NOTICES BIOGRAPHIQUES
Site Pères Blancs France
Père Jean Fisset
...C'est
à Lyons-la Forêt, entre Rouen et Beauvais, dans le diocèse
d'Evreux (France) qu'est né Jean Fisset, le 26 octobre 1923. Il était
le troisième de sept enfants et reçut aussi les prénoms
de Marie et Albert. Son père Henri était notaire. Il fit ses
études secondaires à Rouen chez les Frères des Ecoles
Chrétiennes jusqu'au Baccalauréat de Philosophie-Lettres en
1941.
Son milieu familial profondément croyant l'orienta jeune vers la vie
missionnaire mais l'occupation allemande l'empêcha de partir aussitôt.
C'est la figure du Père Charles de Foucauld qui l'attira à 13
ans, avec son appel vers le monde musulman. La rencontre de quelques Pères
Blancs de la région (Hébert, Roujon) et une retraite chez les
jésuites le menèrent vers le Provincial de France. Il lui dit
son désir de vivre sa foi au-delà du milieu chrétien
dans lequel il avait grandi. Il va alors terminer sa philosophie à
St Sulpice (le séminaire de Paris) et y commencer sa théologie,
mais aussi l'étude de l'arabe avec des condisciples libanais ! Dès
septembre 1943, il entre au noviciat de Tournus puis fait, aux Andelys, sa
seconde année de théologie jusqu'en mars 1945 où il est
mobilisé.
C'est à Nevers qu'il contracte une grave méningite cérébro-spinale,
dont il sort grâce aux soins qu'on lui donne près de la chasse
de Ste Bernadette ! Il sera réformé, mais il en gardera toute
sa vie des séquelles, au niveau des genoux et d'une fatigue récurrente
(qui lui imposera des congés fréquents en France durant les
mois d'été). Il peut cependant rejoindre en 1946 le scolasticat
de Thibar (Tunisie) où il achève sa théologie par le
serment et le diaconat en 1947 et où il est ordonné prêtre
le 2 février 1948. Ses formateurs notent son tempérament lymphatique
et une certaine timidité, vu sa santé fragile ; mais ils apprécient
sa délicatesse de sentiments et de manières, son jugement droit
et sa bonté, sa serviabilité, sa piété profonde.
Sa première affectation exauce ses vux : c'est l'Algérie
qui lui offre ses grands espaces sahariens de 1948 à 1951: Ghardaia,
Djelfa, Touggourt, Biskra. Son bon niveau en arabe l'oriente vers la Manouba.
Cet Institut proche de Tunis, fondé en 1926 par le P. Marchal, forme
les nouveaux venus en langue et culture arabe. Avec sa bibliothèque
et sa revue IBLA, il a vu passer en 1936 les Pères Lanfry, Mercier,
Becquart, Dallet, Demeerseman, Letellier, Renon et d'autres. Jean Fisset y
sera à la fois étudiant et répétiteur, de 1951
à 1953, où il est nommé supérieur de Laghouat.
Après ces dix ans de terrain et d'études, ce sera, au dire de
Mgr Teissier, le meilleur arabisant et connaisseur de la vie saharienne.
En 1957 il revient à Alger, rue du Jasmin, comme Supérieur régional.
Il sera aussi, d'office jusqu'en 1972, Vicaire général du diocèse,
naturalisé comme le cardinal Duval qu'il épaulera quinze ans,
jusqu'à la mort de celui-ci en 1996 (avec les moines), traversant avec
lui ces années noires où le pays luttait pour son indépendance
(1954-1962) puis, après 1976, contre les courants islamistes, qui causèrent
la mort de plusieurs confrères, une sur blanche et deux associés
laïcs français.
Bien des jeunes Pères y ont été accueillis par Jean Fisset
et guidés avec beaucoup de sollicitude. Régional du Maghreb,
secrétaire de la CERNA ( la conférence épiscopale de
la région), il résidait rue des Fusillés au Ruisseau
(Alger). Il en profitera pour faire la grande retraite de la villa Cavaletti
(Rome) en janvier 1964 et un recyclage en liturgie byzantine à Damas
en 1972. Il sera aussi membre de droit au Chapitre général de
1967 à Rome.
