Voix d'Afrique N°95.

Algérie 50 ans d’indépendance



Le 5 juillet 2012, l’Algérie fêtera cinquante ans d’indépendance. Beaucoup vont faire des bilans. Il faut, en effet, restituer aux générations futures les prouesses, les exploits et les bavures de leurs parents et aïeuls. Cinquante ans, c’est beaucoup pour la vie d’une personne, c’est très peu pour l’existence d’une nation.

Paris et Alger, pour cette année 2012, se préparent depuis des mois, espérant que cet anniversaire marque un nouveau départ, comme l’indique Mourad Medelci, chef de la diplomatie algérienne : « Ce que nous allons, en 2012, initier ou finaliser comme action fera probablement de cette année 2012 une année emblématique en ce qu’elle représente, pour nous et pour vous, comme pesanteur de la mémoire mais aussi comme dynamisme de l’espoir, celui qui est permis entre deux peuples qui souhaitent continuer à travailler ensemble dans l’amitié, la considération, et le respect réciproque.» En effet, 2012 doit être tourné beaucoup plus vers l’avenir que vers le passé.

Un peu d’histoire

Monument des martyrs à AlgerLe 3 Juillet 1962, l’Algérie devient indépendante, par le référendum sur l’autodétermination du pays. C’est la fin 132 ans de présence coloniale française. Depuis la conquête de la ville, le 5 juillet 1830, l’occupation par la France a été marquée par de nombreuses révoltes et par la naissance de mouvements nationalistes revendiquant l‘indépendance du pays, à l’issue de la Seconde Guerre mondiale. Le 1er novembre 1954, éclate l’insurrection du peuple algérien.

Huit ans durant, le Front de Libération Nationale (FLN) va mener la lutte contre la France. Les Accords d’Évian du 18 mars 1962 marquent, en principe, la fin du conflit. Mais il dure encore quelques mois sous une autre forme : conflit du FLN et de l’OAS (Organisation Armée Secrète). Deux référendums consacrent la naissance de l’Algérie indépendante : un en France, le 8 avril 1962, qui donne une ratification éclatante par une très grande majorité d’électeurs ; l’autre en Algérie, le 1er juillet, qui ratifie massivement les accords d’Évian. L’indépendance du pays va contraindre la population «Pieds-noirs» d’Algérie (près d’un million) et le groupe des harkis (entre 60 000 et 75 000) à l’exode.

Une lutte intense pour le pouvoir dans le nouvel État va marquer les mois suivants jusqu’à la fin septembre. C’est l’élection d’une Assemblée constituante composée de membres du parti unique FLN, qui investit, le 26 septembre, un gouvernement présidé par Ahmed Ben Bella. En fait, ce sont les militaires - l’armée des frontières de Boumediene - qui ont pris le pouvoir. L’armée s’est imposée comme l’arbitre des luttes de factions.

Quel bilan économique après 50 ans ?

Le front de mer d’Alger est un des hauts-lieux  de l’histoire de l’AlgérieCe court article ne permet pas de voir tous les aspects de la vie de l’Algérie durant 50 ans. Limitons-nous à l’économie.
L’Algérie, durant ces 50 années, a beaucoup évolué. Sa population est passée de 11,8 millions d’habitants en 1960 à plus de 32 millions aujourd’hui. Les deux tiers de cette population a moins de 25 ans. C’est une potentialité énorme pour le pays. Mais la grosse majorité de cette jeunesse est au chômage.

En 1954, sur 5000 universitaires, seuls 518 étaient Algériens autochtones. Ils sont près de 1 500 000 aujourd’hui. Le niveau de vie d’un citoyen moyen est 12 fois supérieur à ce qu’il était en 1962.
Dans les 50 ans passés, la volonté politique de développer l’Algérie a été forte, et d’énormes ressources ont été mobilisées à cet effet. Mais beaucoup reste à faire pour construire un ensemble économique, social et politique capable de hisser le pays au rang de pays émergent, puis développé. En fait, il s’agit d’organiser l’État comme une immense machine qui mobilise les forces physiques, mais surtout intellectuelles, pour que tous les citoyens tirent dans la même direction.

Les “erreurs” économiques

Les Algériens sont impatients ! Ils constatent que leur pays est riche et ils enragent d’être si pauvres et de vivre si mal dans un pays qui était celui de tous les possibles. C’est pourquoi, ayant perdu toute illusion, beaucoup essayent, au péril de leur vie, d’aller tenter leur chance ailleurs. Il est difficile de ne pas pointer la responsabilité des dirigeants dans cet état de fait.

Aussi, beaucoup de critiques sont sévères. Rachid Boudjema, docteur d‘État es science économique, déclare : « Malgré son aisance financière qui lui permet d’acheter vite et gros et d’être à l’abri de bien des maux dont souffrent la plupart des Pays en Voie de Développement, l’Algérie n’est pas encore entrée dans l’école du développement. La raison majeure est qu’elle n’a pas réussi, en cinquante ans, son apprentissage de la croissance. (…) Ses entreprises publiques tardent à être dans l’économique, ses entreprises privées à être réactives, et ses banques à faire dans l’intermédiation financière. Conséquence inévitable : sa richesse annuelle exprimée par le PIB a toujours une forte teneur énergétique. Quant à ses exportations, elles restent toujours dominées par les hydrocarbures.

Le Président  Abdelaziz BouteflikaC’est dire le faible dynamisme de sa sphère de production et le bas niveau de sa diversification économique, quand bien même le pansement financier d’origine pétrolière interviendrait pour couvrir ces grandes plaies économiques et cultiver dans l’esprit citoyen l’illusion de l’avoir et du savoir. » Riche de ressources naturelles exportables (hydrocarbures) et pour lesquelles il existe une demande internationale, l’Algérie continue à puiser dans les marchés extérieurs, les éléments de sa consommation et de son équipement : biens alimentaires, intrants agricoles, usines clés en main, formation à l’étranger, recours à l’assistance technique étrangère. Cette façon de construire l’économie et de métamorphoser la société en échangeant simplement ce qui est un don de Dieu (le pétrole) contre des richesses étrangères issues de l’effort productif des hommes devrait évoluer pour prendre le chemin de la production d’un surplus.

Les dirigeants algériens n’ont pas pris le problème du dévelopement à bras le corps et se sont davantage occupés de se répartir la rente du pétrole. Mais par delà la structure gouvernementale, c’est l’armée qui est mise en cause, car, depuis l’Indépendance, elle s’est imposée et reste encore aujourd’hui la colonne vertébrale du régime, régime qui d’ailleurs reste très opaque.

Et demain ?

Certains pensent qu’il y a une malédiction du pétrole, que les pays riches en hydrocarbures n’entreprennent pas de vraie politique de développement et se contentent de vivre de leur rente, rente partagée par quelques-uns au sommet. Le plus grand mal de l’Algérie ne vient pas de sa richesse en pétrole et gaz. Cette richesse peut devenir un atout si elle est mise au service du développement. Il s’agit pour l’Algérie d’opérer une mutation d’importance. Elle doit réduire sa dépendance à l’égard de ses ressources naturelles non renouvelables. Un tel objectif passe par un autre qui devient, dans ce cas, le moyen : la diversification économique. L’Algérie gagnerait à tracer le trajet de son futur développement et à le réviser régulièrement selon les exigences de l’économie mondiale.

D’après des sources diverses
Voix d’Afrique


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