Missionnaires d'Afrique

HISTOIRE


CONFÉRENCE AUX CONFRÈRES DE ROME

Mission et Histoire
Sur une ligne de fracture
dans une société africaine

par Stefaan Minnaert M.Afr.
Historien et archiviste, Rome

Stefaan Minnaert M.Afr.Le titre que j’ai choisi, Mission et histoire, Sur une ligne de fracture dans une société africaine, résume en quelques mots mon sujet. Je veux approcher nos priorités « justice et paix et dialogue » d’un point de vue inhabituel, celui de l’historien. Je le ferai à partir de ma propre expérience au cours des dix dernières années de ma vie missionnaire. Je commence en précisant ces quatre mots du titre : mission — histoire — fracture — société africaine.

Il y a la mission
Mission ? Voici un mot qui a été commenté jusqu’à remplir des livres et des bibliothèques. Notre Société des Missionnaires d’Afrique y a contribué. Depuis sa fondation, elle a mis en valeur certains aspects de la mission en évoluant selon ses priorités à telle époque. Au début, nos confrères sont partis en Afrique pour sauver les âmes des pauvres Noirs. Puis nous avons parlé de l’implantation de l’Église avec ses infrastructures. Cette priorité qui nous rappelle une étape glorieuse de notre mission mise en valeur par Hugo Hinfelaar dans sa courte biographie de Mgr Van Sambeek (Livret bleu, Série historique n. 9). Puis il y a eu le temps où nous avions comme priorité le développement : c’était le temps des coopératives. Par la suite, nous avons vu notre mission en fonction de la création des communautés de base. Et après la période où nous avons parlé d’inculturation, aujourd’hui, le mot d’ordre c’est « rencontre, justice et paix ». Ce constat de changement dans nos priorités me semble évident. Comme historien de la mission, je veux me situer aussi au niveau de ‘justice et paix’. Le Saint-Père lui donne beaucoup d’importance. Dans son discours traditionnel devant le corps diplomatique, en janvier 2006, il a dit : « Pas de justice ni de paix sans vérité. »

Il y a l’histoire
Il y a l’histoire. Depuis l’école primaire, d’une façon ou d’une autre, nous avons tous suivi un cours d’histoire. Nous avons reçu des informations concernant le passé sous forme de synthèses. Nous avons accueilli ces synthèses sans trop poser de questions. Mais il y a une autre manière de faire l’histoire, très intéressante, c’est de l’étudier à partir des sources écrites et orales en appliquant la critique historique. Avant d’entrer dans notre Société, je me suis initié à cette science. Pour mon travail final à l’université, j’ai étudié les familles politiques de ma ville natale au XIXe siècle : leurs relations familiales, sociales et financières C’est alors que je me suis rendu compte que l’histoire est gênante quand elle touche à la vie sociopolitique de nos contemporains.

Il y a la ‘ligne de fracture’ rwandaise
Ici, j’aborde mon sujet avec une expression branchée : « ligne de fracture ». Les nouvelles à la télévision nous montrent ces fameuses lignes chaque jour. Ce sont en général des lieux de violence. Comme missionnaires, nous sommes appelés à vivre sur ces lignes de fracture. Je parle ici seulement de celle que je connais le mieux, la ‘ligne de fracture’sur laquelle j’ai vécu au Rwanda. Vous savez tous ce qui s’est passé dans ce pays. Vous savez que quand on parle de l’histoire de ce pays, on fait la distinction entre avant et après 1994, comme nous, chrétiens, nous parlons d’avant et d’après Jésus-Christ. Il y a des personnes qui ne veulent plus entendre parler de ce drame. Malheureusement nous ne pouvons pas y échapper en refoulant le passé. Les victimes veulent savoir et comprendre les causes de ce drame.

Comment approcher le drame ?
Stefaan Minnaert Lors de la conférence à RomePlusieurs approches sont possibles. La plus évidente c’est d’interroger l’histoire de ce pays dont les grands acteurs sont connus : les Rwandais eux-mêmes, les puissances coloniales allemandes et belges, et notre Société missionnaire, nous les fondateurs de l’Église catholique du pays. Nous avons notre place parmi ces acteurs pour le bien et pour le pire. Depuis 1994 et même bien avant, nous sommes visés et accusés pour certaines de nos interventions sociopolitiques faites depuis notre arrivée au pays en 1900. Ce n’est pas une situation confortable. Mais il y a du positif. Ce malaise nous a poussés à nous intéresser davantage à notre passé et les Livrets bleus de notre série historique en sont la preuve.

