Voix d'Afrique N°96.

Vatican II
fête ses 50 ans
en 2012



L
’histoire humaine est un peu comme un arbre fruitier : il faut des années après sa plantation pour qu’il porte des fruits. En 1962, s’ouvrait le Concile Vatican II. Le pape Jean-Paul II, après le grand Jubilé de l’an 2000, définit ce concile comme « la grande grâce dont l’Église a bénéficié au XXe siècle » et demande qu’il soit toujours mieux reçu et qu’il reste « une boussole fiable pour nous orienter sur le chemin du siècle qui commence. » Cette année, chaque catholique est invité à reprendre et redécouvrir les textes fondamentaux du Concile.

N’oublions pas ce que voulait Jean XXIII en convoquant le Concile : il fallait que l’Église catholique se mette délibérement au service de toute l’humanité, dans cette mondialisation déjà en germe. Elle ne devait pas s’intéresser d’abord à son devenir à elle ni au salut de ses adhérents, mais discerner les “signes des temps” pour se mettre réellement au service du devenir de l’humanité comme unique famille humaine.

Resituer le Concile

Jean XXIIIEn 1958, Jean XXIII - que l’on disait pape de transition - héritait d’une Église aux tranquilles certitudes dans un monde qui, après les drames de la seconde guerre mondiale, aspirait à vivre totalement à nouveau. L’année suivante, à l’étonnement général, il convoquait un Concile. Il prenait tout le monde de cours et beaucoup ne savaient même pas ce que c’était. Dans son langage familier, Jean XXIII disait : « Une véritable joie pour l’Église universelle du Christ, voilà ce que veut être le nouveau Concile oecuménique. En fait de Concile, nous sommes tous novices. Le Saint Esprit sera là, lorsque tous les Évêques seront réunis. Et on verra bien ! Ce sera la fleur spontanée d’un printemps inattendu.
Le Concile n’est pas une assemblée spéculative. C’est un organisme vivant et vibrant, qui embrasse le monde entier, une maison ornée pour une fête et resplendissant dans sa parure de printemps, l’Église qui appelle tous les hommes à elle. Le Concile, disait-il, joignant le geste à la parole, c’est la fenêtre ouverte ; ou encore, c’est enlever la poussière et balayer la maison, y mettre des fleurs et ouvrir la porte en disant à tous : « Venez et voyez. Ici, c’est la maison du Bon Dieu ».

Ainsi, le 11 octobre 1962, s’ouvre le Concile. Beaucoup se souviennent encore de la longue procession des 2860 Pères, venus de 141 Pays. Pendant trois ans, ils vont se rencontrer régulièrement jusqu’à la clôture, le 7 décembre 1965. Beaucoup s’embarquaient dans cette aventure sans savoir ce qui les attendait. Certains craignaient un retour en arrière, même si les discours de Jean XXIII laissaient percevoir quelques signes d’ouverture. Mais bien peu auraient parié sur l’audace des Pères conciliaires, qui, pour la grande majorité, avaient été formés avec des manuels classiques et rigides du XIXe siècle…

Paul VIComment autant d’évêques, se connaissant à peine, sont-ils parvenus à s’accorder, à une très grande majorité, sur une production ample, touchant à tous les domaines de la vie de l’Église ?
Le « Bon Pape » meurt le 6 juin 1963, pleuré par le monde entier. Le Concile va survivre à son fondateur, mené à sa fin grâce à l’humble persévérance de son successeur Paul VI.
« Les Conciles, disait le Cardinal Frings, sont toujours le produit d’une époque déterminée à laquelle ils apportent la Parole de Dieu en lui donnant une nouvelle valeur correspondant à ses besoins. »

Le monde d’alors est marqué par la « guerre froide », et les risques d’affrontement des deux blocs de l’Est et de l’Ouest sont permanents, surtout après l’édification du Mur de Berlin en l’été 1961. Dès le début, le pape oriente le travail du Concile vers une réflexion sur l’Église, sur sa mission dans un monde en grande mutation et vers une présentation de la foi catholique renouvelée. Il s’agit de redire dans un langage contemporain la vérité toujours vivante de la révélation chrétienne.

Un Concile toujours à recevoir
Recevoir un Concile, c’est accueillir son enseignement et met-tre en pratique ses directives. L’histoire de l’Église montre que cela est souvent long et mouvementé. Newman disait déjà : « Il y a rarement eu un Concile qui ne soit pas suivi d’une grande confusion. » Et Jean XXIII ajoutait : « Il ne faut pas croire qu’après le IIème Concile œcuménique du Vatican, la paix sera parfaite dans le monde. » Vatican II a été accompagné, et surtout suivi, par une mutation socio-culturelle dont l’ampleur, la radicalité, la rapidité, le caractère universel sont sans équivalent : triomphe des méthodes critiques, envahissement des sciences humaines, révolte d’une partie de la jeunesse, accroissement galopant des villes, sécularisation radicale, manque d’intérêt pour ce qui vient des hiérarchies, suprématie des choses terrestres et de l’économique. Le Concile avait voulu aller au monde pour lui partager la Bonne Nouvelle de l’Évangile. Mais le monde a fait irruption dans l’Église.

