NOTICES BIOGRAPHIQUES
Site Pères Blancs France

Père Jean Fisset

1923 - - 2019

...C'est à Lyons-la Forêt, entre Rouen et Beauvais, dans le diocèse d'Evreux (France) qu'est né Jean Fisset, le 26 octobre 1923. Il était le troisième de sept enfants et reçut aussi les prénoms de Marie et Albert. Son père Henri était notaire. Il fit ses études secondaires à Rouen chez les Frères des Ecoles Chrétiennes jusqu'au Baccalauréat de Philosophie-Lettres en 1941.

Son milieu familial profondément croyant l'orienta jeune vers la vie missionnaire mais l'occupation allemande l'empêcha de partir aussitôt. C'est la figure du Père Charles de Foucauld qui l'attira à 13 ans, avec son appel vers le monde musulman. La rencontre de quelques Pères Blancs de la région (Hébert, Roujon) et une retraite chez les jésuites le menèrent vers le Provincial de France. Il lui dit son désir de vivre sa foi au-delà du milieu chrétien dans lequel il avait grandi. Il va alors terminer sa philosophie à St Sulpice (le séminaire de Paris) et y commencer sa théologie, mais aussi l'étude de l'arabe avec des condisciples libanais ! Dès septembre 1943, il entre au noviciat de Tournus puis fait, aux Andelys, sa seconde année de théologie jusqu'en mars 1945 où il est mobilisé.

C'est à Nevers qu'il contracte une grave méningite cérébro-spinale, dont il sort grâce aux soins qu'on lui donne près de la chasse de Ste Bernadette ! Il sera réformé, mais il en gardera toute sa vie des séquelles, au niveau des genoux et d'une fatigue récurrente (qui lui imposera des congés fréquents en France durant les mois d'été). Il peut cependant rejoindre en 1946 le scolasticat de Thibar (Tunisie) où il achève sa théologie par le serment et le diaconat en 1947 et où il est ordonné prêtre le 2 février 1948. Ses formateurs notent son tempérament lymphatique et une certaine timidité, vu sa santé fragile ; mais ils apprécient sa délicatesse de sentiments et de manières, son jugement droit et sa bonté, sa serviabilité, sa piété profonde.

Sa première affectation exauce ses vœux : c'est l'Algérie qui lui offre ses grands espaces sahariens de 1948 à 1951: Ghardaia, Djelfa, Touggourt, Biskra. Son bon niveau en arabe l'oriente vers la Manouba. Cet Institut proche de Tunis, fondé en 1926 par le P. Marchal, forme les nouveaux venus en langue et culture arabe. Avec sa bibliothèque et sa revue IBLA, il a vu passer en 1936 les Pères Lanfry, Mercier, Becquart, Dallet, Demeerseman, Letellier, Renon et d'autres. Jean Fisset y sera à la fois étudiant et répétiteur, de 1951 à 1953, où il est nommé supérieur de Laghouat. Après ces dix ans de terrain et d'études, ce sera, au dire de Mgr Teissier, le meilleur arabisant et connaisseur de la vie saharienne.

En 1957 il revient à Alger, rue du Jasmin, comme Supérieur régional. Il sera aussi, d'office jusqu'en 1972, Vicaire général du diocèse, naturalisé comme le cardinal Duval qu'il épaulera quinze ans, jusqu'à la mort de celui-ci en 1996 (avec les moines), traversant avec lui ces années noires où le pays luttait pour son indépendance (1954-1962) puis, après 1976, contre les courants islamistes, qui causèrent la mort de plusieurs confrères, une sœur blanche et deux associés laïcs français.

Bien des jeunes Pères y ont été accueillis par Jean Fisset et guidés avec beaucoup de sollicitude. Régional du Maghreb, secrétaire de la CERNA ( la conférence épiscopale de la région), il résidait rue des Fusillés au Ruisseau (Alger). Il en profitera pour faire la grande retraite de la villa Cavaletti (Rome) en janvier 1964 et un recyclage en liturgie byzantine à Damas en 1972. Il sera aussi membre de droit au Chapitre général de 1967 à Rome.

