Voix d'Afrique N°93.

Mon expérience
comme évêque


Tout peuple, dans le monde, trouve des moyens
pour exprimer sa relation à l’univers et à Dieu


L’inculturation est dans l’air et les Africains la réclament – à leurs deux synodes, les évêques africains n’ont fait que s’associer à une revendication de leurs fidèles. Mais qu’est-ce vraiment que l’inculturation ? Le mot est nouveau : mon nouvel ordinateur (anglais) l’accepte en français, mais pas encore en anglais, bien qu’il accepte deux autres notions voisines mais différentes : enculturation et acculturation.

Mon expérience comme évêque est encore très courte : il y a seulement deux ans que j’ai été ordonné, le 28 mars 2009. J’ai atterri comme évêque là où j’ai commencé mon engagement missionnaire en 1980, dans le diocèse de Bethlehem, dans la province de Free State, en Afrique du Sud. Bethlehem est un diocèse tout à fait rural avec un total de 68 133 catholiques, sur une population totale de 781 384 personnes, ou de 8,7 %, selon les statistiques de 2009. En fait, le pourcentage des catholiques varie beaucoup selon les régions. Les pourcentages les plus élevés se trouvent dans les paroisses bordant le Lesotho, un pays très catholique.

Avec le sotho et de l’anglais, le zulu est également parlé dans quelques paroisses. Certaines petites villes dans le diocèse possèdent quelques petites industries, mais le taux de chômage reste un fléau. Je dois dire que j’ai été très surpris lorsque le nonce m’a téléphoné, le 26 décembre 2008, me demandant si j’acceptais d’être nommé évêque de Bethlehem. J’estimais qu’à l’heure actuelle, un prêtre diocésain devrait reprendre cette tâche. Je soupçonne que mon prédécesseur, Mgr Hubert Bucher, et quelques autres évêques qui m’ont connu alors que je travaillais encore dans le Free State et, par la suite, dans le diocèse de Pretoria, ont vu en moi un candidat valable. Le nonce m’a persuadé d’accepter, disant que les prêtres diocésains n’avaient pas encore l’expérience nécessaire, mais que je devrais veiller à ce qu’il y ait des candidats valables au moment de ma résignation. Pour cela, je devais les inviter dès à présent à assumer diverses responsabilités dans l’Église locale afin de les aider à acquérir les compétences et le savoir-faire nécessaires. C’est ce que j’ai l’intention de faire.

Je dois dire que j’ai un vicaire général très fiable et compétent. Il est également chargé de Mater Cleri où les candidats pour le clergé diocésain suivent une année préparatoire avant de rejoindre la formation officielle du séminaire. J’ai aussi un excellent administrateur financier, un prêtre fidei donum allemand arrivé dans le diocèse de Bethlehem quelques mois avant mon arrivée en 1980. C’est une joie pour moi de les retrouver tous les deux après tant d’années. Une autre grande joie pour moi, aussi, a été de découvrir combien le diocèse avait grandi. Lorsque je suis arrivé, il n’y avait pas un seul prêtre diocésain africain ; maintenant, il sont 18. Les paroisses sont devenues plus autosuffisantes et beaucoup plus de laïcs participent à toutes sortes de ministères. Les difficultés font aussi partie de la vie. Les principaux obstacles à la croissance harmonieuse du diocèse sont les rivalités, la lutte pour le pouvoir, la jalousie entre les dirigeants, prêtres inclus. Je passe pas mal de temps à essayer de réparer les dégâts, parfois avec succès, parfois non.

Je me considère toujours comme un Père Blanc

Les principales raisons pour lesquelles j’ai été attiré par les Pères Blancs sont encore là : la vie communautaire (j’y vois une des principales caractéristiques de l’Église), la recherche de l’unité par le dialogue et un désir inné de la justice sociale. D’une certai-ne façon, ces valeurs sont déjà là dans le diocèse, qui possède un bon nombre de groupements de services communautaires et même un centre de réflexion sociale. La foi chrétienne est parfois plutôt comme un vernis et a besoin d’approfondissement. Je serais très heureux d’avoir un confrère qui aimerait participer à un tel projet.

