Voix d'Afrique
N° 56
Jeunes à Toulouse voir aussi N°55
Un
nouveau chapitre s'ouvre dans l'histoire de la Mission. Les tâches
de pionniers de l'évangélisation se font rares. Une nouvelle
mission se lève… comme se lève une nouvelle génération
de missionnaires. Lavigerie nous avait bien avertis :
" L'Afrique sera évangélisée par les Africains ". Edmond, du Malawi, Luisito, des Philippines, et Michel, du Burkina Faso, sont quelques exemples de ces jeunes qui ont entrepris leur formation pour devenir missionnaires. Par eux-mêmes, ils découvrent la mission, ancienne et nouvelle. Nous décrivons ici leur expérience. (Propos recueillis par Gérard Guirauden) |
Départ pour l'Afrique Nouvelle épreuve : d'abord
la langue. Il a fait toute son éducation en anglais ; en
famille on parlait la langue des Philippines ; il faut maintenant se
mettre au français et au kiswahili. Heureusement la communauté
de missionnaires est patiente et, très vite, Luisito se sent
chez lui. Le Congo est en guerre, et les soldats Rwandais s'installent à Goma ; quelques quartiers pauvres sont bombardés, on compte une centaine de victimes, surtout dans les quartiers pauvres. L'enterrement à la cathédrale, présidé par l'évêque est un événement qui marque la vie de toute la ville. Mais ce jeune asiatique qui n'est pas arabe, qui fréquente les pauvres, qui a des amis chez les musulmans, c'est suspect ! Il est arrêté et interrogé longuement par le commandant des forces d'occupation, puis libéré : il en est quitte pour une petite peur. Toulouse Il étudie la théologie avec ses confrères séminaristes. La communauté est très diverse : une quinzaine de nationalités se côtoient ; chacun a sa responsabilité au service de tous ; Luisito s'occupe du petit jardin, fait la cuisine pendant les fins de semaine, anime la liturgie ; en dialogue avec ses amis, il organise son temps et apprécie beaucoup la liberté qui est laissée à chacun, ainsi que les partages hebdomadaires où l'on apprend à se connaître, où se lient des amitiés profondes. L'aventure ne fait que commencer. Luisito rêve de repartir au Congo, mais il est prêt pour une autre destination. C'est cela, la mission, comme il
y a deux mille ans, le jour de la Pentecôte à Jérusalem
: "Parthes, Mèdes et Elamites, habitants de la Mésopotamie,
de la Judée et de la Cappadoce…" des Philippines, de Zambie
et du Congo… " tous nous entendons proclamer dans nos langues les
merveilles de Dieu ." |
'avion
se pose enfin sur l'aéroport de Ouagadougou . Les portes s'ouvrent,
comme sur un four. Il fait encore nuit, il n'est pas encore 5h. du matin,
il fait déjà 34° (l'information a été
donnée juste avant l'atterrissage). Le Burkina Je me retrouve à la maison
Lavigerie avec d'autres étudiants venus de Zambie, de Tanzanie
ou des Philippines. Ils savent bien que c'est ma première expérience
avec le français : leur sourire et leur chaleureux accueil tiennent
lieu de dictionnaire. Pendant six semaines, ce sera le stage intensif
de langue avant le début de l'année spirituelle, à
Bobo-Dioulasso. Certains jour j'avais l'impression de ne pas avancer ;
il y a eu des périodes de découragement, mais heureusement
l'ambiance était très fraternelle, et j'ai commencé
le "noviciat " avec l'assurance que je pourrai comprendre et
communiquer convenablement .
Le temps est harmonieusement divisé entre la prière silencieuse, le partage avec un formateur et les compagnons de route (nous sommes une quinzaine de "novices"), et aussi l'apostolat auprès des pauvres, des malades ; pour ma part j'ai pris mes habitudes auprès des enfants de l'hôpital de Bobo. Le Mali Pas question de voyage en avion : quatorze heures de route pour arriver à Bamako, et puis Kayes. Première rencontre et surprise : l'évêque africain m'accueille chaleureusement, me prend par le bras et m'entraîne dans une visite du marché ; tout le monde le connaît ; il me présente à ses amis ; la plupart d'entre eux sont musulmans, mais il n'y a aucune barrière entre nous ; le marché ne ressemble pas à celui de Lilongwe, ni à celui de Jinja ! et le style de vie de l'évêque est aussi très différent. Première chose à faire : apprendre le bambara ! Quelle histoire ! Pour la première fois, je rencontrais une "langue à tons" ; j'en avais entendu parler comme d'une chose extraordinaire, et voilà que maintenant, il me fallait m'y mettre. La langue est une langue dont le sens des mots change selon la tonalité qu'on donne à la prononciation ; selon qu'on donne l'accent de haut en bas ou vice-versa, le sens est totalement différent. Je calcule : après le chitumbuka
et le chichewa de mon Malawi natal, j'ai appris l'anglais à l'école,
puis le français, et maintenant le bambara ! C'est peut-être
cela qu'on appelle le don des langues. Toulouse |
'aventure
a commencé dans les années 50, lorsque le premier missionnaire
est venu visiter un chef de Kaya, au Burkina Faso : un pays plat et chaud,
latérite rouge, villages de constructions en banco, toits de chaume
; quelques arbres, manguiers ou épineux donnent une ombre avare.
C'est le pays des "hommes intègres". Le missionnaire
se présente au chef et au groupe des anciens, des sages ; il propose
une nouvelle religion, une nouvelle relation à Dieu ; il parle
d'amour, de baptême, mais aussi d'éducation, d'hygiène,
et déjà de développement. Les gens avaient entendu
parler des européens : des anciens combattants avaient colporté
tellement d'histoires de routes et de voitures, de maisons de plusieurs
étages, de villes agitées. Pour la première fois,
un blanc s'assoyait chez eux, et pas pour proposer du commerce ou demander
un impôt.
Michel est le cinquième enfant d'une de ces familles. L'école primaire n'est pas très loin. Il voudrait bien continuer son éducation, mais la famille a besoin de bras et les frais de scolarité sont très élevés. Il se fait embaucher pour quelques travaux : aide maçon d'abord, et puis compagnon d'un instituteur dans l'école voisine ; pendant deux ans, il puise l'eau à la rivière ou au puits, il va ramasser le bois de chauffage, et éventuellement il donne des cours de rattrapage du niveau primaire à quelques retardataires. Il aurait bien voulu entrer au petit séminaire diocésain, mais là aussi, l'intendance ne suit pas ! Il va donc au collège puis au lycée. Il fait partie d'un groupe de jeunes collégiens chrétiens, puis le dirige. Petit à petit, l'idée de servir les autres germe dans sa tête : il voudrait bien devenir prêtre. Il va s'en ouvrir à Monseigneur Constantin Guirma, le premier évêque de Kaya. Dans le salon d'attente, il tombe sur une petite revue qui parle de la vocation missionnaire, et lorsque l'évêque le reçoit, il déclare presque spontanément : "Monseigneur, je voudrais devenir prêtre et missionnaire, comme celui-là, sur la revue !" et l'évêque l'encourage. Etudes Première mission : en plein conflit ! Discernement
A Toulouse Sur l'étagère près de son
bureau, je remarque une petite tête en argile. "C'est un ami
de Paris qui l'a modelée pour moi ; je l'ai rencontré pendant
l'été, dans un foyer d'accueil pour les " paumés
" de la capitale ; nous nous sommes rencontrés, par dessus
les distances qui nous séparent : moi, l'étudiant, apprenti
missionnaire burkinabé, et lui, le gars perdu dans le Bois de Vincennes…"
L'aventure continue. |