Voix d'Afrique N°80.....

Le Cardinal Bernard Gantin nous a quittés

Il arrivait à Rome en mars 1971. I1 avait 49 ans. Il est jusqu’ici et depuis 1960, archevêque de Cotonou, la grande ville du Dahomey, devenu le Bénin en 1972, à l’époque d’une révolution inspirée du marxisme.
Ce jeune évêque -le premier archevêque noir de l’Afrique- avait été repéré lors de Vatican II par le pape Paul VI qui voulait, le plus vite possible, appliquer les décisions promulguées par les évêques. I1 s’agissait, notamment, de l’internationalisation de la Curie (les services du Pontife romain). A la tête de l’importante Congrégation pour l’évangélisation des peuples, il nomme un Brésilien, Président de la Conférence des évêques et un secrétaire italien, Mgr Pignedolli. Pour que les autres continents soient représentés Paul VI leur adjoint deux sous-secrétaires : l’Indien Lourdusamy, archevêque de Bangalore, et l’archevêque de Cotonou : BERNARDIN GANTIN.


Une grande figure du Vatican

Très vite, ce Béninois va devenir une grande figure, un homme-clé du Vatican, apprécié notamment par les Français, alors que sa nomination avait d’abord surpris et étonné des monsignori de la Curie : que pouvait-il sortir de bon de Cotonou? Il gagne vite les cœurs par sa bonté, sa simplicité, son sens de l’accueil, son intelligence, sa grande piété. Très vite, Paul VI le nomme président du Conseil pontifical “Justice et paix” et du Conseil caritatif “Cor unum”.
A 55 ans, il est créé cardinal, en 1977, lors du dernier consistoire de ce pape, en même temps que Joseph Ratzinger, l’archevêque de Munich. Ils devinrent très liés.
Elu en 1978, Jean-Paul II confirme aussitôt le cardinal dans ses fonctions. Ce pape venu de Pologne aimera passionnément l’Afrique. Il avait pris des contacts avec les évêques du continent lors du Concile. Il les retrouve à Rome à l’occasion de leurs visites “ad limina” et au cours de ses nombreux voyages. Le cardinal l’accompagnait souvent et nous avions ainsi l’occasion de discuter dans l’avion, comme au cours des repas, dans sa résidence, où il aimait inviter de jeunes journalistes français.

Ami des musulmans
Ce fut d’abord en Afrique, en mai 80, l’immense tournée que Jean-Paul II fit du Zaïre à Abidjan (6 pays, 18 000 km). Après l’attentat de la Place Saint-Pierre de Rome (13 mai 1981), le pape reprend la route en commençant, à la joie du cardinal, par le Bénin. Il retourne en Afrique en 1985 pour une autre gigantesque tournée qui se termine à Casablanca où le roi du Maroc, Hassan II, lui demande de parler aux jeunes. Il le fit. Son discours de-meure une charte et la référence pour le dialogue islamo-chrétien. Recevant ses hôtes au palais royal, Hassan II offre au cardinal de devenir membre de l’Académie marocaine.
Bernardin Gantin prit ainsi de nombreux contacts en pays musulmans. A cette occasion, il rencontre Maurice Druon, de l’Académie française, lui aussi membre de l’Académie marocaine. Ils lièrent amitié.

Les Français, pour leur part, avaient découvert le cardinal en 1979, lors des fêtes de Lisieux et surtout à Lourdes, en juillet 81 quand le pape, à peine remis des graves blessures causées le 13 mai 81 par le turc Ali Agça, envoyait comme légat pontifical son ami Gantin, lui confiant même sa croix pectorale.

Mais le souvenir le plus impressionnant restera pour moi la visite à Khartoum, capitale du Soudan, le 13 juin 1993. J’avais pu préparer la visite avec l’aide du cardinal. Depuis 1984, il était Préfet de la Congrégation des évêques, un Africain, pour la première fois, à ce poste le plus important de la Curie, puisque c’est là que sont préparées les nominations des évêques d’une grande partie du monde. Il était, à la même époque, à la tête de la Commission pontificale pour l’Amérique latine. Il suivit de très près les débats qu’entraînèrent les théologies de la libération.

A la Congrégation des évêques, il dut, avec le pape et d’autres évêques, trancher en 1988 le cas de Mgr Lefebvre et, en 1995, celui de Mgr Gaillot. Ces “affaires” jetèrent bien injustement le discrédit sur le cardinal. Il en fut vivement affecté surtout qu‘il constata que bien des critiques provenaient de France.
En mai 2002, le cardinal, âgé de 80 ans, demanda à Jean-Paul II de rentrer au Bénin. Il quittait toutes ses fonctions spécialement celle de doyen du Sacré-Collège (des cardinaux). Il laissait la place au cardinal Ratzinger souhaitant qu’un homme plus valide que lui puisse éventuellement préparer le conclave après la mort de Jean-Paul II. On sait ce qui arriva le 19 avril 2005 avec l’élection si rapide de Benoît XVI. Humblement, le cardinal dont le cœur n’a cessé de battre au rythme de l’Eglise, avait préparé la place à son ami Ratzinger.


Joseph Vandrisse
M. Afr.
Radio-Espérance
mardi 20 mai 2008


.............. Suite