Voix d'Afrique N°53
Burkina Faso
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Le Père Jean CAUVIN est missionnaire d'Afrique.
Après huit ans en paroisse au Mali,
il a enseigné 15 ans à l'Institut Catholique d'Afrique
de l'Ouest à Abidjan.
Depuis 1988, il est en charge de la formation
des formateurs religieux.
Cette activité se fait à partir d'un Centre qui vient
d'être
construit à Bobo-Dioulasso (Burkina Faso)
et s'étend sur une bonne partie de l'Afrique francophone.
Le Père Cauvin nous dit ici comment il se situe
comme responsable de cette formation inter-congrégation
,mise sous le patronage de Marie, Mater Christi.
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" L'abeille qui butine des fleurs différentes
fait du bon miel ".
Quand j'ai quitté l'Institut Catholique de l'Afrique de l'Ouest
d'Abidjan, en 1988, je pensais avoir rendu un service aux autres, religieux,
religieuses et laïcs, qui venaient y recevoir une formation théologique
et catéchétique. J'avais réalisé ainsi ce
qui est bien un aspect de la vocation des Missionnaires d'Afrique : aider
les autres, spécialement les membres des Eglises d'Afrique, à
acquérir compétence et autonomie. J'étais Père
Blanc, j'avais rendu un service en tant que Père Blanc, et cela
me suffisait. Je ne m'étais pas spécialement intéressé
à la manière de cheminer des autres.
"Près de la rivière,
les biches se rassemblent et se connaissent".
Nommé en 1988 pour lancer la formation (puis le Centre) Mater Christi,
je comprenais que ma manière (celle des Pères Blancs) de
vivre la consécration au Christ et la mission ne devait pas être
proposée telle quelle aux autres : tous ne sont pas ignatiens,
tous ne vivent pas la pauvreté et l'obéissance de la même
manière
Peu à peu, je découvrais que la diversité des congrégations
religieuses reflétait différentes manières de vivre
l'Evangile, toutes aussi valables les unes que les autres : c'est le même
Christ que chacun cherche à suivre et imiter : plus le Christ priant
pour certains, plus le Christ enseignant pour d'autres, plus soignant,
plus évangélisant, plus engagé dans le développement
et la promotion humaine, etc
Une même consécration
fondamentale, et une grande diversité dans la réalisation,
marquée par le charisme d'un fondateur , d'une fondatrice, et l'histoire
commune des disciples, à travers des situations concrètes.
"En courant ensemble, les
biches s'entraînent à aller plus vite".
Peu
à peu, ce que je savais théoriquement (les congrégations
sont différentes) se muait pour moi en admiration : en relation
étroite et vécue avec des religieux et des religieuses de
plus de 300 congrégations (nos stages réunissent en vie
commune 30 ou 35 personnes, religieux ou religieuses, pour des sessions
de 4 mois), je découvrais la fidélité de chacun et
la richesse des charismes. Non pas jusqu'à vouloir en imiter certains
(je suis Père Blanc et toujours heureux de l'être) mais jusqu'à
penser ceci en profondeur : cette richesse de l'évangile différemment
vécu doit être pour moi la base d'un ressourcement personnel
et continuel et peut être le point de départ d'une formation
religieuse.
Par exemple, si un autre vit la pauvreté différemment de
moi en demandant l'autorisation pour se procurer un objet qui lui est
nécessaire, cela ne remet pas en cause mon agir Père Blanc
où nous sommes laissés à notre propre jugement dans
ces cas.
Mais cela m'interpelle : "Est-ce que je ne m'accorde pas une trop
grande liberté
qui altère ma configuration au Christ" ? De même, pour
l'adoration du St. Sacrement exposé : certaines congrégations
ont un temps obligatoire chaque jour pour cela, nous non ; nous avons
d'autres voies pour renouveler notre adoration et notre attachement au
Christ et à l'Eucharistie.
Mais n'ai-je pas une attitude trop désinvolte par rapport à
l'Eucharistie ? Ces découvertes que je vivais pouvaient être
proposées aux formateurs en formation : connaître ce que
d'autres vivent en profondeur, l'admirer, le partager, se laisser interpeller.
Le groupe de futurs formateurs en formation
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"La biche et le lion vivent ensemble".
Un point m'est apparu important, celui de la vie commune.
Chez les religieux, au sens du droit de l'église (" Droit
Canon"), la vie commune est une modalité nécessaire
de la consécration. Les Pères Blancs, bien que n'étant
pas religieux au sens strictement juridique - puisque nous sommes classés
parmi les "Sociétés de Vie Apostolique" - ont
toujours maintenu la vie commune
comme une richesse. Notre fondateur envisageait cette richesse surtout
comme un soutien mutuel : dans cette immense Afrique encore inconnue où
les missionnaires vivaient loin de leur culture d'origine, ils ne devaient
pas être des "Robinsons", mais vivre étroitement
unis pour tenir le coup ; en pratique, cela a été la raison
des communautés de trois missionnaires, typiques des Pères
Blancs. Actuellement, le mode de vie des religieux (au sens juridique)
fait comprendre que cette richesse du soutien mutuel doit être doublée
de la richesse d'une vie partagée en profondeur où les différences
entre individus sont transcendées par la charité fraternelle
et qui devient signe de la présence du Christ.
Cette vie commune doit être proposée aux personnes venant
à Mater Christi pour se former comme formateurs : c'est la base
de la formation ; la leur durant notre stage, celle de leurs novices et
aspirants plus tard. En formant ensemble la figure du Christ, des personnes
différentes, des personnes que le tempérament, l'histoire,
la culture, l'éducation pousseraient à s'opposer ou à
se séparer, ces personnes "apprennent" le Christ en
qui il n'y a plus "ni juifs, ni grecs
" En reconnaissant
leurs différences et leurs oppositions, en se mettant
à l'école de l'évangile sous la lumière de
la grâce pour vivre en communauté, chacun progresse et
tous forment ensemble la présence de l'unique Jésus Christ
sur terre : c'est le témoignage que doit donner
la vie consacrée, spécialement dans
l' Afrique d'aujourd'hui.
N'est-ce pas là le sens de la prophétie
d'Isaïe :
"le loup et l'agneau vivent ensemble, la biche
et le lion paissent côte à côte
"(Isaïe
5 :17
)
Carte du Burkina Faso. Bobo-Dioulasso
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Dans un autre
numéro, Jean Cauvin répond à nos questions sur
la vie religieuse africaine.
Formation
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La chapelle du centre
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