Culture
KATANGA
BUSINESS
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Le film
Thierry Michel nous entraine au Katanga, au sud-est de la République Démocratique du Congo, dans ce nouvel eldorado des temps modernes, où se dessinent, à coups de milliards de dollars, les nouveaux rapports économiques mondiaux.
Le Katanga, cest la province qui rassemble tout à la fois cuivre, cobalt, zinc, fer, uranium, étain, or, germanium : et ce alors même que ses habitants vivent dans une extrême pauvreté. Cest une des régions minières les plus riches du globe.
Parmi les personnages, des milliers de creuseurs cherchent de quoi survivre en occupant illégalement les concessions des multinationales minières, alors que les travailleurs légaux luttent pour des salaires et des conditions de travail à peine décents.
Il y a aussi un gouverneur de province richissime et adulé par les foules, un patron belge véritable Roi du Katanga, un PDG canadien, un Chinois qui vient signer le contrat minier du siècle avec lÉtat congolais, État qui a peine à simposer.
Tout ce « beau monde » se livre « une véritable guerre, pas au revolver comme dans le Far West traditionnel, mais bien une guerre économique à coups dOPA, de refinancement, de capitalisation, de corruption. Tous les moyens dont on dispose pour saffirmer économiquement, commente Thierry Michel. Cest une guerre sociale redoutable qui se solde par des morts au travail dans ces galeries de creuseurs, ces damnés de la terre condamnés par lhistoire, et quon chasse des concessions. Car, comme dans tout western, cest la loi du plus fort qui règne. Et aujourdhui, le plus puissant, cest souvent le plus riche. Cest la loi du plus fort, mais les gens, fragilisés socialement, exploités, se défendent. Ils ne sont pas seulement des victimes soumises. Comme au 19ème siècle en Europe, ils se constituent en classe sociale qui va essayer, peut-être demain, de défendre ses droits sur le terrain politique, dit encore Thierry Michel.Commentaires
par le réalisateur« On ne peut comprendre le macrocosme sans le microcosme » « Dans ce film-ci, dit Thierry Michel, le destin du Katanga est en filigrane, visible de manière elliptique, derrière des destins individuels et collectifs. Le microcosme, ce sont les travailleurs, les creuseurs, les damnés de la terre ; et le macrocosme, ce sont les industriels, mais aussi les spéculateurs qui arrivent avec des capitaux et des valises pleines de billets, développent la région et en même temps ne cherchent quà faire des affaires et du profit.
Entre ces deux univers, il y a un conflit social lié aux nouveaux modes dexploitation, une véritable révolution industrielle avec les machines qui remplacent lhomme et la fin de lartisanat minier. Et cela entraîne nécessairement un conflit social violent avec lémergence du salariat et de laffirmation du syndicalisme. Et dans le même temps, entre ces forces du capital, il y a une guerre économique dautant plus violente que les intérêts géopolitiques divergent (entre sociétés nord-américaines et asiatiques, par exemple). Et en arbitre, entre le conflit social et la guerre économique, il y a le politique, en loccurrence le gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi, qui est lhomme qui peut faire la jonction entre les deux. Il est le représentant du peuple, cest-à-dire des travailleurs, des creuseurs, des Congolais à qui il doit sa légitimité ; et en même temps il veut moderniser, développer sa région, attirer les capitaux ; et cela passe nécessairement par des alliances avec les investisseurs, dautant quil est lui-même un homme daffaires. Il tente de faire passer le cap de la nouvelle révolution industrielle à sa région. Au détriment de qui ? Cest toute la question que pose le film. »Difficultés pour le tournage
Par moments, Thierry Michel sest vu interdire de filmer certaines choses, mais sans que cela soit fait avec acharnement. « Parfois, on taisait les informations pour que je ne sois pas au bon endroit au bon moment, mais je finissais toujours par les recevoir, explique le cinéaste. Il mest arrivé, pour des raisons de tracasseries, dintimidations, dobstruction, darriver trop tard à certains endroits, mais en règle générale, grâce à mon équipe congolaise et à mes réseaux, nous pouvions contourner ces obstacles.
Souvent, il faut passer par de longues palabres pour arriver à ses fins. Mais jai aussi des remparts. Par exemple, lors dune grève, mon arrivée a été mal vue par les autorités, car les télévisions locales ne couvraient pas ce mouvement social. Mais une fois que jétais sur place, au côté des grévistes, il était quasi plus difficile de minterdire de filmer que de me laisser faire. On ma donc laissé faire. Le plus difficile dans la dramaturgie du film fut de mettre ensemble cette mosaïque de destins. En effet, javais une constellation de personnages que je devais mettre en scène, des personnages qui sont entre eux dans une relation triangulaire : les travailleurs, les patrons, et le pouvoir politique, représenté par le gouverneur, qui en est la clé de voûte. »Et pour nous ?
Éviter le manichéisme
A travers son documentaire, Thierry Michel prend soin de ne pas juger les gens quil filme et de ne pas tomber dans le manichéisme. Pour le réalisateur, cest un choix éthique. « Il ne faut pas réduire le monde, explique-t-il. Le documentaire est là pour élever la conscience des gens, leur capacité critique, leur regard sur le monde. Le monde est ambivalent, complexe.Lhistoire nest pas en ligne droite, mais en ligne brisée. Souvent la courbe est le chemin le plus court pour arriver dun point à un autre. Le manichéisme est une réduction totale et une manière dinfantiliser le spectateur. Certes, il faut dénoncer les violences sociales, mais toujours en les replaçant dans leur contexte. Chacun a sa logique. Il faut montrer les gens dans leur logique. Même les islamistes les plus radicaux ont leur logique. Chacun a son destin. Cest vrai aussi pour les événements historiques. La Révolustion française est une avancée considérable en termes de droits de lhomme, mais que de décennies sacrifiées en comparaison avec lévolution de lAngleterre à la même époque ! »
Textes et photos
daprès le dossier de presse
de www.cineart.be
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