Voix d'Afrique N°96.

École de la différence
à Mostaganem


Accueillir nos différences !


L’idée m’est venue en participant à une marche de carême au désert : les thèmes et l’ambiance entre nous y étaient formidables ! Le cadre aussi : quelle est belle l’Algérie ! Une seule chose me chagrinait : j’aurais voulu partager une semaine aussi intense avec mes amis musulmans... Mais comment le faire ? Quelle formule trouver ? Comment ne pas aller contre la loi du culte non-musulman ? Quel serait le thème ? J’avais de quoi laisser tomber...

Quand je parlais de mon « rêve », les gens m’encourageaient: Ce serait super ! disaient-ils. Alors je me suis mis à faire un cocktail : des jeux, quelques vidéo-débats, des invités, un peu de silence, des travaux pratiques, une fête finale... Le jour où je croyais avoir la version définitive, j’ai pris contact, grâce aux Maristes de Mostaganem, avec la tariqa soufie al-alawiya... Ils ont tout de suite accepté et mis leur vaste centre de rencontres à notre disposition.

J’en parle, d’abord, à mes amis. Petit à petit, des personnes que je ne connaissais pas me demandent de les « inscrire à l’École»... Les jours avancent, les places se remplissent... Ma tension artérielle monte...
Finalement nous sommes 21 personnes, garçons et filles, musulmans et chrétiens, d’Europe, d’Afrique et d’Amérique Latine, à vivre cette expérience unique au Maghreb (nous avons même des diplômes qui disent que nous étions à la première édition...). L’arabe et le français étaient les deux langues « co-officielles » de cette Ecole. Après la cérémonie d’inauguration, avec les responsables de la tariqa alawiya et l’évêque d’Oran, nous avons tenté de vivre la semaine dans la bonne humeur et en profitant de chaque instant. Des détails ?

Lundi 19 sept. : Je suis métis.

Mettre en valeur tout ce qui, dans notre histoire personnelle et collective, a été enrichi grâce aux apports des autres cultures, manières de penser, langues, croyances... et qui désormais font partie de moi. Se découvrir ainsi relié « à l’autre » et avec un patrimoine commun avec des « cousins ignorés ». Trois invités nous ont parlé de leur expérience personnelle de la différence...

Mardi 20 sept. : La communication non violente.

Notre manière de parler véhicule notre pensée sur les autres et brise les barrières ou vient les perpétuer. Comment parlent les filles, des garçons ? Et les Noirs, des Blancs ? Et les Arabes, des Européens ? Et les littéraires, des scientifiques ? Parler de l’autre, c’est aussi donner des informations (vraies ou fausses) à ceux qui n’ont pas encore rencontré quelqu’un de différent. Un débat autour du film « Pocahontas » nous a aidés à en prendre davantage conscience.


Pouvoir se dire à l’autre en toute confiance...

Mercredi 21 sept. : Biodiversité

Nous avons eu la chance de faire une visite guidée du grand jardin de la maison et de la pépinière de la tariqa. Nous avons compris pourquoi la diversité au sein de la Nature est considérée de plus en plus comme une grande richesse menacée. La disparition de la biodiversité aura des conséquences désastreuses sur la vie humaine à moyen terme. La diversité culturelle est aussi une richesse. Dans l’après-midi nous avons fabriqué des colliers et des bracelets avec des produits de récupération : nous étions plus beaux en produisant moins de déchets. Fantastique !

Jeudi 22 sept. : Spiritualité ouverte

La différence religieuse est de plus en plus présentée comme source des conflits au XXIème siècle. Or, l’attachement à la foi ne produit pas nécessairement le fanatisme : il conduit aussi à la compassion, à la réconciliation, à la collaboration entre croyants, au désir de pardon, à la recherche d’un avenir commun. Nous avons étudié le cas de l’Emir Abdel-Kader qui, après avoir combattu les Français en Algérie, sauva 12 000 chrétiens en Syrie ; et aussi les prises de position du Cardinal Duval, évêque d’Alger, durant la guerre d’indépendance, intraitable avec les injustice et la torture.
Nous avons aussi pris le temps de nous dire ce que chacun aime le plus dans sa religion... et aussi dans celle de l’autre. Ces jeunes sont témoins de leur foi partout !

Vendredi 23 sept. : moi… toi… LUI

La journée débute avec un reportage sur la violence religieuse au Nigeria et comment « L’Imam et le Pasteur » (c’est le titre !) travaillent ensemble pour la paix.
Ensuite chacun a réfléchi à sa propre identité, aux liens qui le rattachent à sa patrie, sa communauté religieuse, à ses amis, à sa famille... Impossible d’apporter quelque chose aux autres si l’on n’est pas soi-même au clair avec son identité. Aussi bien, chaque groupe a besoin de pionniers. Rien de solide ne peut se batir en dehors de nos communautés d’origine... A l’unanimité, sans que ce soit prévu, il est décidé d’aller en-semble à la messe. Quelle joie de trouver en arrivant, à la chapelle, un grand panneau en arabe : Dieu est amour. Plusieurs centaines de photos en ont été prises !

Samedi 24 sept. : Découverte de la ville de Mostaganem

Le matin, un minibus de la tariqa nous attend : visite de la ville avec un guide formidable et nous allons ensuite à la plage. Tout le monde plonge... habillés et il faut retourner pour se changer et dévorer nos sandwiches. Joie de la nature, des belles plages, du soleil, de l’amitié... et de la découverte de la vieille ville, même pour les mostaganemois !
Nous avons pris le temps de faire une longue évaluation. Les jeunes ont dit quelles transformations ont eu lieu chez eux et s’ils voulaient donner une suite à cette semaine (vous imaginez la réponse ?).


Partager, autant qu’il est possible, ce qui nous fait vivre !

Il y a beaucoup de choses dont je n’ai pas parlé : l’hymne officiel de l’École chanté chaque jour dans « la langue des intelligents », les jeux sans gagnants, le concert de musique andalouse, les témoignages des invités, la cérémonie de remise de diplômes, les confidences faites et reçues, le moment de louange au Dieu Unique vécu ensemble, la gentillesse du personnel de la maison, la beauté du cadre, les larmes en se quittant, la page facebook « École de la différence », les amitiés qui sont nées... Si je le faisais, je crois qu’il n’y aurait pas sur terre assez de livres pour tout contenir ! Si vous voulez en être informé ... tentez de vous inscrire à l’École de la différence 2. Places limitées !

Merci à tous ceux qui m’ont soutenu : d’abord mes frères Pères Blancs qui se sont donné beaucoup de peine pour m’aider financièrement, avec du matériel et en acceptant mes absences. Merci à la tariqa soufie al-alawiya qui a cru à ce projet et qui a tout fait pour sa réussite. Merci à Mgr. Alphonse Georger d’Oran. Merci à mes « élèves de la différence » et à mes amis, tous différents, qui m’ont redonné courage : sans vous cette aventure n’aurait jamais eu lieu. Et moi, sans vous, je serais très malheureux.

José Maria Cantal, père blanc


.............. Suite