NOTICES BIOGRAPHIQUES
Site Pères Blancs France

Père Jean Lepers

1926 - - 2019

...Jean Lepers est né le 8 avril 1926 à Bondues, dans le nord de la France. Il est né un jeudi saint et il fut baptisé le jour de Pâques. Ses parents étaient cultivateurs à Bettignies, Son père s'appelait Germain Lepers, sa mère Marguerite Delobel. Ils ont eu 11 enfants ,Jean était l'aîné . Le frère de leur grand- père était missionnaire Père Blanc, c'est lui qui baptisa Jean. Après le baptême il dit à Marguerite Delabel :
" Celui-là sera missionnaire " elle répondit : " je l'ai déjà offert à Dieu ". Deux de ses sœurs deviendront religieuses.

Jean commença ses études à Solesmes, mais il a dû les interrompre pour s'occuper de la ferme familiale quand son papa tomba malade car il était l'aîné des enfants. Plus tard il fut dispensé de
service militaire en tant que soutien de famille nombreuse. Jean n'est pas un intellectuel, mais il a un bon sens solide ; il n'a aucun diplôme. Il revint à Solesmes, puis fit un an à Bonnelles, deux ans à Kerlois de 1947 à 1949. Son curriculum est assez singulier. Après le Noviciat à Maison-Carrée, il partit faire sa théologie à Eastview, au Canada. I1 fut ordonné prêtre à Eastview le 30 janvier 1954.

Il reçut sa nomination avec des sentiments mitigés ; il devait aller au Nigéria. A cette époque les Pères qui étaient au Nigéria étaient tous anglais, irlandais ou canadiens. Jean Lepers fut un des tout-premiers Français à arriver là-bas. il sera suivi par les Pères Irénée Edmond et Jean Sibiodon. Nous savions que Jean n'était pas un intellectuel, mais ce qui l'ennuyait un peu c'est qu'il devait faire deux choses à la fois : perfectionner son anglais et apprendre la langue du pays, le Yoruba. Il atterrit donc à Oshogbo, le 10 février 1955.

A cette époque, dans le diocèse d'Oyo, l'évêque était anglais : Mgr Owen Mc Coy. Il n'y avait pas encore de prêtres autochtones. Les Pères Blancs passaient d'une ville à l'autre en tant que curés ou vicaires. En 1970 Jean fut nommé curé de Ipetu Ijesha, ou plutôt il se nomma lui-même curé de cet endroit isolé. Il était heureux en communauté, mais il voulait aller vers les plus isolés, les plus pauvres, au risque, bien sûr, de vivre tout seul. Ipetu Ijesha était une petite ville loin de tout ; pas de poste, pas de magasins, les taxis n'arrivaient pas jusque-là, pas de dispensaire. Il est arrivé avec la voiture que son père lui avait achetée. La voiture du pasteur protestant ne marchait pas, la seule qui marchait était la sienne. Il n'y avait pas de dispensaire. Lorsqu'une personne tombait malade et qu'il fallait l'amener à l'hôpital, il n'y avait que sa voiture qui était en état de marche, Alors très souvent on avait recours à lui pour transporter les malades à l'hôpital le plus proche ; et lui n'osait pas refuser. C'est ainsi qu'il a transporté les malades de jour comme de nuit pendant plus de 6 ans.

Un jour je suis allé le voir à Ipetu Ijesha, c'était le jour où le Nigéria a décidé de conduire non plus à gauche, mais à droite, ce jour-là les gens avaient peur de sortir. Moi, j'ai pris ma petite moto pour lui rendre visite. Avant de le quitter dans l'après-midi, je lui ai demandé : " Combien de fois as- tu transporté des malades à l'hôpital ? " il m'a répondu ; " Je n'ai pas compté,... au minimum une fois par semaine. Faites le calcul ; une fois par semaine....pendant 6 ans....