Les événements nous ont poussés à nous intéresser à l’histoire du Rwanda. Plusieurs initiatives ont été prises à partir de 1994 pour approfondir cette histoire. En Belgique, les confrères ont constitué un comité historique. Plusieurs historiens ont été engagés pour étudier l’affaire dont notre confrère Dominique Arnauld. Ian Linden, un historien anglais connu, a écrit Church and Revolution in Rwanda qui a été traduit en français et amélioré par un confrère. Toutes ces initiatives ont été portées par un souhait que le pape Jean-Paul II a exprimé plus spécialement aux évêques du Rwanda à l’occasion d’une visite ad limina. Il leur a demandé de clarifier l’histoire de l’Église en vue de la purification de la mémoire. Depuis lors plusieurs prêtres diocésains ont été envoyés en Europe pour faire des études dans ce sens.

Mais toucher à l’histoire du Rwanda n’est pas évident. On a l’impression de mettre le doigt sur un grand abcès qui fait mal et qu’il faut crever pour qu’il puisse guérir. Ce travail fait peur. On se rappelle qu’un jésuite belge a fait une crise de cœur alors qu’il faisait des recherches dans nos archives. Certains ont attribué cette mort à la tension qui entoure tout ce qui touche au Rwanda. Pourquoi cette peur ? Il me semble qu’il y a deux grandes raisons : l’historiographie du siècle dernier et la pensée dogmatique de certains qui veulent récupérer l’histoire pour se justifier.

Qui écrivait l’histoire au XXe siècle ?
L’historiographie du siècle dernier a été longtemps le monopole des ecclésiastiques. Parmi eux, il y avait plusieurs confrères. Nous admirons leur bonne volonté mais malheureusement ils n’étaient pas formés aux règles de ce travail. Ils ont écrit une histoire du Rwanda d’un point de vue européen en donnant aux missionnaires le beau rôle. Nous lisons chez ces historiens une histoire de lumières sans ombres et par conséquent sans relief, une histoire trop belle pour être vraie. Ils l’ont présentée pour justifier l’action de leurs confrères et les positions politiques prises par quelques vicaires apostoliques. Ils l’ont écrite aussi dans le but de trouver des finances et des vocations. À leur crédit, il faut reconnaître que ces écrivains n’avaient pas accès aux archives. Ils ont dû se contenter des lettres des missionnaires publiées dans nos revues. Ils ne pouvaient pas savoir si les lettres publiées étaient fidèles aux originaux. Pourtant leurs livres et leurs articles ont largement contribué à la formation d’une certaine image du passé, assez ‘tintée’. Ces publications ont été largement diffusées en Europe dans le milieu catholique et des décisions importantes ont été prises à partir de cette représentation du passé. Questionner le passé fait peur aux personnes qui tiennent aux schémas de pensée qu’ils sont habitués à utiliser. Ceux qui connaissent les secrets du repassage savent qu’il est difficile d’enlever un faux pli d’une chemise mal repassée.

Les idéologues
Des idéologues de tout bord veulent récupérer l’histoire pour se justifier devant l’opinion publique mondiale. Nous observons parmi eux deux tendances. Les uns veulent réécrire l’histoire en son entier et les autres refusent carrément de revoir cette histoire. Derrière ces deux attitudes, il y a un réflexe d’autodéfense, un manque de liberté et finalement un manque de respect pour l’autre. En ce qui concerne notre Société, je me rappelle toujours d’un confrère qui me disait que l’histoire est écrite une fois pour toutes. Ainsi faudrait-il donc rester dans l’ignorance au lieu de faire la vérité ? À cette question des confrères répondent : « C’est quoi la vérité ? » Comment pourrons-nous alors promouvoir et atteindre la justice et la paix ? Bref, il y a des personnes qui se fabriquent une histoire, comme on se veut se faire coudre un costume ajusté à sa taille. L’historien professionnel n’a pas ce souci, lui qui cherche à connaître le passé vécu et non celui qui est le produit de l’imagination.

