SFAX. Participer à la vie
Le Frère Simon Amy Gornah est en Tunisie depuis 1994. Né en 1960 à Wa, au Ghana, il entre,après trois ans d’enseignement, chez les Missionnaires d’Afrique en 1985. Dès son stage à Oran (Algérie), il s’intéresse aux étudiants africains, aux personnes âgées, et travaille à la création d’une bibliothèque médicale. En fin de formation, il se spécialise dans l’éducation des mal-entendants. Après son serment missionnaire en 1993 et une année à l’université de Birmingham, il part à Tunis en 1994. Il enseigne d’abord le français dans les écoles de l’Eglise, puis dans l’Association tunisienne d’aide aux sourds. Il est également responsable du Bureau Caritas pour les migrants et les réfugiés.
De 2002 à 2005, il étudie l’arabe et l’islamologie au Caire, puis à Rome. En 2005, il rejoint la toute nouvelle communauté de Sfax. Il nous livre ici son expérience.En septembre 2005, les Pères Blancs ont ouvert une nouvelle communauté à Sfax, en Tunisie, pour être plus proches du peuple tunisien. Nous sommes trois : Erik, le Belge, a une longue expérience de l’Algérie et de la Tunisie ; Pierre, Burkinabè, a commencé son ministère dans le diocèse du Sahara, en Algérie ; moi-même, Simon, Ghanéen, j’ai longtemps travaillé à Tunis pour la Caritas et pour l’Association tunisienne d’aide aux sourds (l’ATAS).
Pierre est le curé ; Erik, notre économe et moi, responsable de l’équipe. Tous trois, nous attachons beaucoup d’importance à vivre au cœur de notre petite communauté chrétienne. Elle est formée de deux équipes de religieuses (Petites Sœurs de Jésus et Filles de la Charité de Saint Vincent de Paul), d’une centaine de jeunes sub-sahariens chré-tiens étudiant à l’université, de quelques personnes chrétiennes mariées en Tunisie et d’un nombre restreint d’anciens Sfaxiens d’origine européenne.
En septembre 2005,Pierre, Simon et Erik ont été envoyés à Sfax, Tunisie. Mme Kitty, Sfaxienne, descendante des familles italiennes et maltaises arrivées en Tunisie au XIXe s.,
Dans la ligne de nos prédécesseurs, la porte de notre maison est largement ouverte aux Tuni-siens pour l’échange et la rencontre. Tout ceci exige une connaissance de la langue et de la culture arabo-musulmane et des capacités d’écoute et de dialogue, parfois en français mais aussi, souvent, en arabe tunisien.
Servir
la Communauté Chrétienne
Notre équipe se donne sans compter pour l’accompagnement des jeunes chrétiens qui étudient à l’Université de Sfax. Ils viennent d’une vingtaine de pays de l’Afrique sub-saharienne, du Burkina, du Gabon, de l’un et l’autre Congo, du Burundi, etc. Ils viennent plutôt des pays francophones. L’Église diocésaine a reconnu leur association sous le nom de JCAT ( prononcer j-catte), « Jeunesse chrétienne africaine en Tunisie ». Dans les principales villes de Tunisie, la JCAT est la face la plus visible de l’Église. C’est, du moins, le cas à Sfax, ville carrefour des centres universitaires du sud de la Tunisie. Nous nous efforçons d’assurer l’animation et la coordination entre étudiants pour une meil-leure intégration dans l’Église et dans la société tunisienne.
Notre évêque, Monseigneur Maroun Lahham, est un arabe palestinien, né en Jordanie. On évalue généralement à 20 000 le nombre des catholiques vivant en Tunisie. Mais notre présence à Sfax va au-delà des frontières et des murs de l’Église.
