NOTICES BIOGRAPHIQUES
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Père Jean Lepers
...Jean
Lepers est né le 8 avril 1926 à Bondues, dans le nord de la
France. Il est né un jeudi saint et il fut baptisé le jour de
Pâques. Ses parents étaient cultivateurs à Bettignies,
Son père s'appelait Germain Lepers, sa mère Marguerite Delobel.
Ils ont eu 11 enfants ,Jean était l'aîné . Le frère
de leur grand- père était missionnaire Père Blanc, c'est
lui qui baptisa Jean. Après le baptême il dit à Marguerite
Delabel :
" Celui-là sera missionnaire " elle répondit : "
je l'ai déjà offert à Dieu ". Deux de ses surs
deviendront religieuses.
Jean commença ses études à Solesmes, mais
il a dû les interrompre pour s'occuper de la ferme familiale quand son
papa tomba malade car il était l'aîné des enfants. Plus
tard il fut dispensé de
service militaire en tant que soutien de famille nombreuse. Jean n'est pas
un intellectuel, mais il a un bon sens solide ; il n'a aucun diplôme.
Il revint à Solesmes, puis fit un an à Bonnelles, deux ans à
Kerlois de 1947 à 1949. Son curriculum est assez singulier. Après
le Noviciat à Maison-Carrée, il partit faire sa théologie
à Eastview, au Canada. I1 fut ordonné prêtre à
Eastview le 30 janvier 1954.
Il reçut sa nomination avec des sentiments mitigés ; il devait
aller au Nigéria. A cette époque les Pères qui étaient
au Nigéria étaient tous anglais, irlandais ou canadiens. Jean
Lepers fut un des tout-premiers Français à arriver là-bas.
il sera suivi par les Pères Irénée Edmond et Jean Sibiodon.
Nous savions que Jean n'était pas un intellectuel, mais ce qui l'ennuyait
un peu c'est qu'il devait faire deux choses à la fois : perfectionner
son anglais et apprendre la langue du pays, le Yoruba. Il atterrit donc à
Oshogbo, le 10 février 1955.
A cette époque, dans le diocèse d'Oyo, l'évêque
était anglais : Mgr Owen Mc Coy. Il n'y avait pas encore de prêtres
autochtones. Les Pères Blancs passaient d'une ville à l'autre
en tant que curés ou vicaires. En 1970 Jean fut nommé curé
de Ipetu Ijesha, ou plutôt il se nomma lui-même curé de
cet endroit isolé. Il était heureux en communauté, mais
il voulait aller vers les plus isolés, les plus pauvres, au risque,
bien sûr, de vivre tout seul. Ipetu Ijesha était une petite ville
loin de tout ; pas de poste, pas de magasins, les taxis n'arrivaient pas jusque-là,
pas de dispensaire. Il est arrivé avec la voiture que son père
lui avait achetée. La voiture du pasteur protestant ne marchait pas,
la seule qui marchait était la sienne. Il n'y avait pas de dispensaire.
Lorsqu'une personne tombait malade et qu'il fallait l'amener à l'hôpital,
il n'y avait que sa voiture qui était en état de marche, Alors
très souvent on avait recours à lui pour transporter les malades
à l'hôpital le plus proche ; et lui n'osait pas refuser. C'est
ainsi qu'il a transporté les malades de jour comme de nuit pendant
plus de 6 ans.
Un jour je suis allé le voir à Ipetu Ijesha, c'était
le jour où le Nigéria a décidé de conduire non
plus à gauche, mais à droite, ce jour-là les gens avaient
peur de sortir. Moi, j'ai pris ma petite moto pour lui rendre visite. Avant
de le quitter dans l'après-midi, je lui ai demandé : "
Combien de fois as- tu transporté des malades à l'hôpital
? " il m'a répondu ; " Je n'ai pas compté,... au minimum
une fois par semaine. Faites le calcul ; une fois par semaine....pendant 6
ans....
