Voix d'Afrique N°83.....

CLANDESTINS EN ALGÉRIE



Si, en Europe, des gens se mobilisent pour que les “sans-papiers” soient traités dignement, ailleurs aussi il y en a qui se soucient du sort des clandestins.

Le Frère Jan Heuft, en Algérie, est un de ceux-là.
 Père Blanc
Délégué diocésain à l’action pastorale et humanitaire
Président de Rencontre et Développement (CCSA)

Qui sont-ils ?
Il faut distinguer plusieurs groupes de migrants :
- les réfugiés subsahariens reconnus par le bureau du HCR et par le gouvernement algérien : une trentaine probablement.
- Les réfugiés subsahariens reconnus par le bureau du HCR et non par le gouvernement algérien : une centaine.
- Les demandeurs d’asile subsahariens au bureau du HCR, cinq à huit cents probablement.
- Les migrants subsahariens avec des faux passeports maliens, nigériens ou autres : un millier environ.
- Les migrants subsahariens sans aucun papier : quatre à cinq mille autour d’Alger ; trois mille environ autour de Tamanrasset ; près de deux mille à Djanet ; cinq à huit cents près d’Oran/Magnia selon les interventions des forces de l’ordre et les refoulements du Maroc.
- Les Algériens : haragas qui tentent, par la voie maritime, de rejoindre l’Europe à partir des régions d’Annaba et d’Oran. Parfois une trentaine par jour.
- Les Algériens refoulés ou expulsés, ou parfois revenus volontairement pour ne pas brûler “ l’avenir “. Ils seraient une dizaine par an.

D’où viennent-ils ?
Beaucoup de Congolais (RDC), beaucoup de Camerounais, beaucoup de Libériens ; un groupe important d’Ivoiriens ; des Nigériens ; des Nigérians ; des Congolais (Brazzaville) ; des Tchadiens ; des Maliens...

Quelles sont notre motivation et notre approche ?
Outre le fait qu’une très grosse majorité de ces subsahariens est chrétienne, la détresse de ces gens est telle que, chrétiens, musulmans ou autres, notre devoir est de leur venir en aide. La fermeture de l’espace Schengen et les contrôles de plus en plus sévères et efficaces à la frontière, au Nord du Maghreb, font que cette population se trouve bloquée et vit dans une situation d’impasse. La nouvelle loi algérienne de juillet 2008 a permis un cadre légal de répression de la migration clandestine aussi bien subsaharienne qu’algérienne. C’est ainsi que des réfugiés subsahariens, qu’ils aient une attestation du HCR ou non, sont arrêtés et reconduits à la frontière, tandis que des Algériens haragas sont condamnés à des peines de prison après avoir été sauvés in extremis d’une noyade dans la mer méditerranée.

Tout cela rend notre action auprès des migrants subsahariens délicate et difficile, mais, dans le même temps, nous motive davan-tage, car la détresse de ces popu-lations est de plus en plus grande. L’arrestation d’un prêtre et d‘un médecin algérien voulant leur rendre visite, met en évidence la précarité de notre engagement. Nous nous sentons de plus en plus tirés vers la “ ligne de fracture “ où les droits de l’homme sont en jeu !

En huit mois de cette année 2008, nous avons enterré 9 personnes dont 6 femmes et un bébé. Beaucoup souffrent de maladies liées à l’infection du Sida. Ils sont bien pris en charge par les hôpitaux publics et privés, mais il n’est pas rare que des difficultés administratives et policières apparaissent. Alors nous passons de longues heures dans les différents bureaux de l’administration.
Par contre nous vivons assez souvent des moments de forte solidarité avec des Algériens dans la prise en charge des subsahariens en extrême détresse, pour cause de maladies ou de décès.

Quelques exemples
En 2007 nous avons pu aider 127 subsahariens à retourner dans leurs pays d’origine grâce à un relais de prise en charge par voie terrestre : Alger, Ghardaïa, Tamanrasset, Adrar, Gao, Bamako, Arlit, Niamey, Cotonou, Kinshasa (nonciature), Douala (Caritas).
Sept anciens migrants ont pu bénéficier d’une subvention de 3000   pour la réalisation d’un projet d’intégration et de développement.

Durant l’année scolaire passée, 40 enfants subsahariens ont été scolarisés dans des établissements privés agrées par l’état (aide fi-nancière du Secours Catholique Paris et CCFD). Cela a permis de les intégrer davantage dans la société algérienne, de leur assurer une nourriture convenable et de les faire sortir de leurs maisons de tôles ou de “ carton “, ou des carcasses de maisons en constructions. Le droit au logement et au travail forme le plus grand problème pour ces personnes en route vers un avenir meilleur. Par contre quelques micro-projets de couture ou autres se réalisent en grande précarité !

Plus de 20 personnes adultes viennent chaque jour à notre permanence pour des soins médicaux ou des entretiens. Deux infirmières reçoivent les malades et les suivent dans des hôpitaux. A Tamanrasset, une religieuse infirmière les suit également.

Pour ce qui est des anciens migrants algériens, revenus volontairement ou refoulés d’Europe, nous avons pu en assister une dizaine durant les années 2006/2007 en plus de deux ou trois SDF refoulés dans une période précédente et fortement déséquilibrés mentalement.

Nous ne mélangeons pas action humanitaire et religion, mais les maladies, les funérailles, parfois les naissances et les baptêmes, sont des moments forts de prière, de solidarité qui nous rapprochent et nous unissent en Dieu. Il s’y ajoute, enfin, les visites en prison.

Alger, le 7 novembre 2008.

Frère Jan Heuft
Père Blanc
Délégué diocésain à l’action pastorale et humanitaire
Président de Rencontre et Développement (CCSA)


.............. Suite