Ensuite je lui ai posé une autre question : " financièrement, comment tu t'en sortais ", là il n'a pas voulu répondre .Quelques fois quand il arrivait à l'hôpital avec un enfant anémié, les infirmières lui demandaient de donner de son sang. Et lui, avant de retourner à la maison il donnait un peu de son sang, cela il ne l'a jamais dit à personne.

En 1978 le Provincial de France lui a demandé de rejoindre une communauté ; il a annoncé à ses paroissiens son prochain départ. Ils ont réalisé que Jean leur avait rendu des services incalculables, ils voulaient le remercier avant qu'il parte. Mais quoi lui offrir quand on est pauvre ? Ils ont décidé, avec la communauté protestante, de lui offrir une distinction hors-norme ; le titre de " atobatele " c'est à dire celui qui avait été destiné depuis toujours à être le roi de la ville. Ils lui ont offert un bel habit, que seul le roi peut porter, un chapeau typique des princes de l'endroit, et un collier de perles. Vous avez peut-être vu des photos de lui avec son chapeau typique.

Jean Lepers a dû apprendre la langue Yoruba comme tout le monde Comme c'est une langue à tonalités, certains qui ont l'oreille musicale trouvent qu'il est plus facile de la chanter que de la parler. Beaucoup de jeunes étaient capables de chanter le Psaume du dimanche sans aucune partition, uniquement en suivant le texte. Les tons sont inscrits dans leur tête. On ne peut pas dire que Jean soit un bon chanteur, je doute qu'il ait l'oreille musicale ; mais il avait certainement une facilité pour découvrir les talents de chacun.

Dans une de ses succursales, il avait découvert des jeunes qui chantaient bien et qui pouvaient faire une mélodie uniquement en suivant le texte. Lui-même avait été impressionné, quand il était jeune, par la représentation de la Passion du Christ par un groupe de jeunes en Bavière. Il en parla à des jeunes qui chantaient bien. Il donna à chacun le texte ou les textes qu'ils devaient chanter et leur demanda de préparer de belles mélodies. Le résultat fut au-dessus de leur espérance. Après un certain nombre de répétitions, arriva le jour de la représentation : le résultat fut remarquable : ils avaient fait un mini-opéra dans la langue Yoruba. Le succès fut complet. Ce groupe donna des représentations dans toutes les paroisses et les protestants, les anglicans et autres groupes leur demandèrent de venir chanter dans leurs églises. Ils donnèrent à ce mini opéra le nom de " iku olododo " (la mort du juste) Chaque année, pendant la semaine sainte, la télévision d'Etat diffusa la video-cassette.

La dernière fois que Jean revint au Nigéria il me dit ;' " c'est mon dernier séjour au Nigéria, je ne reviendrai pas... Nous nous sommes mis d'accord, ma sœur religieuse et moi, quand je retournerai en France définitivement, j'irai comme aumônier dans la maison de retraite, c'est elle qui est en charge de cette maison de retraite pour les sœurs de la Charité.

Pendant plus de 10 ans, il resta dans cette maison de retraite C'est là qu'il vieillit, pas loin de la maison de son plus jeune frère. Sa sœur religieuse mourut, elle l'a précédé au ciel. Quant à lui sa santé commença à se détériorer rapidement ce sont les mêmes sœurs qui prirent soin de lui. En 2016, on devait l'amener à l'hôpital pour des séances de dialyse. Je lui téléphonais de temps en temps ; ensuite il devait se soumettre 2 fois par semaine à la séance de dialyse. Sa voix devint de plus en plus faible. A la fin il ne me reconnaissait plus. Il s'est éteint comme cela, doucement.

Il est décédé le 25 mars 20191 Le Père Bernard Lefebvre et moi-même sommes allés pour célébrer les obsèques le jeudi 28 Avril.

Une sœur Nigériane qui vit en France et que Jean avait orienté vers la vie religieuse me dit au téléphone :
" si Jean Lepers ne va pas au paradis, qui y ira ? "

Joannès Liogier



PROFILES

Father Jean Lepers

1926 - - 2019

Soon