Dans la souffrance, faire face à la vérité
Je ferais une injustice si je ne présentais que le tableau précédent, peu nuancé. J’oublierais tous ceux et celles qui sont prêts à faire face à l’histoire parce qu’ils ont trop souffert. Il s’agit de la grande majorité des Rwandais, sans distinction, ainsi que d’un bon nombre de confrères. Ils refusent tous d’être pris en otage par ceux que j’appelle les idéologues.
Personnellement, je suis entré dans ce débat fin 1998 pour une raison particulière, le jubilé du centenaire de l’Église catholique au Rwanda. Il fallait faire quelque chose. Mais quoi… sans heurter les différentes sensibilités ? En accord avec le Conseil Général, le Provincial de l’époque m’a envoyé à Rome pour consulter les archives. La décision a été prise en quelques semaines. Arrivé à la maison généralice, j’ai vu pour la première fois nos archives. Il s’agit des centaines de boîtes remplies de documents bien rangés suivant un ordre qui correspond à la période du gouvernement d’un Supérieur Général. Par exemple, Mgr Livinhac a été Supérieur Général de 1890 à 1922. Cette période correspond à 124 boîtes. Il ne faut pas oublier les diaires et les nombreuses publications.

Nos documents d’archives
Je prends quelques lignes pour vous présenter brièvement ces documents. Il y a les diaires, la correspondance des supérieurs majeurs, des ‘lettres de régle’et des lettres des confrères à leurs familles.

Les diaires, ces journaux rédigés à la main quotidiennement dans des cahiers, nous informent de la vie d’un poste de mission (appelés au début ‘station’). Ils sont très importants comme source d’information mais il faut les approcher prudemment. Ils ont été tenus par une personne, le supérieur de la communauté. C’est lui qui présente les faits et donne son commentaire. Un diaire donne le point de vue d’une seule personne et non pas celle de toute la communauté. Vous (ne) serez (pas) surpris en apprenant que certains événements très importants avec des conséquences graves n’ont pas été notés. Cela ne vient pas d’un oubli ! Ainsi quand des « autochtones païens » sont tués lors d’une razzia organisée par les missionnaires. Sur ce point délicat, les lettres de règle nous apportent des clarifications surprenantes. Déjà au début de la Société, des supérieurs majeurs avaient constaté que certains passages dans les diaires sont incompréhensibles pour un non-initié. Pourquoi des événements ont-ils été relatés de cette manière incompréhensible ?

La correspondance des Supérieurs majeurs, c’est-à-dire celle entre les vicaires apostoliques et des supérieurs régionaux. Au début du XXe siècle, le vicaire apostolique était à la fois supérieur ecclésiastique et supérieur religieux. Il décidait de tout, sans conseil. Il était aussi l’économe général de son vicariat. C’était ainsi le confrère le mieux informé et le plus écouté par le Supérieur Général. Cela changera à partir de 1906 avec la nomination des supérieurs régionaux (non par ‘élus’mais ‘nommés’). À partir de cette date, en consultant les documents, nous entendrons un autre son de cloche. Ainsi quand le Père Malet, ancien maître de novices, est devenu supérieur régional des vicariats Nyanza Nord, Nyanza Sud et de l’Unyanyembe. Après une visite, il désigne le vicaire apostolique du premier vicariat comme un ‘indépendantiste’, le deuxième comme un modèle d’obéissance et le troisième comme un ‘désorganisé’. Peu de lettres expédiées par Mgr Livinhac ont été conservées. Il ne faisait pas de copies pour les archives de la maison mère.

Les lettres de règles sont les rapports personnels que devait écrire chaque missionnaire au Supérieur Général. Beaucoup ont été détruites. Elles montrent que chaque confrère a sa personnalité et sa manière de faire. Nous ne sommes pas des photocopies les uns des autres. Ces lettres nous révèlent l’histoire intime des confrères avec leurs joies et leurs peines. Cela n’apparaît pas toujours à l’extérieur. Il arrive que le public nous perçoive comme des membres d’une secte où tout le monde pense comme le chef ou le gourou, ou encore comme une armée dont l’état-major commande à des soldats soumis. Il s’agit de notre image. Quelle image voulons-nous donner ?

