Voix d'Afrique N°50
République Démocratique Du CONGO



Le 14 sept 2000, lors du retour de
Mgr Katalikodans son diocèse

Mgr Emmanuel Kataliko

"Un combattant au service
de la Justice et de la Paix
"

orsque, le 18 mai 1997, Mgr Emmanuel Kataliko est installé comme archevêque de Bukavu, il vient de passer 31 ans comme évêque du diocèse de Butembo-Beni. C'est un évêque de 65 ans que le pape a nommé pour "consoler le peuple de Dieu de Bukavu de la dure épreuve survenue depuis l'assassinat du Père évêque Christophe Munzihirwa, martyr de la paix ", assassiné le 29 octobre 1996.

Ce n'est pas un inconnu. Au sein de la Conférence des évêques, il
est président de la commission "Justice et Paix". On connaît son courage et son franc parler, et on sait tout ce qu'il a réalisé dans son diocèse d'origine pour le développement, la promotion humaine et spirituelle, et comment il a lutté pour que les petits paysans puissent écouler leurs productions…

À la fin de son mot d'accueil, l'Administrateur diocésain, Mgr F-X Mitima, lui dira : "Vous arrivez à Bukavu au moment où de graves défis se dressent sur le chemin de votre activité apostolique…Votre évangélisation visera à toucher les cœurs, pour que finissent le tribalisme, l'ethnocentrisme, l'égocentrisme et les discriminations, afin que règne l'esprit de réconciliation, de respect mutuel, d'entraide et de fraternité".

Mgr Kataliko va très rapidement gagner non seulement le respect, mais aussi l'attachement et l'affection de tous ses diocésains. Les 3 années de son ministère à Bukavu vont se passer dans la tourmente. Il ne ménagera ni sa peine ni sa santé pour soutenir le moral de la population et rappeler aux responsables militaires et politiques, les exigences du droit et de la justice.

Au début du mois d'août 1998, une nouvelle guerre se déclenche en République Démocratique du Congo. Les militaires du Rwanda et de l'Ouganda prennent les villes de l'est du Congo : Bukavu, Uvira, Goma … Commence alors une série d'enlèvements et de massacres. La population est désemparée. Les nouvelles autorités parlent de "libération", mais les gens ne voient que pillage, misère et morts. Mgr Kataliko lance alors un appel à tous et conclut : "En toute circonstance, je me dois de rappeler à tout le monde les principes fondamentaux de la conscience humaine : le respect de toute vie, de la vérité et de la dignité humaine".




15 septembre 2000, messe d'action de grâce sur
le parvis de la cathédrale de Bukavu


Le 24 août 1998, à 100 km de Bukavu, un prêtre et 3 religieuses ainsi que de nombreux chrétiens sont massacrés. L'insécurité règne partout. Les stocks de nourriture et de médicaments, abandonnés par les Organismes humanitaires internationaux, sont pillés par les militaires. La famine guette. Les voitures son saisies. Les perquisitions sont l'occasion de vols et de pillage, dont la population fait les frais. Dans ce climat de terreur, Mgr Kataliko va encore élever la voix en s'adressant à la population : " …Face à la violence, souvent brutale et aveugle, qui déferle de tout côté, efforçons-nous de résister avec toute la force de notre foi, sans nous laisser entraîner par un égal esprit de violence. Répondre à la violence par la violence n'est jamais la vraie solution, mais plutôt une façon de se laisser dominer par le même mal qu'on voudrait combattre et éliminer".

Mgr Kataliko était très proche des gens et très engagé pour défendre les faibles et les sans-voix. Il ne craignait jamais de dire la vérité aux politiques. Leur réponse ? Une série de mesures d'intimidation: des paroisses, des monastères, des communautés religieuses, des dispensaires, des centres sociaux… sont attaqués et pillés. Officiellement c'est mis sur le dos des "rebelles".

Mais les gens ne sont pas aveugles. Beaucoup de ces attaques sont organisées par des groupes à la solde des armées d'occupation… Sinon pourquoi, chaque fois que ces attaques ont lieu, est-ce toujours à proximité d'un camp militaire, et les militaires appelés au secours refusent- ils d'intervenir ? Le curé de Murhesa est gravement blessé en septembre 1999 et le curé de Kalonge est assassiné dans son presbytère.




Les évêques aux obsèques de Mgr kataliko


C'est dans ce climat de terreur que Mgr Kataliko va écrire sa lettre de Noël 1999 : voyez de larges extraits de ce texte dans l'encadré ci-contre. Il faut lire ce texte. La réaction sera l'interdiction de revenir dans son diocèse. Parti à Kinshasa pour une réunion du Comité permanent des évêques, l'avion régulier qui le ramenait à Bukavu est forcé de l'emmener à Butembo, son diocèse d'origine, une zone qui était alors aux mains des Ougandais. C'est l'exil.

À Bukavu, toute la population se mobilise : chrétiens de toutes confessions, musulmans, société civile…Tous se sentent concernés par cet exil de l'évêque. Une résistance s'installe, manifestations, grèves… Des banderoles, avec "Remettez-nous notre pasteur" flottent sur toutes les églises de la ville. Une pétition qui réclame son retour reçoit plus de 65 000 signatures en quelques jours.

Son retour n'aura lieu que le 14 septembre. Retour triomphal. Trois jours après il préside la célébration d'ordination de trois nouveaux prêtres, et part pour Rome afin de prendre part à la réunion du SCEAM (Symposium des Conférences Épiscopales d'Afrique et de Madagascar). Là, il demande à ses frères évêques : "Nous devons parler aux chefs d'État ; il faut parler aux dirigeants. Nous devons adresser à l'Afrique un message de Paix et de Réconciliation ".

C'est au soir de cette journée où il était ainsi intervenu, qu'il décède, dans la nuit du 3 au 4 octobre 2000, épuisé par ses combats et son exil.



Lettre de Mgr Kataliko