Voix d'Afrique N°99.

 

 

L‘avenir du monde passe par la famille, mais on peut voir, en de nombreux pays, une fragilisation du mariage. Les anciennes générations s’inquiètent de la grande diminution du nombre de mariages chez les jeunes. Pouvoir se marier et fonder une famille est un droit fondamental de la personne, mais la réalisation de ce droit ne va pas sans problèmes. Même si pour beaucoup de jeunes le mariage marque leur passage vers l’âge adulte, ils connaissent de grandes difficultés pour s’y engager.


Le mariage traditionnel

Dans la société traditionnelle, le mariage est essentiel pour la survie du groupe. Il devait se préparer dès le jeune âge jusqu’au jour de l’engagement. Tout était programmé, des premières prises de contact, aux fiançailles et à la conclusion par la célébration du mariage. En certains pays, on parle encore de fiançailles de coutume, des enfants (garçon et fille) dont les parents ont décidé le mariage dès la petite enfance. Mais cette pratique tend à disparaître. Le choix de la fiancée est fait soit par le père du garçon, soit par le garçon lui-même qui le propose à l’approbation de son père.

Ce qui demeure, c’est le sens du mariage : en plus d’unir les individus, il unit aussi deux familles. Un des symboles de cette réalité est la pratique de la dot. Elle est versée par le futur époux à la famille de sa future sous des formes diverses (travail, argent ou biens matériels). En fait, elle vient compenser la perte causée par le départ de la fille dans une autre famille. Il faut remplacer la force de fécondité qui est donnée et bien marquer l’union de deux familles. Cependant, depuis quelques années, le poids de la dot devient souvent un obstacle au mariage. Les familles des garçons peinent à réunir la somme exorbitante exigée par les parents de la fille. Perdant son sens de symbole d’alliance, la dot est devenue une source de revenus.
Malgré ces abus, la dimension communautaire est une des plus importantes caractéristiques du mariage africain. Il est toujours considéré comme le centre autour duquel tourne toute la vie de la communauté. Là se rencontrent les vivants, les morts et les «non-encore-nés». Ces trois catégories de personnes forment une seule communauté en trois dimensions.

Mariage précoce

Si les « fiançailles de coutume » ôtaient la liberté de choix aux futurs époux, il est un autre lieu, aujourd’hui, où les filles subissent la même frustration. Il s’agit du mariage précoce où la fille est donnée en mariage encore adolescente. Il entraîne de graves dommages : d’abord, il présente un aspect ‘commercial’ des plus détestables. De plus, il peut avoir de lourdes conséquences sur la santé des jeunes filles. Plus vul-nérables face aux grossesses précoces et au VIH/sida, elles donnent naissance trop tôt avec bien des conséquences pour leur santé et celle de leur enfant.

Célébré dans la tradition, il est à l’abri de la loi qui condamne le mariage forcé et qui fixe souvent l’âge minimum du mariage à 18 ans pour les filles. On a vu de jeunes Mauritaniennes, âgées d’à peine six ans, données à des hommes des États du Golfe. Cela est en train de devenir un trafic juteux à mesure que cette pratique matrimoniale typiquement rurale est exportée vers les villes.

La pauvreté est l’un des principaux moteurs du mariage précoce. Dans nombre de pays et de communautés pauvres, le mariage d’une jeune fille soulage la famille du coût d’une bouche à nourrir. La dot que les parents reçoivent en échange représente une source de revenus importante pour les familles dans le besoin. Seule une action énergique de l’État peut provoquer le déclin des mariages précoces (élévation de l’âge légal du mariage, extension de l’éducation, changements des normes sociales).

Mariage moderne

Aujourd’hui, les jeunes, ruraux comme citadins, sont très influencés par les idées nouvelles et modernes. Chacun veut pouvoir choisir sa partenaire pour le mariage et les parents n’ont plus guère à intervenir dans ce choix. Mais le choix peut être difficile car il engage les partenaires pour de longues années, et beaucoup ont peur de s’engager pour la vie. Ils préfèrent le provisoire et se contentent d’une vie de couple à l’essai. Il est donc important que les jeunes prennent leurs responsabilités s’ils veulent grandir et faire grandir la société. Mais les motivations pour le mariage peuvent être diverses. Beaucoup se marient par obligation ou pour trouver la sécurité et le respect social. Surtout il faut s’assurer le lendemain.

