Voix d'Afrique N°96.

Deux enfants sub-sahariens sur trois
ne peuvent aller au collège


« Les filles ont souvent moins de chances
de poursuivre leurs études que les garçons »


Dans les pays du Nord, plus de 85% des élèves du primaire entrent au collège. Seulement un quart des pays africains atteignent de tels résultats. D’après l’ONU, deux enfants sur trois en Afrique sub-saharienne sont exclus de l’enseignement secondaire, car les gouvernements peinent à répondre à la demande. Et pourtant, selon Albert Motivans, de l’Unesco, l’éducation secondaire est « vitale pour le développement » et forme une passerelle vers le monde du travail. Pourquoi parler du collège ? Un système qui laisse un enfant sur trois à son entrée est un système malade. De plus, le collège a une existence autonome, même s’il n’est trop souvent qu’un lieu de transit qui ne produit pas les compétences dont on a besoin.

État des lieux

A l’exception du Mali, tous les pays francophones d’Afrique ont encore un système calqué sur le système français où le collège constitue le 1er cycle, sur quatre ans, de l’enseignement secondaire. On y entre par le concours d’entrée en 6ème, souvent rendu très sélectif. Moins de 20 % des élèves du primaire accèdent au collège. De plus, beaucoup de familles ne peuvent continuer à envoyer leurs enfants à l’école. Les filles, en particulier, ont souvent moins de chances de poursuivre leurs études que les garçons. Dans certains pays comme le Bénin, le Tchad, la Guinée-Bissau et le Togo, les garçons sont deux fois plus nombreux que les filles dans le secondaire. Pourtant cette éducation secondaire apporte des avantages considérables pour l’insertion sociale. Elle devrait donner à un individu qui en sort des moyens, des compétences nécessaires pour réussir sa vie.

Les faiblesses du collège

Ainsi le collège en Afrique est en crise. Tout a déjà été dit sur les effectifs pléthoriques, les années blanches, l’insuffisance et l’inadaptation de la formation des enseignants, le manque d’auxiliaires pédagogiques…

Mais d’autres éléments affaiblissent encore le collège. D’abord, il n’a pas d’identité, de spécificité, de finalité qui lui soient propres. Il est l’antichambre du lycée, c’est-à-dire un lieu d’espoir vers l’enseignement supérieur : espoir pour les parents, espoir pour les enfants - pour les garçons surtout, plus que pour les filles - d’avoir plus tard un poste dans la fonction publique. Il y a une déperdition des élèves en fin de collège, avec ou sans BEPC, sachant que le BEPC lui même n’est plus un examen qui peut ouvrir des portes pour les enfants.


« Une formation citoyenne doit permettre
de participer à la vie de la cité »

Ensuite, il faut noter la pénurie de moyens. On dispose de tableaux noirs et de craies, mais on trouve très peu de laboratoires et, quand ils existent, ils ne sont pas en état de fonctionner, car ils ne sont pas équipés. Il n’est pas rare de voir des établissements sans professeur de maths. Cette situation est particulièrement aiguë à l’intérieur du pays, car les gens ne veulent pas exercer leur fonction en dehors des centres urbains, la vie y étant moins aisée.

On reproche encore au collège d’être centré sur la reproduction de la classe dirigeante. C’est pourquoi on note l’absence de lien entre le collège et l’environnement économique. Certes, des pays ont créé des sections d’enseignement manuel. Elles disposent de moyens, d’outillage, et on peut y apprendre à faire de la plomberie, de la menuiserie, de l’agriculture... Mais ces sections sont sous-utilisées. Destinées à accueillir les enfants qui ne peuvent pas suivre en collège, elles sont en fait peu considérées par les parents.

Autre élément négatif : une certaine clochardisation des enseignants. Leurs salaires sont très bas, et la tentation est grande de prendre, en plus, des cours dans les établissements privés ou de multiplier les cours particuliers. De ce fait, ils ne peuvent s’engager à fàire un peu plus ou un peu différemment... On peut s’interroger encore sur les acquisitions que les élèves ont faites à l’issue du collège : au bout de neuf ans d’apprentissage à l’école, quelles sont les compétences développées chez l’élève ? Que peut-il faire et où peut-il les exercer ?


« Améliorer leurs performances
est un enjeu majeur »

Que dire du diplôme de sortie, le BEPC ? Il consacre la fin du collège et reste un diplôme valorisé au plan professionnel. Il est indispensable pour se présenter à différents concours de la fonction publique. Il fonctionne aussi comme moyen d’accès au lycée. Le lycée n’absorbe pas l’effectif des “entrants” au collège, loin s’en faut. Il cristallise une représentation de promotion sociale forte. La sélection est au moins arbitraire. D’ailleurs de nombreux élèves quittent le collège au cours du cursus pour se diriger vers l’informel.

Reste un dernier problème assez insidieux auquel est confronté l’enseignement secondaire, dans l’ensemble de l’Afrique sub-saharienne : une corruption omni-présente qui « est souvent le fait des professeurs et des directeurs d’école, et se traduit, par exemple, par la vente de notes d’examens, dans l’admission dans une école choisie, par l’imposition d’un tutorat comme source supplémentaire de revenus pour le professeur. » Les dégats réels de cette petite corruption pour la société se traduisent par des générations entières de jeunes dont le sens des valeurs est perverti. Ils pensent « que le succès personnel n’est pas associé au mérite et au travail, mais vient du favoritisme, du pot de vin et de la fraude. »

Que faire ?

Si le collège est fait pour tous, que doit-il enseigner ? Il a une fonction d’enseignement et de formation : enseignement des connaissances dites fondamentales, formation du citoyen. Une formation citoyenne doit permettre de participer à la vie de la cité, mais aussi d’évoluer dans le monde du travail et dans le monde des apprentissages de tous ordres. C’est au collège, en Afrique comme en France, que tout se joue, après l’école de base. Le lycée c’est déjà trop tard, ce n’est pas la priorité. Le collège pourrait être aussi le lieu où se forge un peu mieux le développement.

Il faudra encore voir comment faire « le lien entre l’enseignement secondaire et le monde du travail, une relation formation-économie pour faire évoluer ce secteur et permettre à l’enseignement de faire face aux besoins réels et non aux besoins supposés des pays africains. » Dans ce sens, il est important que l’enseignement technique se développe.
En effet, du fait du chômage, de plus en plus de parents sollicitent plus ces collèges d’enseignement technique que les collèges d’enseignement général ou même les lycées. Mais les systèmes éducatifs ne peuvent pas être gérés dans le seul but d’insérer les jeunes dans la vie active.

Malgré toutes les critiques, des centaines de milliers d’enfants sont scolarisés dans des milliers de collèges en Afrique francophone. Améliorer leurs performances est un enjeu majeur. C’est parmi eux que se recrutent majoritairement les forces vives des différents pays : petits fonctionnaires, artisans, commerçants, acteurs innombrables et variés du secteur informel qui ont “fait les bancs” ou “fréquenté” jusqu’en 5ème, 4ème, 3ème et dont les compétences, au-delà de celles qu’on acquiert au primaire, sont utiles au développement. « On ne pourra échapper à la pauvreté qu’en développant largement l’enseignement secondaire. C’est le minimum nécessaire si l’on veut fournir aux jeunes les connaissances et les compétences qui pourront leur assurer des moyens d’existence décents dans notre monde d’aujourd’hui. Il faudra à la fois de l’ambition et de l’engagement pour relever ce défi. Mais c’est la seule voie pour atteindre la prospérité », a déclaré Irina Bokova, Directrice générale de l’UNESCO.

D’après des sources diverses
Voix d’Afrique


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