Voix d'Afrique N°83.

SOCIETE
EAU ET ASSAINISSEMENT

La bonne conservation des médicaments n’est pas le souci majeur des “pharmacies par terre” !
Depuis des dizaines d’années, des efforts considérables ont été faits pour fournir de l’eau aux populations d’Afrique. Les Églises, des Associations, des ONG ont creusé des puits, fait des forages, installé des pompes pour venir en aide aux gens. Or, en regard des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) définis par l’ONU pour l’ho-rizon 2015, la situation de l’eau et de l’assainissement reste encore très préoccupante en Afrique subsaharienne. Malgré les efforts consentis, environ 200 millions d’africains n’ont pas encore accès à une eau potable et 4 ruraux sur 5 ne disposent pas d’installations sanitaires.

Pour l’eau potable, la plupart des populations ont recours aux eaux de surface ou souterraines. Mais elles sont souvent polluées par les rejets humains de toutes espèces.

Concrètement, il faudrait lancer un programme pour fournir un accès à l’eau à tous ces millions d’hommes, de femmes et d’enfants, d’ici 2015. Il faut en-viron vingt litres d’eau salubre par jour à une personne pour qu’elle puisse boire, se laver et préparer un repas.

Mais si l’accès à l’eau est vital, l’absence d’accès à l’assainissement est un fléau qui tue. On n’ose peu parler d’assainissement car cela renvoie aux « basses fonctions » de l’être hu-main. C’est un sujet difficile à aborder. Ce tabou a des conséquences sur la volonté politique d’agir et sur la mobilisation des fonds. Cela contribue aussi à maintenir cette question dans la sphère privée, ce qui n’incite pas les ménages à exiger une action publique.

L’accès à l’eau et à l’assainissement constitue un besoin fondamental pour l’homme et il reste vital pour la dignité et la santé humaine. Mais cet accès est de plus en plus difficile à cause des problèmes engendrés par le développement des villes, l’accroissement des populations et les diverses pressions qu’exercent ces populations sur les ressources en eau.

Comme la population augmente, les problèmes des quartiers périphériques des grandes villes deviennent de plus en plus sérieux. Actuellement, 100 millions d’Africains n’ont accès à aucune installation d’assainissement. Des millions d’enfants meurent chaque année de maladies liées à l’eau comme la diarrhée (seconde cause de mortalité chez les enfants dans une région où deux enfants sur dix meurent avant l’âge de cinq ans).

Approvisionner en eau
Environ 62 % des Africains ont accès à un point d’eau de qualité. Mais, en milieu rural, les gens (principalement les femmes) passent encore beaucoup de temps à aller chercher l’eau. Dans les zones urbaines, l’approvisionnement est meilleur, et 85 % des citadins ont accès à de l’eau de bonne qualité.

L’eau n’est pas un bien marchand, c’est un patrimoine collectif qu’il faut protéger, défendre et traiter comme tel. Puis-sance publique ou intérêts privés, nul ne peut s’approprier cette ressource. Cependant le service de l’eau a un coût : l’eau n’est donc pas fournie gratuitement. Le prix de l’eau et de l’assainissement doit correspondre à la possibilité d’accès fourni par un service public ou délégué à une entreprise privée, sous le contrôle des usagers et des représentants de l’État. Ce prix doit être « acceptable », s’établissant par un optimum entre valeur du service, coût de réalisation et capacité économique des usagers.

Les problèmes du point d’eau ?
Les usagers vont-ils choisir l’eau traditionnelle ou le nouveau point d’eau collectif, selon le prix, le goût de l’eau, les files d’attente, la fatigue du transport, les conflits autour du point d’eau, etc. ?

Faudra-t-il faire payer l’eau en nature, au seau, sous forme de cotisation, les deux à la fois ? A quel prix ? Faut-il accepter de faire crédit ou de fournir l’eau gratuitement à certains ? Quelle contrainte exercer sur ceux qui ne payent pas ? Si le paiement se fait « au seau », comment choisir un fontainier pour collecter les paiements ? Comment contrôler la régularité de son service ? Qui aura autorité pour l’entretien et le fonctionnement, sachant que les règles traditionnelles ne prévoient rien d’adapté (au Sahel, les puits traditionnels ne sont ni privés, ni publics, mais relèvent d’un droit singulier dans lequel le constructeur du puits bénéficie de certaines priorités) ?

