Voix d'Afrique N°83

REGARD

DEUXIÈME SYNODE AFRICAIN


Le Synode doit être l’affaire de toute l’Église-Famille

Le 13 novembre 2004, le Pape Jean-Paul II avait annoncé la tenue d’un nouveau synode des évêques pour l’Afrique. A son audience générale du mercredi 22 juin 2005, le Pape Benoît XVI a confirmé l’annonce faite par son prédécesseur. Enfin, le mardi 27 juin 2006, le Pape donnait le thème du prochain synode africain : « L’Église au service de la réconciliation, de la justice et de la paix. “Vous êtes le sel de la terre… Vous êtes la lumière du monde” (Mt 5, 13.14). » Mais pourquoi ce synode bis ?


Pour Benoît XVI, il s’agit de donner une « nouvelle impulsion à l’évangélisation, à la consolidation et à la croissance de l’Église et à la promotion de la réconciliation et de la paix sur le continent africain ».

On peut discuter sur l’opportunité de ce nouveau synode ou prendre cette initiative comme un temps de grâce à investir. Je choisis cette deuxième solution en proposant d’en faire un synode du dialogue, de la paix, de la pensée et d’une nouvelle utopie missionnaire.

Le synode du dialogue
Ce synode bis, comme le suggère son étymologie, doit être une marche ensemble, une marche commune des chrétiens, mais avec tous les fils du continent. Nous retrouvons là l’intuition d’Alioune Diop, l’un des « précurseurs » du synode africain. Son projet était de susciter une dynamique pour la renaissance du continent, en mettant à contribution toutes les confessions chrétiennes, l’islam et les religions traditionnelles. Dans une Afrique fracturée, le dialogue est important. Dialogue au sein de la communauté chrétienne, dialogue avec d’autres Églises, avec les nouveaux mouvements religieux, avec les religions traditionnelles, avec l’Islam.


Donner aux laïcs, et, en particulier aux femmes, toute leur place

Ce dialogue amène également à investir l’interculturel, dans une Afrique aux multiples visages, ouverte au monde grâce aux médias et à Internet. Le premier synode avait insisté sur l’inculturation. Aujourd’hui, ne faudrait-il pas penser à une théologie africaine de l’interculturel ?

C’est aussi l’occasion d’approfondir un dialogue créatif et critique avec les institutions panafricaines, comme l’Union africaine. Il convient d’investir des projets prospectifs comme celui du NEPA.

À l’issue de la rencontre entre les évêques d’Europe et ceux d’Afrique en novembre 2004, Jean-Paul II avait recommandé « de rechercher, avec constance, une coopération fraternelle et solidaire pour affronter ensemble, depuis leurs points de vue respectifs et en synergie, les grands défis qui interpellent la foi chrétienne dans notre société mondialisée ». En dialogue, chrétiens d’Europe et d’Afrique sont appelés à se battre pour que la mondialisation soit un véritable « village planétaire » de partage, de partenariat.

Le défi de la paix
Mgr Monsengwo, grande voix de la République D. du CongoLe premier synode, traumatisé par le conflit rwandais, avait accordé une attention particulière à la lutte pour la paix.
Mais face aux violences endémiques, le deuxième synode devra faire de la paix en Afrique un des défis essentiels pour les chrétiens et toutes les personnes de bonne volonté. Une catéchèse et une pastorale de la paix doivent y contribuer. Il faut aussi susciter des initiatives, encourager la formation aux mécanismes des conflits et de la paix, pour éviter les discours simplistes qui ignorent la complexité des faits. Il s’agira également de regarder la question des séquelles de la violence tant pour les victimes que pour les agresseurs.

