Voix d'Afrique N°88
Témoignage


CAMPS BIBLIQUES DE JEUNES
À BAMAKO

Nous voudrions ici faire écho de l’expérience modeste et enthousiasmante des camps bibliques organisés depuis deux ans pour la jeunesse du diocèse par la Commission biblique diocésaine de Bamako.



Des jeunes enthousiasmés par la Parole de Dieu

Des camps d’une semaine

Lorsque nous avons présenté le projet de camps bibliques à Mgr Zerbo, Archevêque de Bamako, lui-même bibliste, il nous a demandé de les organiser en modules d’une semaine. « Je veux que nos jeunes vivent une expérience communautaire et humaine riche, autour de la Parole de Dieu ». L’idée était de permettre que des liens amicaux et fraternels se tissent et que se vive une vraie expérience d’Église. Ces camps soudent entre eux les jeunes chrétiens qui restent très minoritaires dans leur société largement islamisée.

La pédagogie du « grin » malien

Dès le début, nous avions l’idée que nos camps bibliques ne devaient pas fonctionner comme une monotone suite de conférences, mais qu’il fallait penser à une pédagogie interactive et participative. Il fallait permettre aux jeunes de s’emparer de la Parole, de la travailler par eux-mêmes. Partout au Mali, les jeunes se retrouvent ensemble, dans des groupes d’amis (‘grin’), entre 5 et 20 personnes, pour discuter et boire du thé. Ils préfèrent ces rencontres à toute autre activité. C’est vraiment une caractéristique de la société malienne actuelle, particulièrement dans les villes.

Nos camps bibliques essayent de reconstituer des ‘grin ‘ comme méthode de travail. Pendant toute la durée du camp, les jeunes prient dans leur ‘grin’, mangent ensemble, préparent et animent ensemble les liturgies ; surtout, ensemble, ils étudient la Parole de Dieu. Ce ‘grin’ devient comme la communauté ecclésiale de base de référence pour la durée du camp.

Un Évangile par camp

Plutôt que d’aborder des thèmes bibliques, Mrg Zerbo a demandé que l’on prenne un livre. « Je veux que ces jeunes repartent du camp en disant : « Nous avons lu saint Jean ou saint Luc en entier », dit-il. Le camp se donne donc comme objectif de faire, en une semaine, le tour d’un Évangile. Le texte est divisé en sections, et chaque jour nous lisons la section correspondante en grande assemblée, sans la commenter, comme une proclamation de la Parole. Ces temps d’écoute de la Parole deviennent au fil des jours des temps forts de la journée, sortes de grands moments liturgiques communautaires.


Groupe de travail

Travailler en groupe et présenter
à l’assemblée générale son travail

La journée débute, avant le petit-déjeuner, par un temps de ‘Lectio Divina’ : l’idée est évidemment d’apprendre à prier un texte biblique, selon une méthode simplifiée, et de faire passer la Parole de la tête au cœur ; ça dure 30 à 45 minutes. Après le petit-déjeuner, tout le monde se retrouve dans la grande salle (les jeunes sont au nombre de 75) ; l’un des membres du staff fait une introduction d’environ 25 minutes pour situer le thème du jour et préparer les jeunes à ce qu’ils vont entendre. Vient alors le temps de la lecture publique : les jeunes lisent à tour de rôle, par petites sections, le texte du jour.

Sans commentaire

Commence alors le temps du carrefour, qui se terminera vers 16 h 30, pour faire une restitution en assemblée générale, le soir. Chaque jour, l’après-midi se conclut par la messe préparée par un groupe.

Des questions ciblées

Pour que l’expérience réussisse, il faut, bien sûr, préparer avec soin les questions que l’on pose. Chaque groupe reçoit, sur une feuille, le passage qu’il va étudier, suivi d’une petite batterie de huit ou dix questions. Le tout sera partagé en assemblée générale, le soir.

Une extraordinaire expérience pastorale

Nous avons commencé le premier camp en tremblant, nous demandant si les jeunes allaient répondre présent à cette nouvelle proposition, s’ils allaient « mordre » à cette formule au final assez exigeante, s’ils allaient entrer dans cette proposition pastorale. La réponse à ces questions n’a pas fini de nous surprendre : les jeunes se sont inscrits massivement aux camps ; pour le dernier en date, nous avons accepté 75 jeunes et dû en refuser 45, à notre grand regret, faute de place. Au fil des jours, une ambiance fraternelle, d’une étonnante qualité, grandissait entre les jeunes, en même temps que se développait leur acuité à comprendre la Parole.


Le Père Laurent Balas et un formateur

Le camp a lieu à l’extérieur de Bamako, dans un centre de formation des catéchistes, sans réseau téléphonique ni courant électrique. Les distractions sont peu nombreuses, et l’expérience communautaire plus intense. Le plus souvent, le soir, après les activités, vers 23 heures, il nous faut intervenir pour que les participants arrêtent les discussions bibliques, les préparations de panneaux de présentation. Chaque soir, vers 20 heures, on commence les activités nocturnes par un concours biblique par équipe. L’un des jeunes lauréats du concours, un rappeur qui n’avait rien d’un exégète, en recevant son prix le dernier jour – une Bible, bien sûr -, a dit en la brandissant : « J’ai compris que ce livre n’est pas un livre comme les autres, c’est une Personne : c’est Jésus-Christ ! ».

Une équipe didactique
pour pérenniser l’expérience

Un camp biblique demande beaucoup de travail de préparation ; il demande aussi une vraie équipe d’encadrement. La nôtre se composait de 4 séminaristes, deux catéchistes permanents, trois religieuses et quatre prêtres. On pourrait bien sûr le réussir avec un encadrement moins nombreux, mais l’idée est aussi de former, chez les cadres, des gens qui demain pourront prendre la relève.

Dans un monde urbain assez pauvre, une condition pour la réussite du projet était de rendre le prix attractif. Le diocèse a choisi de subventionner fortement les camps (via Misereor). Des jeunes des 10 paroisses du diocèse ont été invités à y participer. Les prochains camps s’intéresseront aux évangiles de Matthieu et de Marc ; puis nous entrerons chez Paul, les Prophètes. Le camp se déroule en français et s’adresse à des jeunes de terminale ou universitaires, ce qui permet quand même d’aller assez loin dans l’étude.

Je crois que j’ai vécu dans ces camps la plus belle expérience pastorale de ma jeune vie de prêtre. Je reste étonné de cet appétit des jeunes pour la Parole. Je suis fasciné aussi par l’intelligence intérieure qu’ont ces jeunes d’une Parole qui nous déconcerte si souvent. Peut-être est-ce dû au fait que la culture traditionnelle du monde biblique est souvent voisine des milieux culturels traditionnels africains ? Ou est-ce dû au sens religieux profond qui habite ce continent ? Ou, tout simplement, est-ce le signe que l’Esprit est à l’œuvre dans cette Parole de Vie ?

Laurent Balas
M. Afr.

Voir sur le même sujet


.............. Suite