Nous avons rencontré José
Cantal, jeune missionnaire
d’Afrique espagnol.
Il nous parle de son cheminement,
de son expérience déjà
riche, et de son engagement à
Oran.
José, de Grenade
Grenade, c'est à la porte du Maghreb. De nombreux monuments témoignent des racines à la fois chrétiennes et musulmanes de la ville, l'ancienne capitale arabe. José grandit dans ce milieu. Les anciennes mosquées, les arcades autour des bassins et des jets d'eau tranquilles, les mystérieuses inscriptions en lettres étranges, les vignes et les oliviers, les orangers et les figuiers sur les coteaux au soleil marquent durablement l'esprit du jeune andalou.Sa famille est très chrétienne et c'est tout naturellement qu'il s'engage dans la vie de sa paroisse. Il rencontre quelques pères blancs de passage, et se sent attiré par l'Afrique. Est-ce à cause du film "Bambo" qui racontait l'histoire d'un gamin de brousse ? Lorsqu'il termine ses études secondaires, il choisit l'Afrique et les missionnaires de Lavigerie. Il avait huit ans lorsque son père est mort, mais sa mère et ses deux frères l'encouragent.
Premiers pas dans la Mission
Après ses études de philosophie et son noviciat, il est envoyé au Burkina Faso pour son premier stage. Pendant trois mois il étudie la langue mooré et part pour sa première mission. Il trouve une mobylette encore en état de marche et entreprend les tournées dans les villages. Les communautés chrétiennes ne sont pas très nombreuses, quelques deux mille chrétiens éparpillés dans une trentaine de villages, sur un rayon de trente à quarante kilomètres.
La catéchèse est simple : parler de Jésus Christ. Cela correspond à l'attente des gens : sa vie, son enseignement, ses miracles, Bethléem, le lac de Tibériade, le Calvaire et Pâques ; José ne se fatigue jamais d'en parler, et ses amis ne se fatiguent jamais de l'écouter. "Il a vécu la condition humaine, en toutes choses sauf le péché." Il n'a pas porté la nature humaine comme un masque. Fils de Dieu, il s'est fatigué sur les chemins de Palestine, il s'est assoupi dans la barque, il a eu faim et soif, tout comme les Burkinabé qui l'écoutent. "Et si Jésus revenait aujourd'hui chez nous, que ferait-il ?" se demandent les gens. José laisse la réponse surgir de leur propre réflexion ; il ne peut que les encourager lorsqu'ils suggèrent : peut-être planterait-il des arbres ? Le sol est aride et même les chèvres ont toutes les peines du monde à trouver le moindre brin d'herbe. S'il y avait une forêt chez nous, sans doute les nuages passeraient plus souvent dans notre ciel pour nous donner la pluie. José se met au travail avec les villageois, impressionnés de voir que ce blanc partage en ami tous leurs soucis.
Avec les pauvres et les malades
Après trois ans d'études de théologie à Toulouse, en 1993, José est ordonné prêtre. Il prend quelques mois pour veiller sur sa maman malade et repart pour le Burkina. Une autre urgence l'attend, un fléau, la pandémie du sida. Une punition ? Jamais, mais un appel pour faire face au mal, à la souffrance et à la mort. L'Evangile du Christ est un message de vie. José reprend son bâton, ou plutôt sa mobylette d'apôtre et va rencontrer ses vieux amis. Avec eux et pour eux, il célèbre l'eucharistie et partage leurs peines, leurs deuils, leurs espérances.
Le fléau de la maladie frappe partout. Il ne suffit pas de condamner, d'inspirer la peur. Il appelle les gens à se rencontrer, surtout les jeunes ; ensemble ils étudient la situation : un jeune papa est mort récemment, sa femme est seule et donne des signes de maladie ; le bébé survivra-t-il ? Un de leurs amis est revenu récemment du travail en Côte d'Ivoire ; il est très amaigri, il a perdu tout appétit, il passe les journées blotti dans sa couverture ; personne ne se fait d'illusion, car les remèdes traditionnels et ceux du dispensaire ne sont d'aucune utilité ; bientôt il va mourir. Que faire ? Sommes-nous condamnés ? Le seul remède : l'amour, la fidélité, le dialogue et le partage dans le couple et la famille.
Nouveau choix, l'Algérie
Mais il doit rentrer chez lui, en Espagne. Sa mère est très malade et a besoin de son fils près d'elle. Elle part définitivement au bout de deux ans et José pense à repartir. L'Afrique est vraiment chez lui. Mais il a réfléchi est l'appel s'impose de plus en plus : Grenade n'a-t-elle pas été construite par les musulmans ? Il demande donc à repartir pour le Maghreb.
Il part donc pour Rome et l'Institut pontifical pour les études arabes (PISAI) et le Caire pour s'initier non seulement à la langue arabe, mais aussi pour pénétrer à fond cette culture. Au bout de deux ans, il est prêt pour partir pour l'Algérie. Les " Pères blancs " ont à Oran une bibliothèque et un centre culturel pour les rencontres. Oran résonne encore de l'inspiration de Pierre Claverie, l'évêque qui devait mourir en martyr : " être ouvert à l'autre, se laisser influencer par l'autre cela ne veut pas dire perdre son identité, renier ses valeurs, mais concevoir une humanité plurielle. " De nombreux étudiants algériens viennent consulter la bibliothèque, emprunter des ouvrages, étudier dans une ambiance de calme et de travail.
Les longs chemins de l'amitié
Les relations avec ces étudiants ne s'établissent pas rapidement, en un tour de main. Il faut surmonter toutes les peurs, tous les soupçons. Les pères n'ont rien à cacher : tous savent qui ils sont. Ils sont là pour écouter, répondre aux questionnements, prendre le temps de s'asseoir, pour commencer doucement à partager les espérances de la jeunesse oranaise.
Comme partout ailleurs, les questions demeurent sur le sens de la vie, la souffrance et la mort (beaucoup sont étudiants en médecine), la société nouvelle, la relation à Dieu, la prière etc. Parfois, José et les missionnaires invitent des conférenciers pour aborder en profondeur quelques sujets de bioéthique ou de philosophie. Plus de trois mille étudiants et étudiantes fréquentent assidûment ce centre.
D'autres étudiants sont originaires de l'Afrique sub-saharienne. Parmi eux se trouvent de nombreux chrétiens qui se réunissent souvent pour l'eucharistie et le partage fraternel. José est reparti pour l'Algérie. Les prêtres y sont à peine une dizaine, et les religieuses guère plus nombreuses. C'est la semence du Royaume, dont nul ne sait d'avance quels fruits elle portera, il l'heure et le jour. Une seule certitude, c'est qu'elle est porteuse de vie pour tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté.
Voix d'Afrique.
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