Voix d'Afrique N°98.

..

Missionnaires jusqu’au bout…


La plupart d’entre nous ont connu bien des « déménagements » ! Les Sœurs Blanches du Canada, maintenant en maison de retraite, nous disent comment elles ont vécu ces « aller ailleurs », « ces passages sur l’autre rive ».

J’avais dit Oui…après des moments d’hésitation, de réflexion et surtout de prière. J’avais dit Oui au déménagement.
Le 17 octobre arrive le jour du grand déménagement (allusion à une période de l’histoire canadienne). Je suis un peu stressée, le cœur serré, mais en même temps, oui, heureuse de ce nouveau pas !

Ça y est : les meubles sont transportés dans mon nouveau chez moi. Et voilà, je m’habitue. Je suis même tout à fait habituée et heureuse. Même la plante sur le rebord de la fenêtre s’adapte bien et me fait déjà des bourgeons qui éclateront en fleurs pour Noël ! Avant tout je veux dire que mon cœur est émerveillé et en action de grâce, non seulement pour l’aide reçue de mes sœurs lors de ce grand déménagement mais surtout pour avoir fait ce pas que je considère vraiment comme un cadeau de l’Esprit.

Notre vie missionnaire avec son impératif : « Va, quitte ton pays…(ta chambre) » fait de plus en plus écho dans le quotidien. Comme pour notre Père dans la foi, cela demande un discernement et une décision de se mettre en route.

C’est ce que je vis présentement, comme je l’ai déjà vécu avec bien des émotions et un appel à m’abandonner en Celui qui me reste présent dans tout ce que je vis.

Sæur Gauthier MarielleCette année marque mon 8e déménagement depuis juillet 2000. A chaque fois, c’est difficile ; c’est fatigant ; c’est un grand détachement. A chaque fois, je pense : « Pourquoi encore moi ? ». Ensuite je cherche dans la prière et la réflexion…et je finis par trouver dans l’événement, ma mission, ma manière de suivre Jésus qui n’avait même pas une pierre où reposer sa tête.

Les déménagements successifs font partie de notre vie missionnaire, quelle qu’en soit la forme. J’ai réfléchi…J’en ai expérimenté un certain nombre ! Je peux dire qu’ils m’ont souvent ramenée à l’ESSENTIEL. La mission comporte certains aspects concrets vécus dans différents groupes communautaires : ce sont des invitations à essayer de vivre le moment présent dans la joie.

Déménagements ! Nous sommes bien assidues à suivre les nouvelles venant de l’extérieur : guerres, tremblements de terre, inondations, gens expulsés de leurs demeures, souvent pour ne retrouver que des ruines à leur retour, des personnes âgées aux maigres ressources qui doivent planifier leur déménagement elles-mêmes ou sans beaucoup d’aide… Autant de raisons pour ne pas rater la belle occasion de se faire solidaires avec tous ceux-là ! C’est bien le centuple qui nous est offert, si l’on veut bien y réfléchir…

..
Sr Samson ...................... Sr Gousy Denise

Bien que j’aie reçu à l’infirmerie un accueil chaleureux, les premiers temps furent un peu difficiles. C’était la période des vacances avec un personnel réduit ; tout était nouveau pour moi et je ne savais pas à qui m’adresser. Mais tout cela est du passé. L’important demeure cet appel du Seigneur qui continue à résonner en moi jour après jour : « Quitte… pour l’autre qui t’attend…Quitte…pour répondre à cet imprévu. Depuis mon arrivée, je suis la seule SMNDA à notre l’étage. Le fait d’être une personne de relation m’aide à le vivre et des liens se sont créés avec les autres résidentes des communautés-sœurs. On devient presqu’ une famille.

Dans le cadre de la restructuration à Cartierville, j’ai fait face à un « Appel » auquel je n’avais pas pensé…Lors d’un entretien surprise, un samedi matin, j’apprends que le comité santé estimait qu’il serait bon pour moi de passer à la pré-infirmerie…ce qui impliquait naturellement de quitter mon groupe de vie. Cet appel m’a agitée et perturbée. Puis ma provinciale m’a reçue comme une sœur, ce qui m’a permis d‘ouvrir le dialogue avec le Seigneur… C’est par le rappel de mon premier OUI prononcé en 1957 au Chemin Gomin, qu’il me convoqua. C’est là que j’ai trouvé la paix et la force de faire le passage demandé. « Ne crains pas, Je suis là. »

Mon déménagement ? Tout d’abord ma santé l’exigeait. Ce fut pour moi une peine de quitter la communauté à laquelle je m’étais attachée. C’était un autre ‘lâcher prise’ à la suite de ceux déjà vécus en Afrique, puis à Québec…Mais j’y ajoute une prière d’action de grâce pour la force reçue et pour tout ce que la congrégation fait pour chacune de nous. Je reste confiante et sûre de l’Amour du Seigneur présent dans ma vie du « Tout à tous » Quand je regarde notre monde d’aujourd’hui, et combien de personnes, de familles, cherchent un toit…c’est impensable de me plaindre. Oui le Seigneur est bon !

Ces dernières semaines, c’était presque une rengaine parmi nous : « Mais oui, je déménage ! « Tiens, moi aussi ! » Il me faut réapprendre de quel côté tourner en sortant de l’ascenseur…Hier, je comptais 3 portes pour atteindre ma chambre ; aujourd’hui j’en compte 5 ! Ça, c’est un peu l’extérieur du déménagement, mais l’autre aspect plus intérieur me ramène à Celui pour qui j’ai déménagé tant de fois…Celui qui n’avait pas une pierre pour reposer sa tête…Celui qui pendant trois années a parcouru les routes de son pays…J’ai compté dans l’évangile de Marc 31 fois où Jésus passe d’un endroit à un autre… 31 fois en 3 ans ! Sa demeure était la route. Alors je continue d’apprendre de Jésus et des autres à vivre en douceur ces nouveaux départs qui nous préparent inévitablement à notre dernier déménagement à la rencontre du Père…

« Passer sur l’autre rive… » Mc 4,35… L’autre rive, c’est le nord-ouest de Montréal « au diable vauvert » comme disaient les gens de chez nous. Mais le Seigneur m’a suivie dans ce « diable vauvert ». Un soir, il m’a prise à l’écart et Il m’a sermonnée fermement. Toutes ces belles choses que je disais : « aller vers, être avec, partager, s’ouvrir à l’autre, sortir de mes préjugés, vivre ma foi, des mots ?… Ai-je peur de perdre mon identité ? Ce que je perdais c’était mon énergie et pas à peu près. Il m’a familiarisée avec les vents contraires « Chin up, and play the game » dit-il. J’ai compris et accepté le défi. Si je ne risque pas ce voyage sur l’autre rive, je manque le rendez-vous avec le Seigneur.

SMNDA



.............. Suite