Voix d'Afrique N°84..
SŒURS DE NOTRE DAME D’AFRIQUE ...

DE L’ÉCOLE AU MINISTÈRE

Sœur Henriette Mouazan,

éducatrice et formatrice chevronnée, a d’abord travaillé six ans, au Mali et au Burkina Faso, comme institutrice. Puis en 1991, après 22 ans de présence comme directrice dans une grande École Technique de Bamako, le Ministère de l’Éducation Nationale du Mali lui de-mande sa collaboration pour la formation des enseignants et des cadres dans l’enseignement technique.

C’était en 1997 : j’informe le Directeur national de l’Enseignement technique du Mali : “ Je quitte le Cours Jeanne d’Arc à la fin de l’année scolaire. “
- “ Alors vous êtes pour nous maintenant, depuis le temps que nous vous attendons “ réplique-t-il !

C’est ainsi que j’entre dans ce monde de l’Éducation nationale. Peu à peu, ma fonction se précise : conseillère pédagogique - soutien pédagogique de tous les professeurs de secrétariat des établissements publics et privés - visites des professeurs et des établissements - préparation des examens.

L’enseignement technique peut être une chance Constatation : dénuement des professeurs en documentation et manque de formation pédagogique. Tous ont été embauchés après leurs études de secrétariat, niveau IUG (Institut Universitaire de Gestion) et ont été lancés dans l’enseignement sans formation pédagogique avec, pour tout bagage, les notes prises au cours de leurs études ! Je me suis mise à la tâche en participant d’abord aux réunions du conseil pédagogique du CFP (Centre de Formation Professionnelle). A partir de ces réunions, j’ai édité de petites brochures mensuelles, envoyées dans tous les établissements du pays : conseils, préparations de cours, etc. Toutes ces brochures des 4 années ont été ensuite regroupées et éditées en un seul volume.

Le contact a été ainsi établi avec tous. Peu à peu, les uns et les autres sont venus me voir pour des conseils ou des séances de travail et m’ont demandé d’assister à leurs cours. Parfois, ce sont les directeurs d’établissement eux-mêmes, qui ont sollicité ma venue. Ainsi, pendant un mois, j’ai pu participer aux cours du soir organisés par l’ANPE.

J’accompagne aussi les inspecteurs dans leurs tournées à travers le pays. J’ai eu à visiter les établissements de Sikasso, Gao, Kayes, Diré, Ségou, Koutiala, et tous les établissements de Bamako. Ma vieille R4 de plus de 20 ans est connue dans toute la ville. Il est vrai que nous voir débarquer - les inspecteurs et moi - c’est assez “folklo” !

Bonne insertion

Sr Henriette et des formateurs
Peu à peu, j’ai trouvé ma place et j’ai été acceptée. Les professeurs désiraient aussi des sessions de formation. Là, j’ai été acculée au problème de financement : transport, restauration et aussi les fameux “ per-diem “. (*) Pour les professeurs des établissements étatiques, une session par an, d’une dizaine de jours environ, a pu être financée. Ces sessions ont été redonnées à quelques établissements privés qui en ont fait la demande. Il faut savoir que pour 3 établissements publics, il y a 78 établissements privés, à Bamako même ! Le Centre de Perfectionnement Continu de la Banque Sahélienne, m’a demandé de participer à une session de formation des secrétaires de direction des banques de la CEDEAO. Il y avait des participantes du Burkina, du Niger, du Tchad, du Sénégal et du Mali.

L’association des secrétaires du Mali m’invite aussi à intervenir lors de la journée annuelle des secrétaires. D’ordinaire, elles étaient une cinquantaine. En 2005, elles étaient plus de 600. J’ai choisi de leur expliquer le mot : “ empathie “. L’écoute était grande. Je crois que beaucoup ont été touchées. Si je vous dis cela, c’est pour que vous réalisiez que les choses bougent au Mali et qu’une profonde mutation se fait.

En 2005, j’ai eu aussi une grande satisfaction. Des professeurs n’ont pas attendu l’organisation de sessions de formation, toujours aléatoires ; ils l’ont organisée eux-mêmes. Ainsi, des professeurs de diverses écoles ont pris l’initiative de me demander d’étudier les programmes et de les aider à préparer, pendant les vacances, leurs cours pour l’année suivante. Je leur ai consacré trois semaines. De 5 participants au départ, ils étaient 18 à la fin, et beaucoup d’autres ont déploré de n’avoir pas été informés.

Suivre l’évolution
de l’Education Nationale

L’autonomie des filles n’est pas à négliger...En 2000, le Mali décide de réformer l’enseignement et de le dispenser sous forme de modules. C’est une vraie révolution, et cela ne s’improvise pas. Aussi en 2002, pendant 7 mois, avec l’inspecteur et quelques professeurs, j’ai suivi une formation pour apprendre à composer des programmes. Nous avons fait les programmes de 22 modules, pour un CAP dénommé “ Travail de Bureau “ et un CAP “ Travail Comptable “.

Pour chaque programme, nous avons rédigé un guide pédagogique et un guide d’évaluation. Ces programmes sont en expérimentation dans quelques centres. Mais les professeurs se sont trouvés très démunis pour préparer leurs cours. Alors je me suis attelée à la tâche et, pour chaque module, j’ai essayé de rédiger des guides d’apprentissage. Cela m’a demandé un énorme travail - des centaines d’heures, si ce n’est plus !- que j’ai faites un peu au détriment du soutien pédagogique que j’assurais auprès de tous… Les guides “Gestion des documents“, “Disposition de correspondance“, “Communication“, “Communication bilingue“, “Gestion du temps“, “Qualité“, sont déjà réalisés. Mais il reste beaucoup à faire…Prochainement, nous devons nous atteler à construire les programmes au niveau “Brevet de Technicien” des filières secrétariat... C’est un vaste chantier en perspective.

Supervision des examens
Enfin, je participe à la gestion des 18 examens du secteur tertiaire. Choix et préparation des sujets, supervision des épreuves, corrections. Cela représente une somme énorme de travail pendant deux mois.

Comment, aujourd’hui, je vis tout cela ? D’abord, à travers tous mes contacts, j’ai été plongée dans un milieu tout autre, que je croyais pourtant bien connaître. Je me suis rendu compte qu’au cours de mes 30 années passées au “ Cours Jeanne d’Arc “ de Bamako, j’étais dans un milieu protégé que je gérais à ma guise. Il m’a fallu m’apprivoiser avec tous, vivre une grande pauvreté dans la dépendance, lutter pour avoir du papier et de l’encre pour mes publications, acquérir beaucoup de patience pour vivre les contre-temps. Finalement, cette expérience vécue au milieu du peuple malien dans toutes ses dimensions, est un “vivre-ensemble“ formidable, qui dépasse toutes mes espérances !...

Sr Henriette Mouazan
SMNDA

(*) somme d’argent versée aux personnes en déplacement, pour le dédommagement de leurs frais : “ per-diem “ = par jour.


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