En ville principalement, l’argent prend une place importante dans les choix des futurs époux. Homme ou femme, chacun veut d’abord réussir professionnellement, avoir une position confortable avant de s’engager. Cela entraine beaucoup de jeunes femmes à choisir leur mari d’après son avoir financier. « Peu importe sa beauté, l’amour, son comportement, si sa poche est remplie, c’est tout. » Malheureusement, la réalité sera souvent autre. Mariées, elles seront vite confrontées aux véritables comportements de l’homme, infidèle et orgueilleux à cause de sa fortune.

Autre problème : dans bien des pays, beaucoup d’hommes n’ont pas le courage de prendre une femme qui a fait de longues études. Ils ont peur qu’elle ne se laisse pas facilement conduire, d’autant plus que, par son travail, elle amènera aussi sa part dans le foyer.

Conséquence de cette situation d’attente chez les jeunes, la recrudescence des rapports sexuels avant le mariage. Si l’homme, plus libre de son corps, peut multiplier le nombre de ses partenaires, il est aussi celui qui doit assurer ‘l’intendance’ : pour sortir avec une femme, il faut avoir de l’argent et payer pour l’entretenir.

Le mariage moderne est encore battu en brèche par des réalités de la coutume : d’abord, la polygamie qui est admise dans les plupart des pays à majorité musulmane. Même si elle est condamnée par ceux qui défendent la parité des sexes, certains la soutiennent, même parmi les femmes, car elle leur apparaît comme un moyen de répartir l’autorité des hommes et ainsi affaiblir leur pouvoir. Ensuite, le ‘lévirat’ qui est encore fréquent en milieu rural : le frère du mari défunt épouse la veuve , même s’il a déjà une épouse. C’est une assurance pour la cohésion de la fa-mille et aussi pour le bien-être matériel de la veuve. Il faudrait aussi mentionner l’infécondité et le danger de la séropositivité.

Mariage dans l’Église

L’Église, elle aussi, doit gérer le vagabondage sexuel des jeunes, les ‘mariages à l’essai’, et tous les autres problèmes que peuvent rencontrer des couples. Pour les chrétiens, c’est le consentement qui constitue le mariage et qui exprime une acceptation libre et mûre, refusant les compromis, les astuces, les menaces : « On se marie, après on verra » ; « Si je dis ‘non’ mon père se fâche », « A vrai dire, j’aime un(e) autre, mais je dois faire comme ça » ; « On ne se connaît pas tellement, mais nos familles ont déjà présenté les cadeaux » ; « J’attends un enfant. Mes parents ne le sa-vent pas encore ».
Les critiques faites au mariage chrétien et au sérieux des en-gagements prévus tombent aussi sur le mariage traditionnel ou civil.

Mais cela n’est pas nouveau. Les résistances actuelles à une union définitive sont celles que l’Église a rencontrées tout au long de son histoire. L’Église n’a pas inventé le mariage, elle se propose continuellement d’en renouveler le sens.

C’est aux jeunes que s’adresse le théologien tanzanien Laurenti Magesa: «Si la catéchèse chrétienne du mariage doit aider les adultes à ne pas interférer trop dans la décision des jeunes en cette matière, elle doit également aider les jeunes à ne pas abuser de leur liberté et indépendance, en faisant du mariage une question purement ‘privée’. L’être humain ne doit pas oublier qu’il est un être social, même dans le mariage. »

Conclusion

Méditons ces paroles de Mgr. Nkiere Kena Philippe, évêque d’Inongoen R.D.C. : « Notre Afrique marginalisée et déchirée possède une richesse inestimable pour l’avenir de toute l’humanité : notre capacité relationnelle. On aime vivre ensemble, chanter et danser ensembler, pleurer ensemble, lutter ensemble. Chez nous, la relation avec autrui est assurément le lieu où se donne, se partage et se prolonge la vie ; la vie n’est complète que lorsqu’elle est vécue ensemble... »


D’après des sources diverses
Voix d’Afrique


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