Est également importante la collaboration avec les instances locales, nationales et internationales qui peuvent contribuer à la paix. Les Églises-sœurs d’Occident peuvent aussi contribuer à élaborer des stratégies de paix. Enfin, la phrase de Paul VI est toujours d’actualité : « Le développement est le nouveau nom de la paix. » Alors, il faudrait mieux percevoir les liens entre la paix et les problèmes concrets de partage des ressources, des terres, de justice, du respect des minorités…

La mission de penser
En 1977, le colloque d’Abidjan, initié par Alioune Diop, faisait de la promotion de la pensée une des tâches essentielles de la ca-tholicité africaine. Pas de renouveau du continent sans le courage de penser. Pour vivre et agir autrement en Afrique, il importe d’avoir l’audace d’une pensée créa-trice, innovatrice, provocatrice.

Le premier synode avait insisté sur la formation des laïcs. Il s’agit de poursuivre dans cette lancée et susciter des espaces non seulement d’apprentissage, mais surtout de réflexion et de prise de parole. Les chrétiens ont la lour-de mission d’être aux avant-postes de la renaissance des pays et du continent, de contribuer à guérir les cœurs et les relations blessées, à faire renaître l’espérance.

D’où l’importance de centres de recherche, d’échange, de réflexion et de créativité socioculturelle, ouverts à tous à l’exemple de l’école de Pantène, qui for-ma l’élite chrétienne d’Alexandrie et permit la rencontre entre l’Évangile et le monde intellectuel. Il convient d’encourager la production intellectuelle dans tous les domaines.

Une utopie missionnaire
Le renouvellement de l’utopie missionnaire s’articulerait autour de trois idées-forces : la mission comme service gratuit, comme protestation, comme proposition.
• La mission comme service gratuit. Dans une Afrique blessée par toutes formes de dominations, il convient de dire la force utopique du service et de la gratuité, à la suite de celui « qui est venu pour servir et non pour être servi ». Mission de tout chrétien. Plus que lors du premier synode, il faudra prendre en compte la mission des femmes et des jeunes, pour un engagement effectif dans l’Église et la société.

• La mission comme protestation.
Le premier synode avait eu une parole forte sur la libération intégrale de l’homme, évoquant les miracles de Jésus. Or les gestes de Jésus sont, certes, une proclamation de la puissance de Dieu, mais aussi une protestation contre le mal. Dans une Afrique qui a tendance à la résignation, la mission aujourd’hui doit être témoignage d’une foi qui proteste contre le mal et la souffrance. Il faut des gestes qui disent que la pauvreté, l’analphabétisme, la corruption, l’injustice, la mauvaise gouvernance, l’autocratie… ne sont pas une fatalité pour le continent.

• La mission comme proposition.
Rassemblés en communautés d’espérance, les chrétiens ont à montrer qu’il est possible de se prendre en mains pour inventer un “devenir-autre”s, de s’engager au service de la paix, de l’éducation, et de la santé.

Cette mission prospectrice consiste également à investir des lieux délicats et importants comme la protection de l’environnement, les droits de l’homme et la politique. Il faudrait penser à des catéchèses et à des pastorales des droits de l’homme. De même, il est urgent de former une nouvelle élite politique, pour pallier la débâcle de notre système qui est essentiellement un problème d’hommes et de femmes.


« Il faut des gestes qui disent que la pauvreté, l’analphabétisme, la corruption, l’injustice,
la mauvaise gouvernance, l’autocratie… ne sont pas une fatalité pour le continent. »

Conclusion : le synode d’Accra ! (1)
Ce nouveau synode, qui n’aura pas lieu avant 2009, devrait amener à une implication importante des communautés chrétiennes et des théologiens du continent. De plus, ce serait l’occasion de redynamiser le SCEAM (Symposium des conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar), pour qu’il soit réellement signe et ferment du renouveau du continent. Alors, malgré son enclavement, Accra, le siège du SCEAM, ne serait-il pas le lieu idéal pour ce synode bis ?

Voir : PUBLICATION DE L'INSTRUMENTUM LABORIS
or : PUBLICATION of the INSTRUMENTUM LABORIS

(Avec son autorisation)
Paulin Poucota
Professeur Permanent de Bible à la Faculté de Théologie
Institut Catholique de Yaoundé

(1) (NDLR) Nous savons maintenant que le Synode aura lieu à Rome en octobre 2009.


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