Ensuite je lui ai posé une autre question : " financièrement,
comment tu t'en sortais ", là il n'a pas voulu répondre
.Quelques fois quand il arrivait à l'hôpital avec un enfant anémié,
les infirmières lui demandaient de donner de son sang. Et lui, avant
de retourner à la maison il donnait un peu de son sang, cela il ne
l'a jamais dit à personne.
En
1978 le Provincial de France lui a demandé de rejoindre une communauté
; il a annoncé à ses paroissiens son prochain départ.
Ils ont réalisé que Jean leur avait rendu des services incalculables,
ils voulaient le remercier avant qu'il parte. Mais quoi lui offrir quand on
est pauvre ? Ils ont décidé, avec la communauté protestante,
de lui offrir une distinction hors-norme ; le titre de " atobatele "
c'est à dire celui qui avait été destiné depuis
toujours à être le roi de la ville. Ils lui ont offert un bel
habit, que seul le roi peut porter, un chapeau typique des princes de l'endroit,
et un collier de perles. Vous avez peut-être vu des photos de lui avec
son chapeau typique.
Jean Lepers a dû apprendre la langue Yoruba comme tout le monde Comme c'est une langue à tonalités, certains qui ont l'oreille musicale trouvent qu'il est plus facile de la chanter que de la parler. Beaucoup de jeunes étaient capables de chanter le Psaume du dimanche sans aucune partition, uniquement en suivant le texte. Les tons sont inscrits dans leur tête. On ne peut pas dire que Jean soit un bon chanteur, je doute qu'il ait l'oreille musicale ; mais il avait certainement une facilité pour découvrir les talents de chacun.
Dans une de ses succursales, il avait découvert des jeunes
qui chantaient bien et qui pouvaient faire une mélodie uniquement en
suivant le texte. Lui-même avait été impressionné,
quand il était jeune, par la représentation de la Passion du
Christ par un groupe de jeunes en Bavière. Il en parla à des
jeunes qui chantaient bien. Il donna à chacun le texte ou les textes
qu'ils devaient chanter et leur demanda de préparer de belles mélodies.
Le résultat fut au-dessus de leur espérance. Après un
certain nombre de répétitions, arriva le jour de la représentation
: le résultat fut remarquable : ils avaient fait un mini-opéra
dans la langue Yoruba. Le succès fut complet. Ce groupe donna des représentations
dans toutes les paroisses et les protestants, les anglicans et autres groupes
leur demandèrent de venir chanter dans leurs églises. Ils donnèrent
à ce mini opéra le nom de " iku olododo " (la mort
du juste) Chaque année, pendant la semaine sainte, la télévision
d'Etat diffusa la video-cassette.
La dernière fois que Jean revint au Nigéria il
me dit ;' " c'est mon dernier séjour au Nigéria, je ne
reviendrai pas... Nous nous sommes mis d'accord, ma sur religieuse et
moi, quand je retournerai en France définitivement, j'irai comme aumônier
dans la maison de retraite, c'est elle qui est en charge de cette maison de
retraite pour les surs de la Charité.
Pendant plus de 10 ans, il resta dans cette maison de retraite
C'est là qu'il vieillit, pas loin de la maison de son plus jeune frère.
Sa sur religieuse mourut, elle l'a précédé au ciel.
Quant à lui sa santé commença à se détériorer
rapidement ce sont les mêmes surs qui prirent soin de lui. En
2016, on devait l'amener à l'hôpital pour des séances
de dialyse. Je lui téléphonais de temps en temps ; ensuite il
devait se soumettre 2 fois par semaine à la séance de dialyse.
Sa voix devint de plus en plus faible. A la fin il ne me reconnaissait plus.
Il s'est éteint comme cela, doucement.
Il est décédé le 25 mars 20191 Le Père
Bernard Lefebvre et moi-même sommes allés pour célébrer
les obsèques le jeudi 28 Avril.
Une sur Nigériane qui vit en France et que Jean
avait orienté vers la vie religieuse me dit au téléphone
:
" si Jean Lepers ne va pas au paradis, qui y ira ? "
Joannès Liogier