Basilique Saint Pierre durant le Concile

Pour Mgr Dagens, évêque d’Angoulême, la réception du Concile, depuis cinquante ans, s’est accomplie dans des climats très différents : « A une période d’euphorie et même d’enthousiasme a succédé, dans les années 1970, une période de troubles, d’affrontements idéologiques, avec le sentiment que certains espoirs, probablement illusoires, allaient être déçus. »

Il y a aussi une grande différence entre l’attitude des chrétiens de l’Europe occidentale et celle des chrétiens des autres pays. Partout en dehors de l’Europe occidentale, le Concile a été accueilli avec joie et mis en œuvre avec docilité. Certes, les problèmes ne manquent pas, mais les conversions se développent et les vocations se multiplient. Le contraste est saisissant avec les pays de vieille chrétienté comme la France, très fortement marquée par les évènements de mai 68.

On ne peut oublier non plus comment se sont affrontées avec violence les deux tendances modernistes et traditionalistes, ou plus exactement relativiste et lefebvriste. En fait, ceux qui appartenaient au premier mouvement considéraient que les textes du Concile étaient déjà dépassés et qu’il fallait aller plus loin. On nommait cela “esprit” du Concile. Le Pape Benoît XVI a rappelé le danger de ne voir les textes du Concile que comme « le résultat de compromis dans lesquels, pour atteindre l’unanimité, on a dû encore emporter avec soi et reconfirmer beaucoup de vieilles choses désormais inutiles. Ce n’est cependant pas dans ces compromis que se révélerait le véritable esprit du Concile, mais en revanche dans les élans vers la nouveauté qui apparaissent derrière les textes : seuls ceux-ci représenteraient le véritable esprit du Concile, et c’est à partir d’eux et conformément à eux qu’il faudrait aller de l’avant. »

Un Concile à redécouvrir
Aujourd’hui, la réception de Vatican II est encore à poursuivre. « Beaucoup de chrétiens actifs dans l’Église, y compris la plupart des prêtres qui entrent dans le ministère, sont nés après sa clôture. Ils n’ont donc pas eu cette expérience qui avait marqué les générations précédentes, d’un « avant » et d’un « après ». Ils n’ont pas, insérés en eux, ces éléments de comparaison qui ont guidé toute la perception qu’une bonne part du clergé a eue de l’événement Vatican II. Nécessairement, leur approche du Concile est différente. »

50 ans après le Concile, on voit les nombreux changements intervenus dans le monde entre 1962 et 2012. Finie depuis longtemps l’époque où on pouvait prévoir l’avenir, penser que demain serait mieux qu’aujourd’hui et que l’Occidental pouvait continuer à exercer allègrement sa suprématie, en promettant partout la victoire de la démocratie et le développement économique. « L’air que nous respirons en ce début du XXIe siècle, dit Mgr Dagens, est tout différent : il est imprégné au mieux d’incertitude, et au pire de désenchantement et d’inquiétude. L’Occident ne peut plus rêver d’imposer sa suprématie. Des pays émergents manifestent leur présence et leur puissance, spécialement l’Inde et la Chine. Mais la crise économique révèle aussi un dérèglement inquiétant de nos systèmes financiers et les révolutions populaires survenues dans les pays arabes, de la Tunisie à la Syrie, annoncent de nouveaux déséquilibres difficiles à prévenir et à maîtriser. Nous ne savons pas où va notre monde, alors qu’en 1962, nous pensions le savoir ».

A la crise de civilisation de ce début de millénaire, marquée par l’ébranlement des esprits et le délabrement des mœurs, l’Église répond en proposant le message du Concile aux hommes de notre temps : le Christ est la clé de toute l’histoire. Et les mots du Concile chantent encore : « L’avenir est entre les mains de ceux qui auront su donner aux générations de demain des raisons de vivre et d’espérer » (Gaudium et spes, n° 31).

La Nouveauté de Vatican II

Les textes de Vatican II sont profondément enracinés dans la tradition de l’Église et n’enseignent rien qui ne puisse se baser sur de solides références. Il n’y a là rien de nouveau. En fait, ce qui est nouveau c’est que, pour la première fois dans l’histoire des Conciles œcuméniques, il n’y a pas eu de condamnation. Pour Jean XXIII et Paul VI, cela correspondait aux exigences de la mission. En effet, quand nous voulons annoncer l’Évangile il n’est pas opportun de pointer tout de suite l’erreur de notre interlocuteur. Il vaut mieux chercher ce qui, dans sa propre vision morale et religieuse, correspond à la vérité et s’appuyer là-dessus pour l’inviter à accéder à la vérité tout entière et à abandonner ses erreurs.

