Voix d'Afrique N°54
Burkina Faso
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Le Père Jean CAUVIN
Missionnaire d'Afrique.
Dans le précédent numéro,
le Père Jean Cauvin décrivait la création du
Centre de formation "Mater Christi". Nous poursuivons
ici son interview sur la vie religieuse en Afrique de l'Ouest
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Père Cauvin, vous êtes
responsable de la formation " Mater Christi ". De quoi s'agit-il
?
La formation Mater Christi a
été conçue au départ - et elle le reste -
comme une aide aux congrégations religieuses pour former des formateurs.
Dans le contexte actuel, les congrégations ne peuvent pas former
seules leurs formateurs, et spécialement en Afrique, la jeunesse
de la vie religieuse demande un effort spécial de réflexion
et d'incarnation.
Selon la pratique ancienne et les recommandations
de l'Eglise, la formation dépend de chaque congrégation.
Comment vous situez-vous ?
Nous n'intervenons pas dans
ce qui est spécifique à chaque congrégation. Je disais
dans un précédent article (Voix d'Afrique
n°53) que la richesse de l'évangile diversement mis en
pratique par les congrégations était le point de départ
de la formation Mater Christ. Il ne s'agit pas d'entrer en concurrence
ou de se comparer, mais de s'entraîner mutuellement. Pour nous,
la question concrète était : quel est le point commun qui
permet de former des personnes de divers horizons spirituels et religieux
? Il fut vite évident que la vie commune devait être la base
de notre formation.
Groupe de stagiaires
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Est-ce votre conception ou celle des congrégations
?
En 1988, les évêques
et les supérieurs religieux souhaitaient qu'un centre de formation
des maîtres et maîtresses de novices soit créé
en Afrique de l'Ouest. Avant de commencer, nous avons mené en 1989
une enquête très poussée auprès des évêques,
auprès de nombreux supérieurs religieux et des formateurs
. Lors des premières décisions prises en janvier 1980, les
supérieurs majeurs d'Afrique Occidentale nous confirmèrent
dans cette orientation : tous les aspects de la vie consacrée du
Christ mènent à l'unité et à la charité.
Ils peuvent donc être mis en uvre à partir de la vie
commune. Et c'est la base sur laquelle s'appuient nos formations à
Mater Christi.
Comment cela a-t-il commencé?
Un stage de trois mois fut réalisé
dans un Centre de sessions du Burkina Faso. La vie commune concernait aussi
bien les animateurs que les stagiaires . Tous sont religieux et sont soumis
à l'Evangile. Ils vivent ainsi, chacun selon sa place, ce qui est
demandé dans un noviciat où novices et responsables vivent
la même vie évangélique selon les coutumes de la congrégation.
Ce stage a été suivi de cinq au-tres pour trente stagiaires.
Selon les disponibilités des centres d'accueil, ils ont duré
de trois à quatre mois : une deuxième fois au Burkina Faso,
quatre fois en Côte d'Ivoire.
Nous insistons beaucoup sur les aspects
qui ne sont pas scolaires
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La chapelle du centre
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Comment élaborez-vous la pédagogie à
partir de la vie commune ?
S'appuyer sur le charisme commun
de toute vie religieuse (la configuration au Christ) et mettre en évidence
la spécificité du charisme de chaque congrégation,
voilà ce qu'il convenait de mettre en uvre pour une formation
adaptée.
Nous concevons cette formation, non pas comme un enseignement fait d'apports
théoriques, mais comme une vie à partir de laquelle s'élabore
une réflexion, une relecture. Cela ne veut pas dire de renoncer aux
apports théoriques (il en faut), mais de centrer la formation sur
le vécu, vécu de l'expérience acquise antérieurement
par les formateurs et vécu de l'expérience en cours : la vie
commune sérieusement menée durant le stage.
Nous disions justement que la vie commune est une richesse existant dans
toutes les congrégations et un témoignage visible de la
présence du Royaume de Dieu : de même que le lion et la biche
vivent ensemble (signe du Royaume dans Isaïe), des personnes très
diverses humainement mènent une vraie vie commune au nom du Christ.
