Culture
DES
HOMMES ET DES DIEUX
|
|
Lhistoire
A 90 kilomètres au sud dAlger, au flanc dune montagne, le monastère trappiste de Tibéhirine semble, par son altitude, vouloir se rapprocher de Dieu... et séloigner un peu des hommes. Nous sommes dans les années 1990. Les huit moines français vivent en harmonie avec leurs frères musulmans. Ils sentretiennent quotidiennement sur la vie du village, ils sont aussi docteurs, confidents, dépanneurs. Ce ne sont pas des hommes comme les autres : ils nont besoin ni de confort ni de télévision. Ce qui nous est nécessaire leur était inutile, et même encombrant. Quand une équipe de travailleurs étrangers est massacrée par un groupe islamiste, la terreur sinstalle dans la région. La petite communauté religieuse est en danger, elle le sait. Elle sait que létau se resserre autour delle.
Après bien des hésitations, les moines décident pourtant, sous limpulsion de leur prieur, Christian de Chergé, de rester là, pour ne pas abandonner les villageois, qui, eux, nont pas le loisir de fuir, et pour porter jusquau bout leur témoignage de foi et de fraternité : « Le bon berger, dit lun des frères, nabandonne pas son troupeau à lheure où arrive le loup. » Malgré les propositions de protection de larmée, les moines déclinent toute manuvre de défense contraire à leurs vertus.
Les semaines passent sans que la menace ne sessouffle un instant. Combien de temps leur est imparti pour quitter Tibhirine, avant que le pire nadvienne ?
Dans la nuit du 26 au 27 mars 1996, un groupe dextrémistes islamistes investira cet humble paradis terrestre et kidnappera sept moines. Seules leurs têtes seront retrouvées deux mois plus tard. Ce film na pas pour projet de braquer un projecteur indécent sur le martyre de ces religieux, mais de nous aider à appréhender leur quotidien, leurs doutes, leurs joies et la force de leur foi.
Le réalisateur
Qui est-il ?Xavier Beauvois nait le 20 mars 1967 à Auchel dans le Pas de Calais. Enfant du Nord et de la classe ouvrière, il décide très jeune de se tourner vers le cinéma. Au cours dune conférence, il fait la rencontre de Jean Douchet, fameux historien du cinéma. Touché par la personnalité et le caractère du jeune homme, celui-ci laidera à effectuer ses premiers pas à Paris. Après avoir obtenu le Prix de Rome section cinéma, Beauvois tourne son premier (et unique) court métrage, Le matou (1986), qui se déroule dans une cellule de prison. Il devient ensuite assistant réalisateur. En 1991, il réalise son premier film, Nord, chronique familiale douloureuse (inspiré largement de sa propre vie, et ce nest pas pour rien quil en tient le rôle principal), confrontation brutale entre un fils et son père alcoolique. Le film sera nommé aux Césars. Bien accueilli par la critique, le film reçoit un accueil public beaucoup plus nuancé.
Après avoir été acteur dans Aux Petits Bonheurs de Michel Deville, il tourne, 1995, son deuxième long métrage, Noublie pas que tu vas mourir. Cest le récit dun jeune homme (à nouveau joué par Beauvois) qui, se découvrant séropositif, va faire lexpérience, en très peu de temps, du spectre de la vie : la drogue, lamour, la guerre. Présenté en Sélection officielle à Cannes où il obtient le prix du jury, le film est hélas boudé par la critique, puis par le public.
Toujours comédien intérimaire dans plusieurs films, cest finalement avec son troisième film, Selon Matthieu (2000) que Xavier Beauvois va rencontrer le public. Plus accessible, ce film raconte comment un jeune ouvrier va tomber amoureux de la femme de son patron (incarnée par Nathalie Baye). Nouveau succès avec Le Petit Lieutenant, pour lequel Xavier Beauvois retrouve Nathalie Baye, à qui il confie le rôle dune inspectrice de police alcoolique qui va sattacher à une jeune recrue. Un polar à la fois sanguin et psychologique, sélectionné au Festival de Venise.
En 2008, le cinéaste Benoît Jacquot le dirige dans le drame Villa Amalia ; Beauvois y interprète lamant infidèle dIsabelle Huppert. Finalement, le Festival de Cannes de 2010 lui attribue le Grand Prix du jury pour Des hommes et des dieux, une chronique inspirée de lhistoire vraie de moines cisterciens menacés par un groupe islamiste, en Algérie.
Avis critiques
Foi et doute
« Tout au long du film, le spectateur est pris par les rituels de ces moines : prières, travaux manuels et intellectuels, repas, aide apportée aux villageois, discussions avec leurs frères musulmans Leur quotidien est aussi rythmé par des chants à lunisson qui confèrent une atmosphère toute particulière au film faite de grâce et dharmonie.
Il est touchant de constater la force qui émane de la solidarité et du respect quils ont les uns envers les autres. Dans leur situation périlleuse où la terreur règne, ils gardent foi en Dieu mais aussi en leur communauté et nont de cesse de sécouter sexprimer sur leur doute et leur choix. »
Un sacrifice de fraternité
« Le film ne tranche pas, après avoir seulement montré que les moines sétaient attiré non seulement lhostilité des terroristes, mais aussi celles des militaires, pour qui leur obstination à soigner les islamistes, mais aussi à prier pour leurs ennemis, était un véritable scandale.
Lessentiel du film est dans lattention portée à la vie de ces moines et à leur mission, qui conduit le cinéaste incroyant à sapprocher du cur intime du mystère de la foi. « Notre mission ici, cest dêtre frères de tous », dit Christian. Ce nest pas sans une certaine gêne, sachant leur destin final, quon les voit sassocier à la prière dun imam qui psalmodie : « Tu es notre maître, accorde-nous donc la victoire sur les peuples infidèles. » Laurent DandrieuPlaidoyer
pour le vivre ensemble« Cest plus quun film, cest un magnifique plaidoyer humaniste pour le «vivre ensemble» au jour le jour, durement, simplement, courageusement, au delà des clivages, des idées. Des hommes et des dieux nest pas un film religieux au sens strict du terme, il a à voir avec le spirituel, bien sûr, mais surtout avec la part dhumanité, de lâcheté ou de courage qui est en chacun de nous. Athées et agnostiques peuvent le voir sans appréhension, ils seront eux aussi touchés par cette histoire dhommes qui sont leurs frères de doute. »
LAnonyme
|
|
|
|
|
|
|
||
|
|
|
|
|
|
|
|