Je garde des liens avec la Société

Lorsque des dates de réunion sont fixées dans le secteur Missionnaires d’Afrique, je les note tout de suite dans mon agenda : je n’aime pas manquer une réunion. Ma communauté la plus proche est Merrivale, notre Centre de formation en Afrique du Sud, où j’étais un membre de l’équipe de formation avant d’être appelé à devenir évêque. Je tiens à leur rendre visite de temps à autre et à rester avec eux pour quelques jours. Il y a aussi le site web et le Petit Écho, à côté de Nuntiuncula (bulletin de la Belgique), qui me tiennent à jour sur les nouvelles de la Société. Lors de mes passages à Rome, je fais toujours un saut à la Maison Généralice.

Célébrations de la fin de l’année du sacerdoceLes Missionnaires d’Afrique m’ont appris à être un homme de service, sans chercher ma propre gloire et mon avantage. Je pense que cet enseignement est également très utile pour un évêque. Un Missionnaire d’Afrique est quelqu’un qui cherche à être proche des gens, qui apprécie leurs dons et leur culture, qui fait l’apprentissage de leur langue et est ouvert à leurs façons de voir les choses. Une fois de plus, ce genre d’attitude collégiale est nécessaire pour un évêque en Afrique du Sud. Depuis l’origine de notre Société, le cardinal Lavigerie a voulu voir surgir une Église africaine authentique. Cette vision doit se refléter dans notre effort pour former les Africains, d’abord comme prêtres diocésains et aussi, maintenant, comme Missionnaires d’Afrique. C’est une vision qui a été très appréciée par mon prédécesseur, Mgr Hubert Bucher, et par les prêtres diocésains actuels. C’est, je crois, une des raisons pour lesquelles j’ai été si chaleureusement accepté par les prêtres et les gens. Le cardinal Lavigerie voulait des confrères enracinés dans l’Évangile, des hommes de foi. Depuis le début de ma formation, j’ai été très intéressé à approfondir mes connaissances de la Bible afin de grandir spirituellement. Afin de survivre en tant qu’évêque – un évêque aussi peut souffrir de dépression – il faut une spiritualité profonde basée sur la Parole vivante de la Bible.

Ma vision de l’Église

BethlehemMa vision de l’Église a été assez stable tout au long de ma vie missionnaire, et j’ai tenté de l’exprimer dans mes armoiries épiscopales où vous trouvez trois personnes bien vivantes, debout et louant Dieu ensemble. Voilà ma vision de l’Église. Les trois se tiennent sur la carte de l’Afrique là où se situe l’Afrique du Sud. La foi des gens doit être inculturée, sinon elle reste un vernis et ne change pas leur vie. Croissance intérieure et évangélisation extérieure s’enrichissent et se dynamisent mutuellement. C’est mon message aux communautés chrétiennes partout où je vais dans le diocèse. Cet accent de sensibilisation a déjà été souligné par mon prédécesseur et je tente de renforcer cet esprit. Nos chrétiens sont encore parfois très timides lorsqu’ils rencontrent d’autres Églises chrétiennes, par exemple lors de funérailles ou de rassemblements interconfessionnels, en raison de leur manque de profondeur de foi et de leur manque de fondements bibliques.

Lorsque j’ai demandé à mon vicaire général si les prêtres seraient heureux si j’invitais des Pères Blancs dans le diocèse, il a répondu : “Oui, ils seront heureux s’ils voient que tu restes leur évêque. Des missionnaires seront toujours les bienvenus, mais plutôt comme un soutien à diverses initiatives diocésaines et dans des services plus spécialisés, mais pas tellement pour prendre en charge une paroisse.”

+Jan De Groef
MAfr
évêque de Bethlehem

Rappel : son ordination épiscopale


.............. Suite