vie des habitants du continent.


Toutes les occasions sont bonnes pour faire de la publicité
et attirer le client.

Mais surgit la question de savoir si la diffusion de cet instrument ne comporte pas aussi un plus grand contrôle social de la part des gouvernants qui ne sont pas toujours des exemples limpides en matière de démocratie. Au-delà des interceptions téléphoniques, l’analyse du trafic téléph-nique et le contrôle des déplacements des personnes (grâce au fait que tout téléphone doit « s’accrocher » à un répétiteur du système localisé sur le territoire pour pouvoir fonctionner) constituent des instruments désormais indispensables pour les agences d’espionnage et pour les forces de polices du monde entier. S’il est vrai qu’il y a de nombreuses enquêtes légitimes qui requièrent l’utilisation de ces procédures, il est encore plus vrai que les récents scandales arrivés dans les pays occidentaux, aux démocraties solides, font surgir un doute quant à la fiabilité des garanties de la vie privée dans les Etats africains.

On peut objecter que face aux problèmes du continent (faim, maladies, guerres, pénuries), ces questions sont secondaires. Mais si les garanties démocratiques sont fondamentales pour l’Europe, l’Asie, l’Amérique, l’Océanie, elles le sont aussi pour l’Afrique, afin que ce continent ne vive pas hors du temps, séparé du reste du monde. Les problèmes soulevés par la technologie sont les mêmes en Amérique du Nord aussi bien qu’en Afrique, même s’il peut y avoir des différences dues à l’histoire et à la géographie.

Des liaisons qui peuvent être dangereuses
Il est donc incontestable que la diffusion des mobiles pose un problème pour la garantie de la vie privée et en définitive, pour le fonctionnement correct de la société. Ce qui est valable dans le monde occidental l’est aussi en Afrique ou en Asie. Bien plus dans le continent africain où la plupart des pays cherchent à faire avancer la démocratie, et aussi à résoudre les autres graves problèmes.

La concession des licences pour pouvoir opérer dans un pays déterminé est l’un des moyens possibles, aux mains des gouvernants, pour obtenir la collaboration des sociétés téléphoniques en opération de contrôle. Qu’on n’oublie pas, en outre, que certaines sociétés modernes de mercenaires, pudiquement définies comme « de conseil pour la sécurité » offrent aussi leur assistance dans le domaine de l’espionnage et du contrôle interne. On ne peut exclure la diffusion de systèmes « hardware » et « software » qui, à des coûts relativement raisonnables, sont en mesure de garder sous contrôle un grand nombre d’utilisations ou de créer des schémas pour analyser les flux du trafic (« qui téléphone à qui », pour combien de temps et d’où).
Il faut souhaiter que des systèmes de garantie soient élaborés pour qu’en Afrique aussi il y ait un droit de protection de la vie privée de la personne.

Voix d’Afrique
d’après Agence Fides
des 19 et 22 octobre 2006


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