Voix d'Afrique N°112.


Photo de la tombe de nos confrères à Tizi-Ouzou (Le 27 décembre 1994,
quatre Missionnaires d’Afrique furent mitraillés dans la cour de leur maison.)

Enterrer les morts au Maghreb :
une œuvre de miséricorde


Le mois de novembre est le temps où nous prions tout spécialement pour nos morts. Voilà un article venu du Maghreb qui nous dit l’attention des Pères Blancs pour
la miséricorde.


La Comme tout le monde sait, il y a quatorze œuvres de miséricorde : sept corporelles et sept spirituelles. Les œuvres de miséricorde corporelles sont tirées, pour la plupart, de la parabole du Jugement Dernier (Mat, 25, 31-36). Cependant, la septième (enterrer les morts) ne se trouve pas dans la parabole, mais elle est dans la liste à cause de la référence biblique du livre de Tobie dans laquelle le protagoniste donne une sépulture digne à ses compatriotes, malgré l’hostilité des autorités de Ninive et le sarcasme de ses voisins.

Donner une sépulture
aux défunts : migrants

En Afrique du Nord, une activité peu connue de l’Église est celle de donner une sépulture digne aux défunts : migrants clandestins, personnes considérées chrétiennes et mortes dans la solitude, religieux, membres de nos communautés chrétiennes, prisonniers, accidents de “routards”, travailleurs étrangers..

Même si la situation juridique varie d’un pays à un autre, en général, l’enterrement d’un chrétien est l’occasion de témoigner, face aux autorités locales et à la société, de l’unité, diversité et fraternité de notre Église. Contrairement à l’histoire du livre de Tobie, nous ne nous chargeons pas uniquement d’ensevelir dignement nos compatriotes. Ce que nous faisons nous le devons à la fraternité qui unit tous les chrétiens entre eux, sans distinction de race, nationalité ou situation administrative : “Ce fils de Dieu, était mon frère”. Obtenir les autorisations pour la mise en terre, pour transporter la dépouille, localiser le personnel chargé de creuser la tombe, payer les frais des pompes funèbres (y compris le cercueil, peu usuel parmi les musulmans) et, plus tard, matérialiser la tombe avec un peu de ciment et des briques… tout cela prend une partie de notre temps, de nos énergies et de nos ressources, mais nous le faisons comme communauté avec dignité et en esprit de famille.

Dans certaines villes il n’y a pas de cimetière chrétien
et le corps doit être convoyé, parfois loin...

Sur le terrain, les situations peuvent être très variées et compliquées, car tout le monde ne décède pas dans les mêmes circonstances. Voici quelques exemples : Dans certaines villes il n’y a pas de cimetière chrétien et le corps doit être convoyé, parfois loin, jusqu’au lieu habilité par les autorités locales pour l’enterrement des chrétiens : ce qui veut dire que l’ambulance doit traverser plusieurs préfectures et il faut obtenir les autorisations pertinentes. Il y en a qui décèdent sous une fausse identité (supposons malienne, alors qu’en réalité il s’agissait d’un ressortissant de Sierra Léone) et avant d’obtenir l’autorisation d’inhumer les autorités doivent vérifier l’identité du défunt : contacter les autorités consulaires prend du temps… et le corps doit attendre, à la morgue, parfois durant des mois ! Il arrive aussi que le défunt avait un nom musulman alors qu’il était chrétien : pouvoir l’enterrer conformément à ses croyances dans le cimetière chrétien peut absorber beaucoup de temps et d’énergies.


Enterrement d’un prêtre du diocèse d’Alger.

Lorsqu’un religieux décède, c’est une habitude qu’il (ou elle) soit enterré dans le pays où il a voulu être témoin de l’Évangile, mais il arrive que sa famille ne comprenne pas ce souhait des religieux et il faut pouvoir passer du temps avec eux pour qu’ils acceptent la volonté du défunt. De temps à autre, nous recevons le courriers de personnes qui ont des êtres chers enterrés dans cette partie du monde et souhaitent que nous visitions les tombes de leurs parents, que nous les entretenions si besoin est, que nous leur envoyions des photographies. Il arrive également pour des gens de passage (travailleurs, marins, touristes plus ou moins “hyppies”) et avec peu de ressources, leurs camarades, les compagnies et même les autorités nous contactent pour qu’une cérémonie religieuse ait lieu avant la sépulture… Vous voyez bien que les situations sont fort diverses.

Les musulmans nous
manifestent leur sympathie et leur soutien.

Il faut noter que, presque toujours, ces modestes cérémonies sont l’occasion pour que les musulmans nous manifestent leur sympathie et leur soutien, c’est une occasion pour partager notre peine et notre commune espérance dans la résurrection. Ils peuvent le faire en nous aidant à creuser ou à couvrir la tombe, à descen-dre le cercueil, en apportant des fleurs, en priant à leur manière quand nous le faisons… Car pour les chrétiens, aussi bien que pour les musulmans, la vie n’est qu’une étape de notre relation avec Dieu : après la mort nous continuons dans sa Présence, mais autrement.
Dans l’évangile de Jean (19, 38-42) on nous raconte que Joseph d’Arimathie ne voulut pas laisser le corps de Jésus sans sépulture, et alla demander à Pilate la permission de descendre son corps de la croix et de l’enterrer dans une tombre toute proche.

Les Pères Blancs du Maghreb prenent soin des tombes de leurs confrères
C’est qu’enterrer les morts a toujours été une œuvre de miséricorde : voilà pourquoi les chrétiens de cette partie du monde ne laissent pas à l’abandon les tombes et le 1er ou 2 novembre nous visitons et nettoyons les cimetières. Dans ce contexte, Pères Blancs du Maghreb, nous avons voulu que, parmi d’autres activités qui serviront à célébrer le 150e anniversaire de notre fondation (1868-2018), nous fassions l’effort de prendre soin des tombes de nos confrères enterrés en Afrique du Nord. Hommage à l’amour qu’ils ont offert durant leurs vies et aussi humble témoignage d’une communauté qui n’oublie personne car Dieu, Lui non plus, n’oublie personne.

José Marie Cantal Rivas, M. Afr.

Œuvres de miséricorde corporelles

I) Donner à manger aux affamés.
2) Donner à boire à ceux qui ont soif.
3) Vêtir ceux qui sont nus.
4) Accueillir les étrangers.
5) Assister les malades.
6) Visiter les prisonniers.
7) Ensevelir les morts.


Œuvres de miséricorde spirituelles :

1) Conseiller ceux qui sont dans le doute.
2) Enseigner les ignorants.
3) Avertir les pécheurs.
4) Consoler les affligés.
5) Pardonner les offenses.
6) Supporter patiemment les personnes ennuyeuses.
7) Prier Dieu pour les vivants et pour les morts.

 

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