Pourquoi
des Catholiques partent-ils
dans les sectes ? |
Par Arsène Kapya Mafr.
Aujourd’hui, dans le monde entier, et en particulier en RDC (République Démocratique du Congo), on voit pulluler les sectes. Elles poussent comme des champignons. Dans les grandes villes comme Kinshasa et Lubumbashi, ou d’autres grandes agglomérations, on s’en rend compte : il y a au moins une église dans chaque rue…
Cette réalité n’est pas à négliger. Beaucoup de nos chrétiens y sont affrontés et ne savent plus que faire. Les sectes font du prosélytisme et leurs adep-tes cherchent de nouveaux membres. Ils ne vont pas les chercher dans les autres sectes. Souvent, c’est dans l’Eglise Catholique qu’ils trouvent un terrain fertile : certains catholiques ne sont pas très mûrs spirituellement et ne sont ni bien formés, ni bien informés sur leur propre foi et sur cette réalité des sectes. Or, ils sont en quête d’une certaine profondeur de vie spirituelle et ne semblent pas la trouver dans l’Eglise. Cette quête spirituelle est bien lé-gitime ! Aussi ces catholiques sont facilement attentifs aux discours des sectes qui arrivent à les convaincre qu’ils sont dans l’erreur en restant dans l’Eglise, et que, par conséquent, ils ne seront pas sauvés. Qui ne voudrait pas être sauvé ? Pour être sauvés, ils doivent quitter l’Eglise et aller dans la secte de leur interlocuteur, secte sensée avoir la « vérité ».
Mais est-ce un bon choix que de quitter l’Eglise pour les sectes ? Que leur manque-t-il dans l’Eglise Catholique pour aller le chercher ailleurs ? Parmi tant de choses recherchées, en voici quelques-unes.
Imposition des mains dans une prière de guérisonDes attentes non satisfaites : guérisons miraculeuses et exorcisme. On cherche du sensationnel. Actuellement, beaucoup de gens sont touchés par la souf-france et la maladie. Notre médecine est trop limitée pour pouvoir soigner toutes les maladies. Même l’hôpital s’en montre incapable. Alors certains se tournent vers la médecine traditionnelle, d’autres, vers les églises où l’on fait des prières de guérison. Plus d’un disent qu’il n’y a pas de don de guérison dans l’Eglise Catholique.
Certains maux sont attribués aux forces maléfiques : les sorciers, les mauvais esprits, les démons, les mauvais sorts… La médecine moderne ne peut pas traiter ces maux.
Comme un bon chrétien ne doit pas aller chez le « mufumu » (guérisseur traditionnel qui est aussi devin et parfois sorcier), il trouve refuge dans des « maisons de prières » où il peut passer des nuits entières à prier. Contre ces maux, il faut des prières de délivrance et des exorcismes.
Certains prêtres catholiques ne croient pas à l’existence de ces « réalités » que sont la sorcellerie, les mauvais sorts, les mauvais esprits, les possessions démoniaques… Quand ceux qui pensent être sous l’emprise de ces forces maléfiques rencontrent ces prêtres-là, ils entendent que leurs problèmes ne sont que psychologiques… Ils s’en vont alors là où leurs maux seront pris en compte, même si, de fait, il s’agit d’un problème psychologique. Dans les sectes, on va leur dire : « Tu souffres parce que tu es ensorcelé par ta tante, ou possédé par un esprit mauvais, ou bien ta grand-mère t’a jeté un mauvais sort… »
Beaucoup de patients, qui ne trouvent pas leur guérison dans la médecine moderne, adorent ces explications données par les sectes…
Recherche d’une certaine sécurité matérielle
Autrefois, les missionnaires aidaient facilement les gens. Ce n’est plus le cas actuellement. D’ailleurs, le nombre des mission-naires occidentaux a diminué sensiblement, et ceux qui restent ne mettent pas facilement la main à la poche pour aider ceux qui viennent les solliciter. Est-ce pour décourager la mendicité ?
Quant aux prêtres congolais, ils cherchent des moyens pour leur apostolat, et parfois, en bons Africains, aider aussi leur fa-mille. Difficile donc d’aider ceux qui le leur demandent… Dans les sectes, certains pasteurs sont engagés dans le ministère de la prospérité : « Dieu a créé l’être humain pour vivre heureux », disent-ils. « La souffrance, même financière, ne vient pas de Dieu. » Ces pasteurs se sentent donc in-vestis de la mission de prêcher la prospérité. Si vous voulez mettre fin à votre misère, ils ont la recette. Allez donc dans leur église. Et des Congolais crédules ne manquent pas. Alors… Dieu fera des miracles… On voit ainsi des églises qui s’appellent « Eglises du Dieu des miracles », « Eglise des merveilles… ».
Assurance pour l’avenir : Notre pays ne garantit pas un avenir radieux à ses filles et fils. Beaucoup ont peur de l’avenir. Mais certaines églises le leur garantissent : vous y entrez et vous verrez les merveilles que Dieu accomplira dans vos vies et pour votre avenir. Parfois on est désespéré devant certaines situations : maladie incurable, une jeune fille qui ne trouve pas de fiancé, le chômage, l’échec scolaire, le manque de promotion dans le travail… Dans certaines églises, Dieu solutionne tous ces problèmes !!!