Le Concile n’a pas voulu non plus s’engager dans une réorganisation de l’Église. Il a cherché un approfondissement de sa vocation, au service du monde entier, l’Église catholique ne se limitant pas à la défense de ses droits. « Elle se sait envoyée pour ouvrir les chemins de la rencontre entre Dieu et les hommes ».

« Notre Eglise doit promouvoir  la coresponsabilité entre laïcs et prêtres »Aujourd’hui encore, beaucoup des controverses concernant l’interprétation du Concile se focalisent sur le rapport entre l’Église et l’ordre historique du monde, à savoir l’ensemble des institutions et des contingences politiques, sociales et culturelles dans lesquelles les chrétiens sont amenés à vivre. Les documents de Vatican II expriment simplement son ouverture envers la multiforme réalité humaine et les institutions qui l’ordonnancent dans la phase historique actuelle : le contexte d’un monde global et pluriel, qui implique la coexistence entre communautés et personnes aux profils culturels et religieux des plus disparates.

Renouveau dans la continuité
Les célébrations du 50e anniversaire de Vatican II ne marquent pas l’achèvement de sa réception et de sa mise en œuvre, « mais marquent plutôt l’ouverture d’une nouvelle période de réception qui est susceptible de nous mener encore plus loin ».
Mais il faudra beaucoup de bonne volonté pour y arriver. « Des intégristes sont toujours farouchement opposés au Concile. Les “tradis” disent que finalement, ce n’était pas si mal avant. Les progressistes disent qu’on n’y a rien compris, que l’esprit du Concile est bien plus vaste que les textes qui en sont sortis. Et les autres ne disent rien… »

La restauration de la liturgie est sans nul doute le fruit le plus visible du Concile, celui aussi qui a suscité le plus de réactions contrastées largement médiatisées. Il y a aussi la primauté de la Parole de Dieu. La Révélation, c’est le Christ, manifesté et présent dans notre Histoire. Pour que l’Évangile soit gardé intact et vivant dans l’Église, les apôtres ont transmis à leurs successeurs, les évêques, leur propre charge d’enseignement.

Quel avenir pour l’Église de demain ?
L’avenir de l’Église ? Cette question a traversé l’assemblée de la Communauté romande de l’apostolat des laïcs (CRAL) en janvier 2012. Cet avenir repose sur des communautés à taille humaine, ouvertes sur le monde et qui se prennent en charge. Notre Église doit promouvoir la coresponsabilité entre laïcs et prêtres, pratiquer la fraternité et la convivialité, donner la parole à chacun et la priorité aux pauvres.

« L’avenir de notre Eglise repose  sur des communautés à taille humaine »« Elle n’échappera pas aux questions d’aujourd’hui : l’ordination d’hommes mariés, la place de la femme, la gouvernance et la situation des divorcés remariés… L’Église est d’abord un peuple. Et dans le baptême, il y a tout. Être baptisé, c’est être plongé dans la mort et la résurrection du Christ. C’est un avenir, une mission, celle d’annoncer Jésus-Christ. C’est être prophète : annoncer une Parole, ne pas se séparer de ses frères en humanité. »

« Nous avons la tâche d’être la proximité de Dieu auprès des hommes et des femmes d’aujourd’hui, quelle que soit leur religion. Nous constatons que les messages donnés par les cultures actuelles sont brouillés, que de nombreux signes révèlent des hostilités envers la vie et envers l’identité des hommes et des femmes.

Nous faisons l’expérience sans précédent, particulièrement dans l’hémisphère Nord, d’un refus de Dieu ou d’une indifférence croissante dans un monde où les médias véhiculent souvent une pensée relativiste qui lamine, tant les pays avancés que les pays émergents. Nous savons aussi que la soif de la recherche de Dieu et la pratique de la foi sont des biens communautaires qu’il n’est pas possible de renvoyer au domaine de la vie privée. »

Benoît XVIL’Église devra être attentive aussi aux défis du monde : l’urbanisation et la fascination des villes, le matérialisme qui se manifeste entre autre dans le consumérisme, les migrations qui peuvent provoquer des déséquilibres sociaux et des peurs ; la prolifération des sectes qui nous provoquent à oser davantage l’annonce de Jésus-Christ, appelant à une adhésion de foi personnelle et communautaire ; l’exploitation abusive du sol et du sous-sol, au prix de nombreuses corruptions, avec les violences, voire les guerres ; le dialogue interreligieux, en particulier dans la rencontre avec l’Islam. Nous avons à transformer nos peurs, tout d’abord par une meilleure connaissance des autres religions. Le dialogue œcuménique doit amener nos communautés chrétiennes à davantage d’unité.

« Puissions-nous être au rendez-vous des défis de notre monde, d’abord par nos propres conversions et par la mise en place des transformations nécessaires pour mieux servir les hommes et les femmes qui vivent sur nos continents. Puissions-nous, dans un soutien mutuel, participer ensemble à la mission universelle pour que le Christ soit mieux accueilli, connu et célébré. »

D’après des sources diverses
Voix d’Afrique


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