
Le Cardinal Charles-Martial
Lavigerie 1825-1892
2.
Une
Personnalité
Charles-Martial
Allemand Lavigerie naquit le 31 octobre 1825 dans la petite commune
de Saint-Esprit incluse depuis lors dans la ville de Bayonne. Sa
famille appartenait à la moyenne bourgeoisie de tendance
libérale affichant volontiers, sur le plan religieux, un
certain scepticisme. Si le jeune garçon y trouvait un milieu
favorable à sa formation intellectuelle, rien ne l'orientait
vers une vocation sacerdotale. Le germe se développa grâce
aux deux servantes de la maison qui lui donnèrent sa première
éducation religieuse.
Entré
au
petit séminaire, il y persévéra malgré
les réticences marquées de ses parents. Dès
le début, se manifestait ainsi un trait marquant de son caractère:
une solide volonté. Un autre se dégagea lors des études
de philosophie et théologie, et devait s'approfondir avec
l'âge mûr: la pénétration de son esprit.
Il n'était pas un théoricien, et les débats
d'idées abstraites ne l'ont jamais guère intéressé.
Il restait très attentif par contre aux grands courants d'évolution
qui, dans tous les domaines, marquaient le monde de son époque,
afin de ne pas agir dans le vide. Il savait que toute action, pour
être valable, doit découler d'une pensée et,
en même temps, il pensait pour agir.
Son
goût pour l'histoire de l'Eglise lui fit découvrir
des situations d'origine au-delà des pesanteurs accumulées
avec le temps. Cette connaissance des sources lui fournit des bases
de jugement et d'action, et lui inspira des directives sur certaines
méthodes missionnaires. Pas d'archaïsme dans ce regard
en arrière, mais un souci de retrouver l'essentiel pour transmettre
le message authentique de l'Eglise. Dans son application concrète,
une telle transmission impliquait une organisation matérielle
parfois complexe. Lavigerie était fort conscient que l'intendance
devait suivre sous peine d'en arriver rapidement, surtout en Afrique,
à la ruine d'entreprises difficiles. Il gérait donc
ses affaires de près tout en s'entourant de collaborateurs
dévoués.
L'ensemble
de ces traits peut se résumer en une formule: la "vertu
de commandement". Vertu parfois durement ressentie par les
subordonnés. Lavigerie était très exigeant
avec lui-même, devant surmonter de douloureuses maladies pour
accomplir ses multiples tâches. Il l'était aussi vis-à-vis
des autres, n'hésitant pas à manier les sanctions
en son pouvoir, et même au-delà de ses pouvoirs, quand
l'application de ses directives rencontrait des résistances
ou des retards. Il savait aussi s'en prendre durement à ceux
qu'il jugeait comme des adversaires ou des obstacles à l'Oeuvre
de l'Eglise dans le monde moderne. Cette écorce toutefois
recouvrait des dispositions plus profondes que l'un de ses amis
a bien décelées:
"Nonobstant ces oscillations, écrit-il,
on peut dire que la modération était le fond du
cardinal Lavigerie. Il n'était excessif que par entraînement
et, peut-être, quelquefois par diplomatie. Il était
modéré par intelligence, par éducation, par
expérience, par habitude, par générosité."
On
trouvait donc chez lui, comme d'ailleurs en toute riche personnalité,
des contrastes frappants. Cet impatient, ce fougueux savait attendre
et se plier aux circonstances. Cet homme à l'esprit si autoritaire
ne manquait pas de tendresse vis-à-vis des enfants, malades
ou personnes abandonnées. Ce traditionnel, attaché
aux valeurs séculaires de l'Eglise et de son pays, avait
des idées novatrices et des vues d'avenir que le temps justifiera.
Cet évêque sachant déployer un grand faste pour
entourer des célébrations ou actes plus importants,
restait fort simple dans sa vie privée. Ce cardinal, parvenu
aux plus grands honneurs, les considérait d'une extrême
fragilité dans la perspective de la mort toujours présente
à son esprit, moment décisif où la valeur réelle
des choses se révèle toute entière.
Maison natale de Lavigerie
à Huire,
faubourg de Bayonne
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Cette
dernière caractéristique, soulignée par ses
proches, nous introduit dans sa vie intérieure de foi. On
ne peut la connaître avec précision car il n'a laissé
aucune note personnelle à ce sujet, mais un certain nombre
d'indices en suggèrent la richesse; et il parlait d'expérience
en rappelant sans cesse et vigoureusement à ses missionnaires
la nécessité d'une union personnelle avec Jésus-Christ.
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La prière était pour lui
la "respiration du cur",
aussi indispensable à la vie de foi
que celle de l'air à la vie du corps.
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On y trouve la source de ses grandes options et de
sa persévérance dans leur accomplissement.
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