Les acteurs de l’approvisionnement en eau
Tout projet d’accès à l’eau et à l’assainissement doit être fondé sur l’initiative et la responsabilité de la population elle-même, avec toutes ses composantes, en particulier les femmes.

Les acteurs sont nombreux : les collectivités locales, l’État, par-fois les opérateurs professionnels, les représentants de la société ci-vile, les comités de gestion, les pe-tits opérateurs privés, les bail-leurs de fonds, les ONG. Mais il y a quelques principes qu’on doit garder en tête : 
- Investir, c’est bien; entretenir c’est mieux.
- Le prix d’un branchement est souvent trop lourd pour le seul usager.
- La politique tarifaire doit tenir compte de la réalité concrète (vraie tranche sociale, tarification progressive, subventions indirectes ou croisées).
- Les décideurs doivent être proches des habitants.
- Gérer les clients, cela veut dire, entre autres, comprendre leur diversité et leurs besoins, mettre en place des services de recouvrement.

Et que dire de l’assainissement ?
Le mauvais approvisionnement en eau et l’absence de moyens d’hygiène expliquent les taux élevés de cas de maladies liées à l’eau telles que l’ascaridiase, le choléra, la diarrhée, la dysenterie, les infections oculaires… Environ trois millions d’Africains meurent chaque année d’une de ces maladies. Le risque de décès par diarrhée d’un nourrisson, en Afrique subsaharienne, est 500 fois plus élevé que dans un pays développé. La diarrhée peut conduire à une malnutrition grave, un phénomène qui contribue à la moitié de la mortalité des enfants de moins de cinq ans.

Quelle est la réalité d’un quotidien sans toilettes ?
En l’absence de toilettes, la manière traditionnelle de se soulager (en pleine nature, dans des sacs plastiques, à proximité d’habitations ou de points d’eau) engendre de graves risques sanitaires. Les excréments, qui sont des réservoirs à microbes, se retrouvent à la portée des adultes et des enfants, des animaux et des insectes, et contaminent les cours d’eau puisqu’ils ne sont pas stockés dans un endroit clos, ni évacués loin des lieux d’habitation pour être traités. Ces excréments sont dangereux : 1 gramme peut contenir jusqu’à 10 millions de virus, 1 million de bactéries, 1 000 kystes parasites et une centaine de larves. L’absence d’infrastructures d’assainissement entraîne leur dissémination dans l’environnement. Ainsi, ces microbes se propagent partout : pollution des eaux de surface, infiltration dans les sols, propagation par les mouches et par les personnes.

En Afrique, toutes les heures, 115 personnes meurent de maladies liées à un assainissement défectueux, aux problèmes d’hygiène ou à de l’eau contaminée.

Des situations concrètes
En milieu rural

Peu de personnes ont conscience qu’une défaillance en matière d’assainissement est source de nombreuses maladies. L’absence d’accès à l’assainissement est d’abord ressentie comme un problème nuisant à l’intimité plutôt qu’un problème sanitaire.Les individus peuvent être contraints de se lever à l’aube afin de trouver un endroit pour se soulager à l’abri des regards, parfois très éloigné, de traverser les champs, et les routes dans l’obscurité au risque d’être agressés ou attaqués par des animaux (morsures de reptiles par exemple), ou de se retenir parfois toute la journée pour attendre l’obscurité du soir, plus propice pour se cacher.