Une certaine chaleur humaine
Certains fidèles trouvent qu’il n’y a pas assez de chaleur humaine dans nos églises. Ils y vont de façon anonyme et en reviennent de même. Ce n’est pas très intéressant, surtout s’ils sont étrangers au milieu. Ils se sentent perdus et personne ne s’occupe d’eux. Dans les sectes, on est accueilli et tout le monde s’intéresse au nouveau venu. On fera tout pour qu’il reste. On le visitera chez lui, et s’il a quelques difficultés, on verra comment faire pour l’aider… On ne doit pas le perdre. Certes, ce n’est pas le cas dans nos propres églises.
Beaucoup de communautés catholiques expriment aussi
leur foi par le chant et la danse !La quête de la vérité
Beaucoup, dans les autres églises, disent qu’il n’y a pas de vérité dans l’Eglise catholique, ou, du moins, que les prêtres la cachent en la gardant pour eux-mêmes. Les simples fidèles n’y ont pas accès. Alors, s’ils veulent connaître la vérité, la seule façon, c’est de quitter l’Eglise Catholique.
La prise en compte des éléments de nos cultures africaines
Certains fidèles trouvent que nos églises sont trop « occidentales » et qu’elles ne prennent pas assez en compte nos traditions dans leur façon de faire et d’être. Ainsi, on y prie un peu à l’européenne, et, quelquefois, nos célébrations semblent molles et sans vie… Quand ils vont dans les sectes, ils trouvent des célébrations joyeuses, il y a la vie… On danse, on chante, on tape dans les mains, il y a des acclamations.
Griefs de certains catholiques contre leurs prêtres
Le manque de proximité des prêtres avec les gens. Il en est qui restent seulement dans leur bureau et à l’église. Ils ne font aucun effort pour visiter les chrétiens dans leurs familles. Ils ignorent comment ceux-ci y vivent. Ils ne connaissent ni leurs problèmes, ni leurs difficultés. Comment pourraient-ils les aider ? Par contre, dans les sectes, il y a une certaine proximité entre les pasteurs et leurs ouailles : ils les visitent chez eux, connaissent leurs difficultés. Ils peuvent ainsi les aider de façon efficace…
L’autoritarisme : Certains prêtres se comportent en petits princes ou chefs coutumiers et méprisent facilement des fidèles, surtout ceux qui n’ont pas beaucoup étudié ou qui sont pauvres.
Manque de préparation des sermons : S’il existe des prêtres bons prédicateurs, il arrive que des fidèles se rendent compte que d’autres ne préparent pas bien leurs homélies. Ils le sentent et sont déçus car ils ne sont pas nourris spirituellement par la Parole ; ils restent sur leur faim. Si on leur dit qu’un « pasteur » prêche très bien, grande est la tentation d’aller l’écouter pour combler le vide. S’ils y vont une fois, ils vont y aller une deuxième fois, et, à la longue, ils y resteront.
Manque de disponibilité de certains prêtres : Les fidèles ont besoin de rencontrer des prêtres qui les accueillent et les écoutent. Beaucoup de prêtres le font : ils accueillent les gens, les écoutent et les aident spirituellement, prient pour et avec eux, etc. Mais des catholiques disent que tous les prêtres ne font pas ainsi. Certains seraient plus occupés à traiter leurs affaires qu’à écouter les fidèles qui aimeraient se confier à eux. Quand ces chrétiens trouvent des « pasteurs » prêts à les écouter, en leur promettant des merveilles, quoi d’étonnant qu’ils entrent dans leurs sectes ?
Mauvaise conduite et mauvaise gestion de certains prêtres : Il existe de saints prêtres dans l’Eglise catholique. Et pourtant, ces derniers temps, des fi-dèles, catholiques comme protestants, formulent des critiques acerbes sur les prêtres dans différents domaines : non respect du célibat consacré, mauvaise gestion des biens matériels, détournement de certains fonds destinés à l’Eglise… Certains fidèles sont choqués par ces comportements et quittent l’Eglise.
Les sectes reprochent aux Catholiques
L’idolâtrie : surtout par la prière du chapelet, le recours à la Vierge Marie, l’intercession des saints…
Des célébrations eucharistiques routinières : pourquoi célébrer l’eucharistie tous les jours alors que Jésus l’a célébrée une fois seulement, le Jeudi Saint ?
Les catholiques ne savent pas prier : ils sont habitués aux prières apprises par cœur au catéchisme. Et quand il s’agit de prières spontanées qui viennent du cœur, ils sont perdus…
Il n’y a pas l’Esprit Saint dans l’Eglise Catholique : On ne voit pas les manifestations de l’Esprit Saint dans l’Eglise Catholique, telles que le parler et le prier en langues, les prophéties, les guérisons, les miracles…
Les fidèles catholiques ne connaissent pas la Bible : Celle-ci est comme réservée aux prêtres. Les simples fidèles n’en connaissent presque rien. Les prêtres cachent la vérité qu’ils gardent pour eux-mêmes… Alors que dans certaines églises, on est capable de mémoriser beaucoup de versets bibliques et de les répéter très facilement…
Les sacrements sont une invention de l’Eglise Catholique …Pour beaucoup de sectes, c’est le baptême seul qui est important…
Il ne sert à rien de nous énerver en entendant tout cela. Sentons-nous plutôt interpellés, car, de fait, le nombre des catholiques qui vont dans des sectes n’est pas à négliger. Il faut aussi noter que certains ont fait le tour de plusieurs sectes sans y être satisfaits, et sont finalement revenus dans l’Eglise.
Devant cette réalité des sectes, il faut toute une réflexion et une pastorale bien adaptée qui puissent aider les chrétiens catholiques.
Arsène Kapya Mafr.