Au retour de Damas, il s'établit aux Glycines, dans les hauts d'Alger,
où se trouve le Centre d'études diocésain (avec bibliothèque,
revue et cours de langues). Il en sera le supérieur de 1975 à
78, puis avec Mgr H. Teissier, chargé de 1979 à 86 des chercheurs
P. Blancs du Centre (Deville, Desjeux, Georgin, Reesing, G. Demeerseman, etc.)
C'est durant cette période que, pour garder une mission de formateur,
il accepte, en plus de ses cours d'arabe, un poste à l'Université
d'Alger : enseignant en archéologie le latin épigraphique en
arabe ! C'était pour lui une occasion de dialogue avec ses étudiants
et de partage quotidien de sa foi. Il citait avec bonheur en arabe des textes
de la culture islamique ou biblique comme ceux de la 2e lettre de Jean (Dieu
est amour.4,16) ou de Ibn Tufayl (XIIe) :L'important n'est pas ce que l'homme
dit de sa foi, mais bien ce que sa foi fait de lui !
Une tachycardie inexpliquée en août 1983 puis une opération
bénigne en novembre 86 ayant été suivies de complications
cardio-vasculaires et d'un traitement anticoagulant, Jean lui-même propose
alors aux supérieurs (C. Rault, F. Richard et G. Chabanon) un retour
définitif en Province. il veut y être soigné et, dans
la mesure du possible, après un repos sabbatique, poursuivre ses relations
avec le monde magrébin : presse, universitaires, étudiants,
retraités, orientaux
Il pense à Vanves, Maisons-Alfort
ou la rue Friant comme lieux d'insertion. De fait, il rentre en France fin
novembre 2001, nommé à Maisons-Alfort en mai 2002, puis rue
Friant en juillet 2006. Il peut lire, écrire, sortir un peu, recevoir
beaucoup, très apprécié par sa famille d'abord, mais
aussi par ses anciens élèves ou collègues, amis ou correspondants.
En mai 2007, à l'occasion de ses 60 ans de serment, il revient largement
sur son approche du monde musulman et ses propres mutations (comme il l'a
fait ou le fera encore dans Voix d'Afrique, n° 62 et 86 : Chemins de vie
au Maghreb) : Vivre avec eux m'a évangélisé !
Sa fatigue et les soins qu'elle requiert l'amènent à Bry-sur-Marne
en novembre 2006. C'est là qu'il finira sa course le jeudi de Pâques
2019. Responsable-adjoint en 2010, attentif aux soucis de la communauté
pendant de longs et bruyants travaux (jusqu'en 2015), il garde jusqu'à
la fin le souci fraternel des plus touchés, handicapés ou malvoyants.
En juin 2017, pour ses 70 ans de serment missionnaire, il détaille
les motifs qu'il a de rendre grâce, inspiré par la vie et la
personne du P. de Foucauld. " Comme lui, je me suis senti en communion
spirituelle avec ces croyants tournés ensemble vers le Très-Haut,
reconnaissant la discrète action de l'Esprit Saint dans les curs
droits et sincères
Que de fois je me suis découvert au
Maghreb dans la situation même de Jésus en Palestine, m'efforçant
d'avoir sur ceux dont je partageais la vie le regard de celui qui n'a pas
eu honte d'être identifié à ses frères. "
Il avait choisi lui-même, dès 1992 semble-t-il, les textes de
ses funérailles qui eurent lieu à Bry-sur-Marne le 3 mai. La
chapelle de la maison fut vite remplie par ses deux familles : celle de ses
proches qui assurèrent les lectures (l'hymne aux Ephésiens 1,
3-13 et le chemin d'Emmaüs Luc 24,13-36) et les chants (prières
du P. de Foucauld et de la Petite Thérèse) ; et celle de ses
frères Pères Blancs et Surs Blanches. Mgr Rault présida
la célébration et G. Demeerseman donna l'homélie, introduisant
plusieurs témoignages de ses amis et de sa famille. Mgr Tessier, ancien
évêque d'Oran et archevêque d'Alger, pouvait redire : Je
rends grâce à Dieu qui m'a mis au service d'une Eglise dont tous
les membres font de la rencontre avec l'autre, par delà les frontières,
le cur de leur fidélité à Jésus et à
son Evangile. N'est-ce pas un aspect très actuel de la mission universelle
? "
Philippe Thiriez