Cela ne pose-t-il pas question dans l'Afrique actuelle ?
C'est un défi lancé
à toutes les congrégations, et à nous aussi. Nous
voyons l'Afrique divisée, déchirée sur le plan humain
; c'est là justement que la vie consacrée a quelque chose
à dire au nom de Jésus Christ. Si nous n'arrivons pas à
vivre ensemble lors de la formation et aussi plus tard, la vie consacrée
n'a rien à apporter à l'Afrique. C'est à partir de
cette zone sensible de la vie ensemble que nous pouvons relire si nous
sommes fidèles à l'esprit de l'Evangile : pauvreté,
chasteté, obéissance, don de soi, relation au Père.
Cette relecture est possible si l'équipe animatrice (de 4 à
6 membres) sait aider les personnes et les équipes de vie dans
leur cheminement. Pour cela, nous insistons beaucoup sur des aspects qui
ne sont pas " scolaires " ou apprenables par des livres ou par
des cours : accompagnement spirituel, liturgie, délicatesse fraternelle,
vie d'équipe, récollection et retraite etc
Se donner
pleinement à cette vie commune et à sa relecture est un
excellent moyen de formation pour les formateurs qui se trouveront plus
tard dans des situations semblables dans leurs noviciats.
En effet, le formateur est quelqu'un qui vit une bonne relation au Christ,
dans le cadre de sa congrégation. Notre stage veut l'aider à
renouveler cette vie personnelle. Mais le formateur est aussi capable
de transmettre à un jeune frère, à une jeunes sur,
ce qu'il vit en profondeur. Tous nos stages sont organisés dans
ce but.
Jean Cauvin et l'équipe d'animation
reçoivent
Mgr Anselme Sanon, évêque de Bobo-Dioulasso
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Vous avez animé 6 stages ; à combien de personnes ?
Ces stages ont touché
171 responsables de noviciats. Et nous allons continuer d'une manière
plus systématique : au lieu de chercher continuellement des centres
disponibles, nous venons d'en construire un, spécialement conçu
pour le genre de vie que nous voulons mener ; désormais, les stages
dureront neuf mois.
Mais nous touchons beaucoup plus de religieux et de religieuses
: sans doute 3000 depuis notre début. Pour prolonger la formation
au noviciat, nous avons été amenés à créer
des cycles de sessions plus courtes ; pour les jeunes religieux et religieuses,
pour leurs responsables et les responsables de communauté. Nous
venons de mettre en place un cycle de formation continue pour tous, et
nous allons lancer une formation à l'accompagnement.
Tout cela est possible grâce à notre centre qui commence
à Bobo-Dioulasso (Burkina-Faso), mais aussi grâce à
l'activité des équipes nationales. En effet, dans chaque
pays, nous avons des équipes-relais qui assurent les formations
brèves (une semaine) pour les jeunes religieux, pour les responsables
etc
Notre rôle est aussi de soutenir et de former ces formateurs
nationaux.
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C'est donc toute une organisation ?
Oui ! Au commencement, les supérieurs nous ont
confié cette mission avec la recommandation d'être léger,
de voir quels étaient les besoins et nos capacités et d'y
répondre avec les forces présentes en Afrique de l'Ouest
; peu à peu, nous nous sommes étoffés, nous avons
répondu aux demandes.
Cela a été possible grâce à la collaboration
de tous : pour les finances, pour le personnel, mais aussi pour les échanges
d'idées, l'amitié et la confiance que nous avons appris
à partager. Mater Christi forme, par-delà les congrégations,
une grande famille à laquelle tous sont heureux d'appartenir.
Mais derrière tout cela, il y avait quelqu'un qui voulait que ce
Centre et cette formation progressent : Marie, Mère du Christ,
" Mater Christi ", elle qui a formé le premier novice
chrétien, Jésus. Qu'elle nous aide à former aussi
bien qu'elle les novices qui nous sont confiés.
Père Jean Cauvin,
Missionnaire d'Afrique
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