Voix d'Afrique N°112.


Les propos écologiques
d’un vieux missionnaire

 

Quand je ramasse des emballages en plastique, ou des papiers jetés devant notre maison, les passants me considèrent facilement comme un malade mental ou un déséquilibré. Les enfants se moquent de moi ; les plus petits ramassent les papiers et les mettent dans mon sachet. Les plus grands trouvent que c’est con-tre leur dignité de ramasser quoi que ce soit… pourtant personne ne se moque de celui qui laisse tomber un papier d’unité de téléphone ou jette sachets, bouteilles en plastique, mouchoirs en papier...


Assez souvent un passant, qui me voit faire la propreté, me pose une question : « Pourquoi fais-tu cela ? » C’est une bonne occasion de m’expliquer. Dans mon village c’était une habitude de bien balayer le samedi après-midi le chemin le long de notre maison : commandé par la commune mais exécuté avec fierté par tout le monde en vue du dimanche ; il fallait que tout soit prêt pour le jour du Seigneur ! Comme membres de la jeunesse catholique nous organisions des camps dans la nature. C’était une question d’honneur de quitter l’endroit sans laisser de déchets. Lors d’un camp de jeunes dans les Rocheuses avec le diocèse de Nelson en 1973, les enfants disaient à quelqu’un qui jetait un papier : « Don’t lifter ! » - « Ne fais pas de saleté ! » Ils étaient conscientisés par leurs éducateurs et devançaient mon pays natal de 20 ans en écologie.

Quand je dis cela aux gens qui m’ont posé la question : « pourquoi fais-tu cela ? » c’est le début d’une conversation concernant le regret que Goma soit une ville sale, que Kinshasa la belle soit devenue Kinshasa-Poubelle. Tout le monde exige de la mairie de s’engager, de mettre de l’ordre. Je réponds toujours que je peux faire quelque chose, au moins devant ma maison, j’essaierai de faire la différence.

J’ai essayé, avec peu de succès, de motiver les enseignants des écoles, qui nous entourent, nos jeunes en formation chez nous à la Ruzizi ou au Foyer Ngongo à la propreté de notre environnement. J’ai donné des causeries sur l’écologie, j’ai nettoyé avec les jeunes la belle propriété de la Ruzizi qui a été en 2006 pour moi un choc culturel ! Le parc, surtout la bananeraie, garnis de bouteilles, anciennes conserves rouillées, plastiques, bassines usées, tubes de pâte dentifrice, piles usées de toutes espèces, contenants en plastique de lait de beauté, shampooing, capsules de boissons sucrés et de bière, etc. ; et maintenant ? Visitez la Ruzizi…

Le premier principe d’écologie consiste à produire le moins possible de déchets et de pollution ! Des comportements à éviter, mais observés chez nous : acheter la bière Heineken venant de Hollande à usage unique ou jus et bières dans des canettes est un péché écologique et une aberration ! Il y a la bière produite localement ainsi que des boissons sucrées en bouteilles réutilisables. Certains pensent qu’on ne peut pas fêter sans Whisky, Martini, Cinzano… Quel gâchis de devises, de transport et contresens écologique, du moins en Afrique !

Un exemple positif : il y avait des sardines à l’huile le dimanche à la Ruzizi au petit-déjeuner. Cela faisait 18 boîtes vides à
jeter ! J’ai remplacé les sardines par des œufs qu’on trouve sur place, ils sont bon marché et de bonne qualité. Pollution zéro et l’argent reste dans la région. Acheter localement et consommer les produits de la région est une obligation écologique. Suivez les saisons : il y a un temps où on trouve mangues, choux-fleurs, fraises à volonté et bon marché. En dehors de la saison le prix monte et le produit vient de loin avec un coup de transport en conséquence.

Depuis 1991 je me trouve en ville où il y a un transport collectif relativement bon marché par rapport à une voiture individuelle. Cela prend un peu plus de temps et ne permet pas de faire de grands achats mais moins de pollution et de dépenses. De marcher à une distance de 30 minutes de marche me semble tout à fait raisonnable et souhaitable. Pollution zéro, dépense zéro et en plus des rencontres surprenantes en route. Je me souviens du vieux père Hochedel qui aimait dire :
« depuis que nous avons acheté des motos nous avons perdu le contact avec la population ! » Alors nous avons certainement progressé depuis.

Les déchets biodégradables doivent finir dans un compost pour produire du fumier qui sera utile pour le jardin. Il faut rigoureusement trier et séparer matières organiques, plastiques venant des emballages, papiers etc. pour réduire la quantité des déchets.

Il y en a qui pensent que le comportement d’une personne ne change rien à la catastrophe écologique vers laquelle nous allons. Être complice de la destruction de notre terre ou acteur responsable dans la maison commune est une décision éthique importante.


Père Otto Mayer, M. Afr.

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