Voix d'Afrique N°112.

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Oui, il est possible d’être heureux
en maison de retraite


Etre attentive au fort désir de relation de la personne âgée



Parler de maison de retraite, provoque chez beaucoup un sentiment d’aversion, ou tout au moins de crainte. L’image de mouroir, de lieu de « non-existence », ajoutée à quelques reportages sur la maltraitance des personnes âgées, hantent notre imaginaire collectif et taraudent nos consciences personnelles. « Jamais je ne placerai mes parents en maison de retraite ! » Sauf que… Sauf que l’on n’a pas toujours le choix, et que la majorité des maisons de retraite sont aujourd’hui bien encadrées et le personnel sérieux. Mais parfois manque-t-il ce petit « plus » qui, au-delà d’une gestion compétente, transforme un lieu de vie en un lieu de sérénité. Ce petit plus, nous l’avons découvert sur les hauteurs de Marseille.

 

Dans le respect des liens affectifs.
Mme D... s’était jurée de ne jamais placer sa mère en maison de retraite, mais celle-ci, atteinte par la maladie d’Alzheimer, est tombée chez elle, s’est retrouvée à l’hôpital, puis en maison de repos. Quelques visites à des maisons de retraite lui sont insupportables : l’impression d’enfermer sa mère pour sa sécurité ne la laisse pas en paix. Par le plus grand des hasards explique-t-elle, en passant dans le quartier, j’ai vu des bâtiments neufs avec le panneau « Maison de Retraite ». Sans grande illusion, j’y suis entrée pour demander des renseignements.

Dès l’arrivée, je reste stupéfaite, ça ne ressemble pas du tout à l’idée que j’ai d’une une maison de retraite. L’aménagement des locaux, les premiers contacts avec le personnel, donnent une impression d’harmonie. Le soir je téléphone à ma sœur : j’ai dû mal voir, c’est trop beau ! On décide d’aller vérifier ensemble, et je ne regrette pas notre décision. Nous y venons avec les petits enfants, pour eux aussi c’est la joie de circuler librement et de dire bonjour à chacun. Madame D... vient souvent voir sa mère. Aussi s’implique-t-elle fortement dans l’accueil des familles qui placent un de leurs parents dans la maison. « Ici, on respecte les liens affectifs. Quand on a une personne âgée à charge, on perd la vie sociale qu’on avait avant. Ici, en se retrouvant, on rompt cette sorte de solitude qui nous atteint, on peut parler en famille. »

Aurélie est aide-soignante, elle travaille au Hameau des Accates depuis 2009. « Si je suis ici, c’est un peu par hasard. Je cherchais un petit appartement dans le secteur, et en voyant de loin ces bâtiments neufs, je me suis approchée… Une précédente expérience de travail en maison de retraite, m’avait fait douter de mon choix pour ce métier. Or, le respect de la personne âgée que j’ai tout de suite trouvé ici, m’a beaucoup plu. Et puis, on travaille vraiment ensemble. Il y a énormément d’écoute, pas simplement vis-à-vis des résidents, mais aussi entre nous. »

Sr Geneviève, de la congrégation des Sœurs Blanches, qui a passé 25 ans en Afrique, est là depuis l’ouverture.
Elle nous dit : « J’ai été éblouie dès mon arrivée, c’était beau, clair, spacieux, en harmonie avec la nature. Et ce qui est bien, c’est cette convivialité qui règne dans la maison. La directrice est très proche. Il y a un grand respect mutuel entre tous, religieux ou laïcs, chrétiens ou non. »


La préparation d’un gâteau, bon moment de convivialité.

Une résidente, atteinte de la maladie d’Alzheimer affirme : « C’est très bien ici, je ne connais personne, et pourtant, tout le monde me dit bonjour comme des amis. » Travailler ensemble, une interpellation réciproque. Quelle est donc la recette du Hameau des Accates, pour soulever une telle unanimité ? Bien entendu, une compétence certaine, mais aussi une expérience précédente de gestion de maison de retraite, et un grand souci de l’être humain, partagé par la directrice et ses collaborateurs.

Ouverte le 31 janvier 2008, cette maison est devenue depuis « une pompe à injection de valeurs » pour les autres maisons de la Fédération d’Entraide Sociale (Féd’ES), dont elle est membre. Dominique Debrand, la directrice, est une personne très compréhensive. Elle explique : « Il s’agit de donner la première place à la personne, mais aussi à la relation avec chacun et entre les personnes «. Le pire piège, c’est la solitude. Non seulement pour les personnes âgées que les handicaps isolent, mais aussi pour les membres du personnel et ceux de la direction. D’où l’importance d’écouter, de prendre le temps pour l’échange, de faire ensemble. Il ne s’agit pas d’un consensus mou, de discours lénifiants, mais bien d’être dans les faits, dans la réalité de ce qui se vit. Travailler ensemble, cela signifie aussi accepter une interpellation réciproque, savoir s’ajuster à l’événement et veiller aux détails de la vie quotidienne. » Des groupes de partage. Ce qui fait peur aux familles et aux personnes âgées, c’est ce sentiment d’être dépossédées de leur vie et de leurs liens affectifs, par une prise de pouvoir de professionnels distants. Pour lutter contre cet écueil, nous avons créé des groupes de partage ou de travail transversaux, tel ce groupe de parole spécifique pour les familles, auquel participent un psychologue et des personnes du service.

Quant au Conseil de la vie sociale, il réunit 9 personnes élues et la directrice. « Au cours de ces réunions, m’explique Sr Jacqueline, la présidente élue de ce conseil, nous traitons de la vie et du fonctionnement de la maison, des initiatives à prendre, des activités à développer. Nous choisissons les films qui seront projetés dans la semaine, les sujets des prochaines conférences. Nous avons aussi un petit minibus qui emmène celles et ceux qui le désirent, au centre commercial ou en sortie. » Même si ce choix de fonctionnement a un coût, « un établissement ce n’est pas qu’un bilan comptable, c’est un projet de vie », affirme Nadia Petit, responsable de l’administration et des finances de la Féd’ES. Ainsi, un des choix que nous avons fait, est de développer les activités qui favorisent les liens intergénérations et interculturels. C’est notamment le but du partenariat que nous avons mis en place avec le lycée d’à côté, car si les liens entre les personnes âgées et les enfants se nouent facilement, les relations avec les grands ados sont plus complexes. Exigence, écoute, partage, confiance, expérimentation du vivre ensemble, sont des éléments clés du Hameau des Accates. La Présidente du Conseil de la Vie Sociale le résume bien dans une phrase : « Pour ça oui, ici on est heureux ! »

Sr Huguette Régennass


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