Suite à l'article du
P. Cominardi sur la compassion, des lecteurs nous ont écrit
et téléphoné pour nous dire leur regret de n'avoir
pas pu lire l'un ou l'autre poème de Soumia, puisque l'article
en parlait. Voici donc ses trois poèmes présentés
par le P. Cominardi (Extrait de la revue Hayat).
![]() P. Fr Cominardi PB. |
![]() Soumia Lamri |
1er Poème
2ème Poème
3ème Poème
Lettre du médecin à Soumia
Soumia, 17 ans et
demi, lutte depuis trois ans contre un cancer des os. Malgré trois opérations
le mal se généralise. Elle se sait condamnée à brève
échéance et, bien que croyante, elle redoute la montée
de la souffrance : "Plutôt mourir que de souffrir autant". Elle
est hospitalisée et toute une équipe médicale l'entoure
de soins affectueux, en soutenant son courage et sa foi, en veillant à
ce qu'elle ne manque pas de calmant pour atténuer ses douleurs. Parfois
cela va mieux, elle veut écouter de la musique, lire Hayat, faire des
mots croisés, regarder la télé...Parfois on la trouve prostrée,
engourdie par les drogues...Souvent elle gémit, et même crie sa
douleur. Estomac, foie, poumons, le mal est partout.
Un matin, je la trouve au plus
mal. Elle se sent mourir. Je la reverrai toujours prononçant de toutes
ses lèvres sa profession de foi, sans qu'aucun son ne sorte de sa bouche,
ses grands yeux tournés vers le ciel, avec une concentration et une solennité
extraordinaire. Je lui tiens la main, accompagnant sa prière : "Soumia,
Dieu, le Miséricordieux, plein de tendresse, t'attend, il est prêt
à t'accueillir". Elle approuve d'une pression des doigts.
Le 25 mars 1999, Soumia est partie vers
son Créateur : Foule énorme au cimetière. Huit jours après,
sa maman me confie le petit cahier sur lequel elle avait transcrit trois poèmes,
écrits depuis qu'elle se savait condamnée (voir encadrés).Ce
sont ces poèmes qui tracent en filigrane tout le parcours spirituel extraordinaire
de cette jeune fille. Mais essayons de pénétrer, avec ce qu'elle
nous a laissé par écrit, dans le mystère de ce qu'elle
a vécu au plus profond d'elle-même. À 15 ans une jeune fille
a la vie grande ouverte devant elle : elle rêve de son avenir, de l'amour
d'une famille. Dans son corps et dans son cur il y a des énergies
nouvelles et elle est naturellement toute penchée vers le futur. C'est
la nature des choses...
Pendant son adolescence, Soumia fait par contre une expérience très
différente : atteinte d'une maladie très grave, un cancer des
os, qui se répand vite dans tout son corps, elle connaît bientôt
la crainte, l'angoisse, les va-et-vient vers l'hôpital, les soins douloureux,
l'interrogation sur l'avenir.
La plupart des adolescentes algériennes ont un cahier ou un album, où elles conservent documents, photos, lettres, textes, etc. qui leur sont chers. Soumia ne fait pas exception. Elle se confie à son cahier, comme l'on se confie à une amie intime, à qui on livre ses sentiments et ses pensées les plus secrètes : "Le temps a changé ma ressemblance et a dispersé mon savoir. Il m'a fait perdre ma beauté et ma jeunesse. - O temps tu m'as trahi." Il faut dire que Soumia avait confiance en l'équipe médicale qui s'occupait d'elle. Il lui arrivait peut-être de laisser sortir un mot, un soupir, quelques phrases qui révélaient son état d'âme, le désespoir qui s'était emparé d'elle. Peut-être même a-t-elle fait lire à I'un ou à l'autre ces réflexions sur le cahier. Un médecin lui répond par écrit : "Ce que tu as appris dans ton épreuve, les autres mettent de nombreuses années de leur existence à le comprendre".
Sur le papier, des traces de larmes
nous révèlent que cet écrit a dû faire une grande
impression sur Soumia. Est-ce là que commence la remontée vers
l'espérance ? Peut- être. Dans le deuxième poème,
le ton change : Soumia semble regarder en face sa maladie, et même la
mort inéluctable devant elle, mais : "Ma douleur ne vient pas d'un
amour éperdu, ni d'une passion, mais du Seigneur des mondes". Et
plus loin : "C'est toi Seigneur, notre berger, notre bienfaiteur, celui
qui nous fait vivre et mourir".
Plus le physique cède devant le mal qui avance, plus l'esprit se ressaisit
: lucidité, courage, douleur acceptée, foi, jusqu'à "L'éclat
de mon espoir", comme elle a voulu titrer son dernier poème : "Dieu
m'a donné ma suffisance de foi
Sois la bienvenue, ô mort !
Je n'ai pas peur de toi, mais de la rencontre de mon Seigneur".
C'est dans ces dispositions que Soumia est partie à la rencontre de son Seigneur. L'impact de ces longues semaines de souffrance et de courage de Soumia a été très fort sur tous ceux, parents, amis, personnel hospitalier qui l'ont accompagnée jusqu'au bout.
Soumia, nous garderons le souvenir
de ton douloureux sourire au cours de ton épreuve et de ta foi lumineuse.
Puissent ces quelques poèmes que tu nous as laissés, nous aider
à affronter la vie avec plus de courage... tant il est vrai que ce sont
ceux qui vont mourir qui nous apprennent à vivre.
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