"Stone-Town", Ville de Zanzibar vue d'avion. |
Dans le dernier numéro, nous avons découvert le cheminement missionnaire du Père Etienne ; La découverte continue : après la Tunisie, le Yémen et Rome, il va à la rencontre du monde musulman à Zanzibar. |
Le Père
Etienne vient d'être rappelé au Seigneur le 20 Juin 2013
Zanzibar
est une des deux îles de l'archipel de l'Océan Indien, à quelques
encablures de Dar-es-Salaam, le grand port de Tanzanie.. L'autre île - Pemba
- fera l'objet d'un troisième article, car c'est là que je dois
résider.. La ville principale est appelée "stone-town",
la ville de pierre : Zanzibar témoigne d'une histoire extrêmement
riche : jusqu'à l'aube du XXème siècle, elle fut ;le principal
pôle de développement de toute la côte Est de l'Afrique. L'évêque de Zanzibar m'a nommé à la commission pour le dialogue inter-religieux : je fus donc appelé à venir faire quelques séjours à Zanzibar pour prendre contact avec les divers groupes religieux. J'ai été frappé par la mosaïque de communautés, résultat de tous les échanges à travers l'Océan Indien au cours des siècles ; je ne m'arrêterai pas sur la communauté hindoue, présence discrète notée par l'un ou l'autre temple et les décorations murales chez certains commerçants. Je voudrais faire un tour de la communauté musulmane, très diversifiée. Moi qui avais enseigné au PISAI (Institut Pontifical pour l'étude du monde musulman et de l'Islam, voir dernier n°) les diverses branches de l'islam, je me trouvais devant un livre vivant, sorte de microcosme du monde musulman. Grâce
à de nombreux contacts avec l'Inde, on rencontre ici toutes les nuances
du chi'isme, qui représente 10% de l'Islam. Les chi'ites professent que
la communauté islamique doit être dirigée par un membre de
la descendance du Prophète. Ce sont d'abord les Ismaéliens, disciples
de l4aga Khan, très engagés dans le développement et les
projets culturels : leurs pratiques religieuses restent très largement
secrètes , les Bohoras pour lesquels le commerce fait partie intégrante
de la religion ; plusieurs de leurs grands centres de pèlerinage se trouve
être dans les montagnes yéménites, et le fait que je connaissais
tous ces hauts-lieux m'a introduit dans plus d'une arrière boutique, sous
l'incontournable photo du chef spirituel de la communauté. Enfin et surtout
les duodécimains, ainsi nommés car ils suivent une chaîne
de douze imams, le douzième ayant disparu et devant revenir à la
fin des temps ; leurs allégeances sont essentiellement en Iran, où
le chi'isme est la religion officielle. J'ai eu la chance d'être invité
à participer à leur fête principale, la achoura au cours de
laquelle une procession de flagellants commémore la passion de Hussain,
le troisième imam, mort en héros à Kerbela en Irak. Zanzibar, à quelques encablures de Dar-es-Salaam. |
On
trouve même la présence d'un groupe très minoritaire, les
Kharijites, à peu près 1% des musulmans du monde, que l'on appelle
Ibadites. Il faut savoir que Zanzibar a été pendant un siècle
sous la coupe du sultanat d'Oman, où se trouvait précisément
le siège historique des Ibadites (que l'on trouve aussi à Ghardaïa,
dans le sud algérien) ; c'est un Islam assez puritain, et en même
temps démocratique : pour eux, le chef spirituel devrait être le
meilleur musulman " fût-il un esclave abyssin ". J'ai eu des échanges
très animés avec plusieurs de leurs représentants, dont le
propriétaire de la principale librairie islamique. Mais
comme partout dans le monde musulman, les Sunnites sont le grosse majorité,
soir près de 90%. Cependant, là aussi, on ne pourrait pas parler
d'un bloc monolithique. Il serait facile de distinguer l'islam populaire, qui
véhicule beaucoup de pratiques traditionnelles liées à la
culture africaine où la magie tient une bonne part. Mais pour bien connaître
ce milieu, il faudrait une longue fréquentation, et de plus ma pauvre connaissance
du Kiswahili (langue officielle en Tanzanie) ne me permettait pas des échanges
très profonds. Il y a aussi bien sûr l'Islam officiel, celui du grand
mufti et des autorités nommées par l'Etat. Je n'ai pas vraiment
pris la peine de les contacter, n'ayant pas une grande attirance pour les réponses
télécommandées. En revanche, j'ai trouvé un grand
intérêt à rencontrer les cheikhs de diverses confréries.
Il faut dire que, comme dans beaucoup d'autres régions, les confréries
ont joué un grand rôle dans l'islamisation en profondeur de l'île
de Zanzibar. Elles regroupent des gens qui ne se contentent pas des cinq courtes
prières quotidiennes, mais aiment à se rassembler en cercle autour
d'un cheikh pour des séances de dhikr où l'on récite un certain
nombre de prières propres à la confrérie, et surtout où
l'on évoque le présence de Dieu par la répétition,
rythmée sur la respiration, de certains de " Ses plus beaux Noms "
(c'est le sens précis du mot dhikr). Toutes les grandes familles de confréries
sont présentes à Zanzibar ; il serait fastidieux de les décrire
toutes, mais je voudrais mentionner particulièrement la Shadhiliyya, car
elle évoque pour moi des souvenirs personnels. Zanzibar: Villas en bord de mer. |
J'ai
eu la chance, au terme d'un fil d'Ariane d'informateurs à informateurs
à travers les dédales de la ville, de faire connaissance du cheikh
de cette confrérie, nommé Moussa (" Moïse "), un
homme d'une soixantaine d'années originaire des Comores comme beaucoup
de membres de son groupe. Il m'a reçu avec la plus grande gentillesse et,
très vite,nous sommes devenus amis. A chaque passage, je prenais plaisir
à ller le voir. Il aimait essayer de parler arabe, ce qui pour moi était
plus facile. Et chaque fois, c'était l'occasion d'un véritable partage
spirituel. Bien sûr, étant donné que j'avais lu le Coran,
il ne comprenait pas très bien pourquoi je n'étais pas encore musulman
; mais c'était avec beaucoup d'hmour et un délicieux sourire et,
l'un comme l'autre, nous sentions que nos différences n'étaient
pas vraiment un obstacle, mais plutôt une hymne à la grandeur de
Dieu qui est décidément " plus grand que notre cur "
(1ère lettre de Jean ch.3 v.20). Et voilà qu'au cours d'un de mes
derniers passages à Zanzibar, je suis venu comme à l'accoutumée
lui rendre visite : j'ai noté un attroupement autour de sa maison ; m'étant
approché, j'ai appris qu'il était décédé une
heure auparavant ; les membres de la confrérie m'ont fait entrer pour partager
les prières récitées autour de sa dépouille et, à
ce moment précis, j'ai compris un peu mieuxqu
' "il y a beaucoup de demeures dans la maison du Père " (Jean
14 :2) Etienne
Renaud. L'Archipel de Zanzibar, dans l'océan Indien, proche de la Tanzanie est formé de 2 îles principales: Zanzibar et Pemba. la présence des Arabes date du VIII siècle. 2400 km2; 600.000 hab, de majorité musulmane. Après son indépendance en 1964, elle forme avec le territoire du Tanganyika la Fédération de Tanzanie |
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