Dans les villes
Les structures d’assainissement sont très marginales. Traditionnellement, elles se résument à un système de fosse sans couvercle où chacun se soulage. Dans certains endroits, 150 personnes doi-vent partager une même latrine, ce qui ne permet ni de s’isoler ni d’assurer les conditions élémentaires de sécurité et d’hygiène. Les excrétas sont en contact avec les êtres humains par l’intermédiaire des mouches. Ces latrines sont souvent mal entretenues, et les fosses peu profondes débordent dès qu’il pleut. Lorsque la fosse est pleine, elle est vidangée. Les boues de vidange sont rejetées sans traitement dans des décharges publiques à l’intérieur des villes ou dans des lieux périphériques en plein air.

Que faire pour l’assainissement ?
Il s’agit de mettre des barrières entre les humains et les eaux usées afin de limiter les problèmes d’ordre sanitaire et d’améliorer les conditions d’hygiène des populations. L’assainissement domestique des eaux usées comprend 3 étapes :
* l’évacuation des eaux usées (des toilettes, cuisine, douches) ;
* leur acheminement par canalisations, jusqu’à un lieu de traitement ;
* le traitement de ces eaux avant le rejet dans le milieu naturel et l’élimination des boues produites lors de la clarification des eaux usées.

En plus des eaux usées, il y a le ramassage des déchets solides, la protection contre les déchets industriels.
La demande d’accès à l’assainissement est peu ou pas formulée par les communautés qui ne savent pas toujours où adresser leurs demandes. Même lorsque la demande est ressentie, elle n’est pas forcément exprimée ou maté-rialisée, notamment en raison des contraintes financières pesant sur les ménages. L’assainissement est important parce qu’il est à la base de toutes les questions de santé et de protection des ressources en eau.

Il y a un certain nombre d’investissements assez importants qu’il faut faire pour apporter un assainissement adéquat. Mais qui va s’en charger ? Le Ministère de la Santé, le Ministère de l’Eau, les communes, le Ministère de l’Environnement ? Parfois, il est très difficile de savoir qui doit prendre l’initiative dans la coordination des activités liées à l’environnement.
Un bon assainissement pour un bon développement

Il faut que les gens soient en bonne santé pour participer à la production d’un pays. Donc aujourd’hui, l’absence d’assainissement coûte très cher. Ça coûte cher d’abord en termes d’absentéisme sur le lieu du travail à cause des maladies. Ça coûte cher en termes d’enfants qui ne vont pas aller à l’école, ça coûte cher au niveau de la mortalité infantile qui touche également les fa-milles, ça coûte cher parce que les femmes doivent rester à s’occuper des enfants. L’absence d’assainissement a un coût énorme. Quand vous comptez déjà le palu, qui est une des principa-les sources de mortalité en Afrique, et que vous savez combien l’éradication du paludisme débute par un assainissement adéquat, vous voyez qu’un bon assainissement est un préalable pour pouvoir attaquer effectivement la question du développement économique.

Les défis
Les défis sont importants et difficiles à relever. Ce ne sont pas les congrès, conférences et séminaires, même s’ils sont utiles, qui règleront le problème. Il est nécessaire que des actions de nature politique, institutionnelle, technique, sociale, financière, soient mises en œuvre :
- En premier lieu, l’eau et les services essentiels doivent être mis en tête des priorités des décideurs.
- Ensuite, la gestion est à rationaliser en clarifiant les rôles des acteurs (services publics, sociétés privées…).
- La gestion de la clientèle et la tarification des services doivent être étudiées de près.
- Enfin, l’assainissement est à aborder sérieusement en liaison avec l’eau potable

Commencer la formation dès l’école
Chacun sait que l’utilisation de toilettes convenables et le lavage des mains - de préférence au savon - évitent que des bactéries, des virus et des parasites présents dans les déchets humains contaminent les ressources en eau, le sol et les aliments.

Dès l’école, là où elle existe, il faut apprendre aux enfants les règles élémentaires de l’hygiène et de la protection des réserves d’eau. Mais il faut pour cela qu’elle propose des toilettes privées et séparées pour les filles et les garçons, et qu’elle mette à leur disposition des installations d’hygiène des mains. Sans cela, les filles continueront de ne plus fréquenter l’école à l’âge de la puberté.

Voix d’Afrique
d’après des sources variées


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