Etre
au milieu des Sfaxiens
Notre principal objectif est de participer à la vie de la ‘communauté humaine’ sfaxienne. Comment être solidaires du peuple tunisien ? Les prêtres diocésains, qui travaillaient dans la région avant notre arrivée, nous ont montré le chemin. Eux, ils l’ont fait tout naturellement car beaucoup étaient nés en Tunisie et avaient choisi d’y rester après l’indépendance. Ils nous ont ouvert les portes pour que nous puissions nous engager dans l’une ou l’autre des nombreuses associations d’entraide sociale, fondées et dirigées par des Sfaxiens.
Personnellement, je travaille, quelques jours par semaine, dans un village d’enfants SOS-Enfance, à 32 km au sud de Sfax. La Maison de la France, située à quelques minutes de notre maison et qui dépend de l’ambassade de France, m’a également demandé de donner quelques cours de français (oui, à moi, Ghanéen !) à quelques adultes qui ont besoin d’améliorer leur français pour la rédaction de leurs thèses, ou tout simplement pour les aider à mieux s’intégrer dans le monde du travail qui exige un minimum de connaissance de la langue française. J’ai aussi accepté, récemment, un nouvel engagement : j’aide une jeune tunisienne à monter un ciné-club pour enfants. Nous avons déjà réalisé quatre séances.
Au service des handicapés
Mais il me faut dire quelques mots d’un autre engagement qui me tient à cœur et qui occupe le reste de mon temps : c’est l’association “Errabii” (le Printemps) qui soutient des adultes handicapés. J’ai d’abord collaboré avec cette association en tant que directeur du projet d’agriculture, une petite ferme de cinq hectares située à 14 km de Sfax. La première année, j’étais aussi le chauffeur pour le transport des handicapés en attendant que l’association achète un véhicule. Nous accueillons, chaque jour, de 10 à 15 handicapés.
Fondée par des Tunisiens, Errabii veut assurer un suivi des handicapés adultes, pris en charge dès leur enfance par d’autres associations. Nous y accueillons aussi des adultes retenus à la maison, à l’abri de toute relation étrangère, par crainte de la honte ou l’ignorance de la nature des handicaps. Le but poursuivi est toujours l’autonomie du handicapé. Comment pourraient-ils trouver une place dans la société s’ils restent à la maison jour et nuit, se repliant sur eux-mêmes et devenant une charge impossible à porter pour des parents vieil-lissants ? Quelques-uns, plus dé-brouillards, n’avaient pour occupa-tion que la mendicité et le vagabondage. Il faut cependant avouer que « l’autonomie responsable » reste un idéal difficilement réalisable pour certains.
L’association accueille aussi des handicapées mentaux qui n’ont pas la possibilité d’être intégrées dans un atelier protégé. Leur dignité humaine est respec-tée et l’association cherche à faire surgir les potentialités cachées de ces hommes et femmes touchés par des handicaps génétiques ou accidentels.
Ceci se réalise petit à petit à travers des activités où ils peuvent s’exprimer (certains ne sa-vaient pas parler…), produire (comme des légumes), et entrer en relation avec le monde extérieur à leur famille d’origine. Du reste, ces familles se trouvent li-bérées d’un grand poids… parfois porté longtemps en silence et en cachette.
“Errabii” aide, enfin, ces familles elles-mêmes à s’informer, à réagir, à se soutenir et à s’organiser. Certaines de ces familles sont pauvres en ressources. D’au-tres peuvent contribuer au financement de l’association. Des bienfaiteurs locaux et étrangers sont aussi sollicités.
Les projets sont nombreux et appel est fait à des bienfaiteurs : un projet d’élevage de moutons sur notre ferme, avec construction d’une étable ; un projet d’assistance médicale spécialisée pour les handicapés et les honoraires d’une accompagnatrice ; un projet pour l’achat de chaussures et de vêtements.
Nous, les trois confrères de la communauté, espérons qu’ensemble, chacun avec ses talents, nous pourrons rester disponibles et participer à la vie de la communauté chrétienne et de la communauté humaine de Sfax.
Simon Gornah M.Afr