Missionnaires d'Afrique


de Stefaan Minnaert,
M.Afr Archiviste Rome

Le Père Pierre Viven, 1844-1933

Un Supérieur général oublié par l’histoire ?

Tous ceux et celles qui ont visité la Maison généralice ont pu admirer les photos de nos Supérieurs généraux dans la salle « Lavigerie ». Au total, il y en a treize. Chose curieuse, personne n’imagine que cette liste n’est peut-être pas complète. Il est possible qu’il en manque un, par exemple le P. Pierre Viven. Nous l’avons découvert par hasard, en lisant sa nécrologie : « Il arriva même que durant l’année 1890, du 10 janvier au 10 octobre, le R.P. Viven dut exercer la charge de Vicaire général intérimaire. » Le titre de Vicaire général était alors utilisé pour désigner le Supérieur général des Missionnaires d’Afrique, étant donné que ce titre était réservé au Cardinal Lavigerie jusqu’à sa mort en 1892.

Donc, d’après cette notice, le P. Viven a été l’administrateur de notre Société durant neuf mois, sous le regard attentif de son fondateur. Ce constat, qui nous a surpris, demande une petite explication.

Au Chapitre de septembre 1889, Mgr Livinhac est élu Assistant, puis choisi comme Vicaire général. Or il est en mission en Afrique Équatoriale comme Vicaire apostolique du Vicariat « Victoria-Nyanza », avec résidence à Kamoga au Bukumbi (la Tanzanie actuelle). En attendant son retour qui doit prendre des mois, le P. Deguerry, premier Assistant du Conseil élu en 1889, exerce les fonctions de Vicaire général. Mais à la grande surprise de tous, le P. Deguerry donne sa démission en janvier 1890, et il quitte la Société suite à une mésentente avec Lavigerie à propos, entre autre, d’un déménagement éventuel de la Maison-Mère d’Alger à Carthage, en Tunisie. C’est alors que le P. Viven devient premier assistant avec la charge de Vicaire général intérimaire, charge qu’il exercera pendant 9 mois. Mais avant d’ajouter le nom du Père Viven à la liste des Supérieurs généraux, il faut encore faire une étude approfondie de cette question. Sa nécrologie ne suffit pas comme document d’appui.

Qui est le P. Viven ? C’est un Français, originaire du diocèse de Rodez. Il est né le 19 octobre 1844 à Lacapelle-Balaguier. Après son ordination sacerdotale (le 3 juin 1871), il travaille d’abord comme vicaire pendant 2 ans dans la paroisse de Saint-Christophe, puis 3 ans dans celle de Saint-Côme-sur-Lot. En janvier 1876, il fait sa demande pour entrer dans la Société des Missionnaires d’Afrique. La réponse est favorable mais son évêque refuse de donner son accord, arguant que le candidat est trop âgé et que sa santé ne lui permettra pas de travailler en Afrique. Finalement, le P. Viven obtient son accord et, le 19 octobre 1876, il commence son noviciat. A cette époque, il veut « se rendre digne pour travailler à la grande œuvre de la conversion des pauvres Arabes ». Il prononce son serment missionnaire le 9 octobre 1877. Après un bref séjour à Notre-Dame d’Afrique, il travaille à Tagmount-Azouz, en Kabylie. Le 4 janvier 1878, il rentre à Maison-Carrée pour y remplir les fonctions de directeur et de professeur au scolasticat.

En octobre 1878, il est nommé directeur des Frères. Malgré sa nouvelle nomination, il continue à donner des cours de philosophie au scolasticat jusqu’au 4 avril 1879. A cette date, il est nommé curé de la paroisse des Arabes chrétiens de Saint-Cyprien-des-Attafs. En septembre 1880, il devient supérieur du scolasticat, fonction qu’il exercera jusqu’en 1886, d’abord à Maison-Carrée, puis, à partir d’octobre 1882, à Carthage. De 1886 à 1896, il est maître des novices. Lors des Chapitres de 1878, 1880, 1883, 1886, 1889 et de 1894, il est élu membre du Conseil général. De septembre 1889 à septembre 1891, il est aussi Provincial de l’Algérie.

A cause de ses nombreuses activités, le P. Viven est usé avant l’âge. En 1896, il devient chapelain à Notre-Dame d’Afrique. L’année suivante, en 1897, il rejoindra la Maison-Mère, où il passera le reste de sa vie en demi-repos.

Finalement en 1900, il cèdera sa place dans le Conseil général au P. Pierre Michel et il s’installera au Sanatorium « Saint-Joseph », à Maison-Carrée. Cette maison accueille les missionnaires malades revenant d’Afrique. Le P. Viven en sera le supérieur jusqu’en 1930. Le 3 juin 1931, il fêtera son jubilé de diamant. Devenu sourd et aveugle, mais conscient jusqu’à la fin de sa vie, il meurt dans la nuit du 22 au 23 février à l’âge de 89 ans. Ainsi disparaît l’homme qui, d’une manière discrète et efficace, a administré la Société durant une période difficile de son histoire.

Stefaan Minnaert

Voir aussi
- Photos des Conseils Généraux de la Société de 1894 à 2010
- Les Supérieurs Généraux de la Société de 1868 à 2010