« La rue n’a pas d’enfants »
Cette boutade qui nous vient d’ATD Quart-Monde peut exprimer ce que nous cherchons à réaliser quand nous travaillons auprès des enfants et jeunes vivant dans les rues de Ouagadougou. En effet, ces jeunes ne sont pas nés dans la rue, ils viennent de quelque part, ils ont une famille, même si cela prend parfois longtemps pour savoir où elle se trouve.
L’Association Taab Yinga veut donc aider à la réinsertion familiale et sociale des enfants « provisoirement » hors circuit.
D’où viennent-ils ?
Parfois de très loin, mais aujourd’hui, ils viennent souvent de tout près, car des familles se sont déplacées des campagnes dans les zones non loties de la capitale, espérant un mieux vivre. Pendant que le papa cherche du travail, les enfants vont à la ville et se mettent à faire des « petits boulots » comme vendre des mouchoirs en papier, des bonbons, chewing-gum ou autres. Ils nettoient les pare-brise des voitures, poussent celles qui ont du mal à démarrer, et gagnent un peu d’argent. Ils sont libres, vivent entre jeunes, et peu à peu, sont tentés de rester au centre ville au lieu de rentrer chez eux le soir, surtout s’ils ne sont pas sûrs de trouver à manger à la maison.
Pourquoi partir ?
C’est la pauvreté qui est souvent à la base de tout. Mais les cas les plus graves et les plus difficiles à résoudre sont ceux dus à la mésentente entre les parents, à la maltraitance (si la maman n’est plus là, parce qu’elle est décédée ou a été chassée).
Il y a aussi tous ceux qui viennent des écoles coraniques,
et qui sont fatigués de se faire exploiter à mendier dans la journée pour un « maître » qui ne les nourrit pas bien. Mais là encore, c’est souvent la pauvreté qui pousse les parents à confier leur enfant à une école coranique, parce qu’ils n’ont pas les moyens de s’en occuper correctement eux-mêmes.
Comment s’y prendre ?
D’abord les rejoindre là où ils sont, dans les rues, en groupe ou individuellement. Notre logo représente un adulte et un enfant qui « font tampon », une manière de se saluer dans la rue, entre initiés ! La colombe qui sort du choc symbolise l’espoir que nous mettons dans cette rencontre. Grâce à une association de Bobo-Dioulasso, nous avons mis au point une série de dessins qui permet aux jeunes d’exprimer ce qu’ils vivent, et de les aider à réfléchir sur leur situation, les causes et les moyens d’en sortir. Certains, surtout les plus petits (parfois 7 ans !), qui souffrent au début, dans la rue, sont souvent prêts à repartir tout de suite en famille, car ils ont pris la fuite sur un coup de tête qu’ils regrettent. Nous les accompagnons alors, le plus vite possible, chez eux.
A la plupart des jeunes contactés, nous proposons de venir dans notre centre « pour voir », pour se laver correctement et laver leurs vêtements, et surtout pour commencer à y apprendre un métier dans nos ateliers de jour : couture, mécanique-moto, soudure, ou peinture sur tissu et sérigraphie. Ce temps d’activité, sous le regard des m-niteurs et des animateurs, permet de mieux se connaître, de détecter une évolution dans le comportement, et de proposer, en temps voulu, un retour en famille. C’est seulement quand ce retour est effectué que nous pouvons envisager la scolarisation. Un enfant dans la rue ne peut être fidèle à des horaires de classe.
Ceux qui ne peuvent retourner en famille pour diverses raisons sont accueillis dans notre foyer (ils sont 25 en ce moment). Ils mangent là le soir, dorment, et ont diverses activités programmées pour eux. Plus de la moitié des jeunes du foyer sont à l’école actuellement : il y a un suivi sé-rieux, un accompagnement de chacun selon ce qu’il est. Il est même difficile pour certains de quitter le foyer quand la situation familiale permet le retour, car ils se sentent très bien « chez nous » !
Les plus âgés, et surtout les plus stables (en famille ou au foyer) sont placés chez des artisans de confiance, pour qu’ils se perfectionnent dans leur métier, et soient, enfin, capables de voler de leurs propres ailes, comme tailleurs, mécaniciens ou autres. Notre contribution est alors de leur fournir, en temps voulu, l’équipement nécessaire à un démarrage comme artisans indépendants. Là encore, il faut, bien entendu, continuer le suivi et l’accompagnement, car ces jeunes restent fragiles et sont marqués pour la vie.
Quelques chiffres
Nous constatons que la plupart des jeunes que nous considérons comme « à notre charge » actuellement sont en famille, soit comme écoliers, soit comme apprentis (nous avons même trois boulangers en voie d’être embauchés). Cela représente plus de cent jeunes, et ce chiffre va en augmentant. Nous aidons les familles, dans la mesure de nos possibilités, pour éviter un retour dans la rue à cause de la pauvreté. Mais nos aides restent minimes, et sont destinées à la famille toute entière.
Le groupe de ceux qui restent au foyer varie peu. Il est de 25 ; quand certains partent pour rejoindre leur famille, ils sont remplacés…
Nous accompagnons, à ce jour, plus de 50 jeunes équipés par nos soins. Certains sont assez éloignés, ayant préféré s’installer dans leur village d’ori-gine. Dans ces cas-là, il est toujours possible pour nous de trouver un éducateur social assez proche, en cas d’urgence.
L’équipe d’animation
Aujourd’hui, c’est plus de 15 personnes qui travaillent dans le cadre de l’Association, qu’il s’agisse d’éducateurs spécialisés, de moniteurs, de bénévoles, de gardiens ou de la cuisi-nière. Nous avons la chance d’avoir trois stagiaires formés par le Ministère de l’Action Sociale pour quelques mois ; deux volontaires canadiennes (dont l’une repart en juillet 2008, après 4 années de présence), et un volontaire suisse… C’est une équipe variée, qui essaie de travailler ensemble, car c’est bien de cela qu’il s’agit : notre crédibilité auprès des jeunes en dépend très fort.
P. Pierre Béné
SMA. Pères Blancs
Taab Yinga en quelques flashsTaab Yinga :
“Nous sommes faits
les uns pour les autres”......................
Etre malade dans la rue... ou être soigné à l’infirmerie ?Si vous êtes intéressés à "Soutenir des jeunes sortis de la rue et retournés en
famille, pour qu'ils persévèrent"Si vous désirez aider ce projet
© photos et texte de l'association