Voix d'Afrique N°72.....

Une fois n'est pas coutume. Notre revue ne comporte pas de rubrique régulière de cinéma. Mais lorsque l'Afrique nous donne un chef d'oeuvre, nous aurions mauvaise grâce à ne pas le faire connaître, d'autant plus qu'il a été couronné par un Oscar du meilleur film étranger en 2006.

"Mon nom est Tsotsi" nous invite au voyage en Afrique du Sud, non pas un voyage touristique, mais une véritable plongée dans l'univers dramatique de Johannesburg des années cinquante. C'est l'univers d'un gamin qui fuit loin de chez lui. Il oublie jusqu'à son nom et arrive dans la mégapole pour y découvrir un monde de pauvreté et de violence. Le nom de 'Tsotsi' décrit le gamin des rues, le voyou, la graine de truand, de bandit, de hors la loi. L'histoire est simple et banale : Tsotsi est pris dans l'engrenage du crime. Son cheminement, c'est la trame du film, l'amène à une découverte de lui-même et à la rédemption.

C'est un monde fait de cahutes mal agencées, de rues sordides poussiéreuses ou boueuses, au gré des pluies et des canicules, un monde d'enfants dépenaillés courant au milieu de chiens faméliques et de vieilles guimbardes, de foules qui se bousculent dans les trains de banlieue au milieu des mendiants, un monde de tripots sordides, avec au loin, très loin, un horizon fait de gratte-ciel, constructions d'orgueil et d'oppression. Tsotsi trouve refuge dans quelques buses de béton abandonnées au bord d'un chantier.

De chapardages en vols, de bagarres en meurtres, c'est la descente aux enfers jusqu'à la rencontre avec l'enfant, et la femme, nourrice d'occasion. Toute l'aventure est décrite avec une extrême sobriété. La violence inévitable est brutale, mais réduite au minimum, car tout se passe sur les visages, les regards éclairés par une bougie qui pleure sur un tabouret.

La parole est rare, remplacée par une sorte d'onde invisible entre la fille et un garçon. Entre les disputes d'ivrognes et le cri du bébé, la musique porte le drame au rythme des tambours. Les visages ne sont pas fardés, les coiffures sont peu soignées, les vêtements sordides.

Et pourtant, ce n'est pas un film noir, tant sont discrètes les touches de réalisme. Aucune emphase, la vie de tous les jours suffit à exprimer le drame.


La fuite de Tsotsi le conduit inévitablement à son arrestation. Une loi intérieure le conduit à trouver enfin la paix. Sur l'ordre du policier, un des rares blancs du film, Tsotsi lève lentement les bras. C'est plus qu'un geste de reddition ; c'est comme une bénédiction solennelle, une offrande de soi, une action de grâce, une espérance, une résurrection.

Gérard Guirauden
Missionnaire d'Afrique


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