Voix d'Afrique N°99.

Des miettes… et des miracles

Un curé, assez soucieux, disait un soir au sacristain de son église : « Avez-vous remarqué ce vieux, aux habits râpés, qui chaque jour vers midi, entre dans l’église et en ressort presque aussitôt ? Je le surveille par la fenêtre du presbytère. Ça m’inquiète un peu. Vous savez, dans l’église, il y a des objets de valeur. Questionnez-le pour voir. »

Dès le lendemain, le sacristain attendit notre visiteur et l’accosta : « Dites donc, l’ami, qu’est-ce qui vous prend de venir ainsi dans l’église? »
– « Je viens prier », dit calmement le vieillard.
– « Allons donc ! Vous ne restez pas assez longtemps pour ça. Vous ne faites qu’aller jusqu’à l’autel et vous repartez. Qu’est-ce que ça signifie? »
– « C’est exact », répondit le pauvre vieux. « Moi, je ne sais pas faire une longue prière. Pourtant, je viens chaque jour à midi et je lui dis tout simplement : Jésus... c’est Simon. C’est une petite prière, mais je sens qu’il m’entend. »

Peu de temps après, le vieux Simon fut renversé par un camion et soigné à l’hôpital. – « Vous avez toujours l’air heureux malgré vos malheurs », lui dit un jour une infirmière. – « Comment ne le serais-je pas ? C’est grâce à mon visiteur. » – « Votre visiteur ? » reprit l’infirmière avec surprise. « Je n’en vois guère. Et quand donc vient-il ? » – « Tous les jours à midi. Il se tient là, au pied de mon lit et il me dit : Simon… c’est Jésus ! »

Pourquoi, je vous raconte ce petit bijou d’histoire ? Ça fait longtemps que je veux écrire quelque chose sur la prière et un texte de l’Évangile m’en a donné le goût (voir Matthieu, 15, 21-29). On y décrit la prière de cette Cananéenne, une païenne, qui crie sa demande à Jésus. Elle veut qu’il guérisse sa fille. Elle est d’abord réprimandée par les disciples, à cause de ses cris, et Jésus ne lui répond même pas : sa mission comme Messie ne s’adresse qu’à son peuple juif. Pourtant, elle insiste, se prosterne devant lui et, finalement, ne réclame que des miettes. « O femme, que ta foi est grande ! » Et Jésus guérit sa fille à ce moment même.

La prière de cette femme s’est graduellement transformée, humblement et avec beaucoup de foi et d’insistance, en une simple demande de petites miettes, et elle a finalement obtenu un miracle !

C’est saint Paul qui nous avertit que « nous ne savons pas prier comme il faut » et qu’il nous faut implorer l’aide de l’Esprit Saint (Romains, 8, 26). Que de fois on entend dire : « Je prie fort, mais ça ne donne rien... le Seigneur ne me répond pas... » Peut-être qu’on n’imite pas assez le pauvre vieux Simon ou la Cananéenne. Le vieux Simon prie avec une grande foi (« Je sais qu’Il m’entend »). La Cananéenne insiste avec humilité (elle se prosterne devant lui) et est prête à n’accepter que des miettes (qu’on donne aux petits chiens) au lieu du miracle.

Ces deux exemples de prière peuvent peut-être nous aider à mieux faire nos demandes auprès de Dieu. Comme le vieux Simon et la Cananéenne, que notre prière soit simple, humble, insistante et avec foi. Je crois que Dieu veut souvent vérifier si nous voulons tout de suite des miracles gratifiants pour notre “petite personne” ou bien si nous cherchons sa volonté amoureuse et pleine de tendresse envers nous. Il sait très bien ce dont nous avons réellement besoin.

Après 55 ans de prêtrise, je dois vous avouer que j’ai encore des difficultés à bien prier. Je dois m’aider d’un livre pour passer une heure devant le Saint Sacrement. Manque d’humilité, de simplicité, de foi ? Quand je pense à mon père Eugène, un homme modeste, humble, qui passait très souvent des heures à l’église, sans livre, sans chapelet. Peut-être qu’une seule prière lui suffisait : « Jésus, ... c’est Eugène ! » Qu’il en soit ainsi pour nous tous : insistons humblement pour recevoir des miettes et soyons assurés que le “miracle intérieur” suit toujours.

Lionel Dion
M.Afr.



.............. Suite