Jeunes
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LE STAGE APOSTOLIQUE
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Après leur Année Spirituelle, les jeunes candidats Missionnaires d’Afrique sont envoyés dans un pays d’Afrique pour deux ans de stage apostolique. C’est pour eux une première expérience de la vie concrète du Missionnaire d’Afrique.
Nous présentons, ici, un texte déjà un peu ancien (il est de 2001) d’un jeune qui a fait son stage au Kenya. Il montre bien les divers éléments du stage : le “choc culturel” du début, l’étude de la langue, puis l’intégration dans une communauté et dans un travail apostolique. Le stage est un temps de formation qui doit aider le jeune à discerner s’il est fait pour la vie missionnaire.
Montrer l’Amour de Dieu présent
Une découverte bouleversante : à mon arrivée à Nairobi, au Kenya, j’ai été bouleversé quand je suis entré pour la première fois dans les quartiers pauvres de Mathare. Je ne pouvais pas comprendre comment les gens pouvaient vivre dans un tel environnement, où il n’y a aucune dignité. Un autre choc pour moi : le contraste entre les différentes parties de la ville. D’un côté, vous avez les gratte-ciel, de belles et grandes maisons familiales, et de l’autre côté vous voyez de petits refuges faits avec des tôles aplaties, la saleté, des montagnes d’ordures qu’on ne ramasse jamais, etc. Je n’avais jamais vu une telle pauvreté.
Je ne pouvais pas comprendre non plus pourquoi il y avait autant d’incendies dans les quartiers pauvres : plus tard, j’ai vu qu’on voulait par ce moyen chasser les gens. Les médias font toujours référence à ces incidents comme étant “ mystérieux “.J’étais surpris aussi de toujours voir beaucoup de gens dans la cour de la paroisse, du matin au soir. Parmi eux, il y avait des réfugiés qui venaient chercher de l’aide, des pauvres et des désespérés, des enfants de la rue encadrés par le projet paroissial dénommé « Watoto wetu», ( nos enfants) ou d’autres, fidèles à venir aux répétitions de la chorale ou à d’autres réunions.
J’ai constaté, du moins à Nairobi, qu’il y a une crise d’identité culturelle, surtout parmi les jeunes. Ils sont grandement influencés par la culture américaine. La musique qu’ils aiment écouter et leur façon de s’habiller ressemblent beaucoup au style américain. J’ai été choqué de voir comment beaucoup de chefs de sectes utilisent la religion pour abuser et tromper les pauvres et les innocents. Voir tant de types différents d’Églises et de sectes était nouveau pour moi. J’ai été bouleversé par la violence dont j’ai été témoin ou par les actes de violence rapportés chaque jour dans les médias.
Avant de rejoindre ma communauté à Nairobi, j’ai appris le swahili à Kipalapala, en Tanzanie. Cette expérience était pour moi un défi. Beaucoup de gens ne pouvaient pas comprendre que moi, Africain, je ne parle pas swahili. C’était difficile de leur faire comprendre que, dans mon pays, on ne parle pas swahili. Quand j’ai commencé à parler, les gens me disaient que je parlais encore comme un «Mzungu» (un Européen). Malgré leurs moqueries, ils m’ont aidé et encouragé dans l’étude de leur langue.
Ce fut une grande joie pour moi quand j’ai commencé à comprendre les gens et à leur parler dans leur langue. Arrivé à Nairobi, j’ai trouvé un swahili différent de celui de Tanzanie et j’ai dû m’adapter. J’ai aussi appris une autre langue : le sheng. C’est un argot parlé surtout par les jeunes gens. Si je n’avais pas connu le sheng, je n’aurais pas pu être près de la jeunesse comme je l’ai été. Cela m’a aidé à être complètement à l’aise avec eux, que ce soit dans les réunions, les sessions, les promenades, ou au cours d’un simple bavardage.Ma communauté des Missionnaires d’Afrique
Mon insertion s’est faite dans une communauté diverse et d’âges variés : un Canadien de 72 ans, curé depuis 14 ans; un Belge de 60 ans, un Hollandais, de 62 ans, et un Ghanéen de 37 ans. Chacun a été une aide et un guide pour mon approche des jeunes de la paroisse. Une chose que j’ai aimée dans cette communauté était le souci que nous avions les uns pour les autres.