Au retour de Damas, il s'établit aux Glycines, dans les hauts d'Alger, où se trouve le Centre d'études diocésain (avec bibliothèque, revue et cours de langues). Il en sera le supérieur de 1975 à 78, puis avec Mgr H. Teissier, chargé de 1979 à 86 des chercheurs P. Blancs du Centre (Deville, Desjeux, Georgin, Reesing, G. Demeerseman, etc.) C'est durant cette période que, pour garder une mission de formateur, il accepte, en plus de ses cours d'arabe, un poste à l'Université d'Alger : enseignant en archéologie le latin épigraphique en arabe ! C'était pour lui une occasion de dialogue avec ses étudiants et de partage quotidien de sa foi. Il citait avec bonheur en arabe des textes de la culture islamique ou biblique comme ceux de la 2e lettre de Jean (Dieu est amour.4,16) ou de Ibn Tufayl (XIIe) :L'important n'est pas ce que l'homme dit de sa foi, mais bien ce que sa foi fait de lui !

Une tachycardie inexpliquée en août 1983 puis une opération bénigne en novembre 86 ayant été suivies de complications cardio-vasculaires et d'un traitement anticoagulant, Jean lui-même propose alors aux supérieurs (C. Rault, F. Richard et G. Chabanon) un retour définitif en Province. il veut y être soigné et, dans la mesure du possible, après un repos sabbatique, poursuivre ses relations avec le monde magrébin : presse, universitaires, étudiants, retraités, orientaux…Il pense à Vanves, Maisons-Alfort ou la rue Friant comme lieux d'insertion. De fait, il rentre en France fin novembre 2001, nommé à Maisons-Alfort en mai 2002, puis rue Friant en juillet 2006. Il peut lire, écrire, sortir un peu, recevoir beaucoup, très apprécié par sa famille d'abord, mais aussi par ses anciens élèves ou collègues, amis ou correspondants. En mai 2007, à l'occasion de ses 60 ans de serment, il revient largement sur son approche du monde musulman et ses propres mutations (comme il l'a fait ou le fera encore dans Voix d'Afrique, n° 62 et 86 : Chemins de vie au Maghreb) : Vivre avec eux m'a évangélisé !

Sa fatigue et les soins qu'elle requiert l'amènent à Bry-sur-Marne en novembre 2006. C'est là qu'il finira sa course le jeudi de Pâques 2019. Responsable-adjoint en 2010, attentif aux soucis de la communauté pendant de longs et bruyants travaux (jusqu'en 2015), il garde jusqu'à la fin le souci fraternel des plus touchés, handicapés ou malvoyants. En juin 2017, pour ses 70 ans de serment missionnaire, il détaille les motifs qu'il a de rendre grâce, inspiré par la vie et la personne du P. de Foucauld. " Comme lui, je me suis senti en communion spirituelle avec ces croyants tournés ensemble vers le Très-Haut, reconnaissant la discrète action de l'Esprit Saint dans les cœurs droits et sincères …Que de fois je me suis découvert au Maghreb dans la situation même de Jésus en Palestine, m'efforçant d'avoir sur ceux dont je partageais la vie le regard de celui qui n'a pas eu honte d'être identifié à ses frères. "

Il avait choisi lui-même, dès 1992 semble-t-il, les textes de ses funérailles qui eurent lieu à Bry-sur-Marne le 3 mai. La chapelle de la maison fut vite remplie par ses deux familles : celle de ses proches qui assurèrent les lectures (l'hymne aux Ephésiens 1, 3-13 et le chemin d'Emmaüs Luc 24,13-36) et les chants (prières du P. de Foucauld et de la Petite Thérèse) ; et celle de ses frères Pères Blancs et Sœurs Blanches. Mgr Rault présida la célébration et G. Demeerseman donna l'homélie, introduisant plusieurs témoignages de ses amis et de sa famille. Mgr Tessier, ancien évêque d'Oran et archevêque d'Alger, pouvait redire : Je rends grâce à Dieu qui m'a mis au service d'une Eglise dont tous les membres font de la rencontre avec l'autre, par delà les frontières, le cœur de leur fidélité à Jésus et à son Evangile. N'est-ce pas un aspect très actuel de la mission universelle ? "

Philippe Thiriez



PROFILES

Father Jean Fisset

1923 - - 2019

Soon