Répondre aux besoins des jeunes
A mon arrivée, on m’a conseillé de prendre mon temps et de chercher les activités pastorales que je pourrais faire. Ce que j’ai fait. Je ne voulais pas être totalement impliqué dans des activités déjà bien établies. J’ai passé mon temps de découverte principalement parmi la jeunesse qui m’a aidé à m’intégrer dans ce milieu. Mon intérêt à les connaître individuellement (leurs noms, leurs adresses, et leur manière de vivre) et aussi à apprendre leur langue (sheng) m’a aidé à gagner, petit à petit, leur confiance. Discrets et réservés au début, ils en sont venus à s’ouvrir et à partager avec moi leur amour de l’Église, mais, en même temps, leur désarroi de se sentir abandonnés et d’être comme des chrétiens de seconde classe dans l’Église. Ils ne se sentent pas impliqués dans les activités de l’Église et leurs besoins sociaux, spirituels et psychologiques ne sont pas satisfaits. C’est de là qu’a commencé à grandir mon intérêt pour l’apostolat auprès de la jeunesse.Un choc pour moi
Ce fut un choc pour moi de découvrir que la jeunesse des quartiers pauvres n’avait pratiquement pas de relations avec celle des quartiers riches. Je venais de trouver mon principal objectif au milieu de la jeunesse : réunir des jeunes d’origine sociale différente. Je les ai aidés à mieux se connaître, à respecter la dignité de l’un et l’autre et à s’aimer les uns les autres en tant que jeunes d’une même paroisse, aimés par le même Dieu. C’était un défi, mais je pensais que cela en valait la peine. Ma présence parmi les gens dans les quartiers pauvres a été très appréciée si j’en crois ce qu’ils me disaient et comment ils répondaient quand j’étais avec eux. Beaucoup de jeunes m’ont dit : « Olivier, tu sais que tu as fait quelque chose… tu nous as donné espoir et courage pour faire face à la vie. »
Impact du stage sur ma vie de foi
Ma foi remise en question
La foi des pauvres et des gens ordinaires m’a fait remettre en question ma propre foi et l’a aidé à grandir. Le fait de partager mes raisons d’espérer et de croire et aussi d’écouter le témoignage d’autres personnes m’a aidé dans ma foi. J’ai appris à insérer ma vie quotidienne dans ma prière personnelle et communautaire.
Ma manière de vivre l’Évangile bouleversée
Ma façon de comprendre et de vivre l’Évangile était de donner la priorité en tout aux habitants des quartiers pauvres : être avec eux, faire l’expérience du genre de vie qu’ils vivent, comme l’insécurité, l’odeur insupportable des eaux des égouts ouverts, le surpeuplement dans les maisons familiales, les montagnes d’ordures non ramassées, etc. Les jours de fête comme Noël et le Nouvel An, beaucoup de familles m’invitaient chez elles. Mais je prenais soin de m’assurer que les familles et amis des quartiers pauvres n’étaient pas laissés de côté.
Le dévouement des laïcs m’impressionne
J’ai été principalement marqué par le dévouement des laïcs dans leur petite communauté de base, dans leur engagement pour Justice et Paix, dans l’animation liturgique de la paroisse, et dans les différents « huduma » (ministères, services). J’ai été frappé par les ouvriers de la santé qui traversent toutes sortes d’épreuves et de défis en essayant de prendre soin des maladesMa vocation :
être tout à tousLe stage m’a aidé à grandir dans ma vie personnelle. J’ai appris à mieux me connaître, ou plutôt à infirmer ou à confirmer ce que je savais déjà au sujet de moi-même. Je suis maintenant convaincu que je suis capable de m’adapter facilement à un nouvel environnement, de commencer de nouvelles relations et d’aimer les gens qui vivent dans ce nouveau milieu.
Ce stage de deux ans m’a démontré que j’ai quelque chose à offrir à ceux et celles vers qui je suis envoyé. En même temps, j’ai quelque chose à recevoir d’eux.Olivier Tienana SOMA
Nairobi, mars 2001
Après trois ans d’études théologiques, le Père Olivier Soma a été ordonné prêtre dans le diocèse de Banfora en juillet 2004. D’octobre 2004 à juin 2009, il a travaillé au Rwanda comme vicaire à la paroisse, animateur vocationnel et aumônier de la jeunesse dans la ville de Kigali. Depuis juillet 2009, il est nommé à Bukavu, en RDCongo comme Assistant Provincial de la Province d’Afrique Centrale.
Voir aussi
Nairobi Kenya 26-30 Novembre 2008 "Pèlerinage de confiance sur la terre" organisé pour les jeunes par Taizé (d' Olivier Soma M.Afr)