Les lettres de nos confrères à leurs familles sont très intéressantes à cause de leurs explications et leurs réactions plus personnelles. Les missionnaires n’écrivent pas à leur mère ou à leur frère de la même façon qu’ils écrivent au Supérieur Général. Dans nos archives, ces lettres sont plutôt rares. Les lettres de Mgr Hirth, de 1872 jusqu’à sa mort en 1931, sont une exception. Nous en avons des centaines, écrites à sa famille.

Recherches à Rome et publication de deux livres
Arrivé à Rome début 1999, j’avais 30 jours pour explorer une montagne de papier. J’avais l’impression de me retrouver devant un puzzle géant mais un puzzle sans la photo qui sert de modèle. Au début, j’ai dû faire des photocopies pour transporter le matériel à Kigali. De retour là-bas, j’ai commencé à reconstituer le puzzle avec beaucoup de patience, jour après jour, en découvrant une image de l’histoire qui, à ma grande surprise, ne correspondait pas tout à fait avec celle que j’ai trouvée dans les livres d’histoire écrits auparavant. Assez différente ! Mais comment le dire ? J’ai passé des nuits blanches à ruminer cette question. C’est ainsi que j’ai écrit deux livres.

En 2000, j’en ai fait publier un premier de 120 pages pour le jubilé de l’Église, Savé 1900, Fondation de la première communauté chrétienne au Rwanda, Kigali, 2000. J’y ai présenté une série de témoignages de l’époque dont un extrait du registre de baptême de la première paroisse. Le livre a été lancé le jour de la fête et j’ai eu la surprise de constater qu’un seul lecteur n’était pas satisfait, moi-même ! C’est que je n’avais pas osé écrire la vérité. C’est très facile de tricher dans le domaine de l’histoire. Pour faire plaisir, il suffit de remplacer les lignes gênantes d’un document par quelques petits points, comme s’il s’agissait de paroles sans importance. Mais ce premier travail m’avait permis de découvrir un chemin à suivre. J’ai trouvé que je devais publier les documents dans leur intégralité. C’est parfois un peu gênant de ne rien cacher mais cela permet de s’approcher de la vérité et d’apaiser les esprits méfiants. Certains, en effet, se demandaient si quelque chose de bien pouvait sortir de la plume d’un Père Blanc qui, en plus, est belge et flamand.

En 2006, j’ai publié Premier voyage de Mgr Hirth au Rwanda : de novembre 1899 à février 1900. C’est le résultat de mon enquête basée sur 56 documents, J’ai souligné alors que tout n’est pas dit car il y a encore des documents qui manquent. Ainsi, deux ans plus tard, je viens d’en trouver un autre. J’ai considéré chaque document comme une cloche d’un grand carillon. C’est tout un travail que de faire sonner ces 56 cloches pour entendre les sons selon une pièce de musique de l’époque… malgré quelques fausses notes. J’ai dû écrire plus 700 pages. C’est beaucoup pour raconter un seul fait : l’arrivée de nos confrères au Rwanda… En présentant cette histoire, j’ai essayé d’utiliser le mode de penser rwandais qui avance doucement en cercles concentriques, pour arriver au but sans heurter personne. Nous autres Européens, nous avons une pensée autoritaire qui va directement au but. La ‘méthode rwandaise’ m’a permis d’exprimer une vérité très complexe. Si j’y suis arrivé, c’est aussi grâce à quelques historiens rwandais qui se sont intéressés à mon travail. Nous sommes sortis de cette expérience avec la conviction qu’il est nécessaire que des historiens de différentes cultures collaborent pour écrire l’histoire du Rwanda. Cela permet de mieux évaluer et interpréter les documents. Il faut donc travail en équipe.

J’ai constaté que les Rwandais ont été contents, tant à Kigali qu’à Bruxelles dans la diaspora. Dorénavant le débat historique se situe sur un autre niveau car il est basé sur des documents. C’est un pas en avant pour dépassionner ce grand débat. Évidemment on ne peut pas contenter tout le monde, comme le disent les Banyarwanda : « Nta we uneza rubanda. »

Se mettre d’accord sur l’histoire est un élément important pour arriver à la réconciliation entre Rwandais. C’est vrai aussi pour tous les pays où il y a des conflits [exemples : Japon/Chine – France/Algérie — Australiens et Américains d’origine européenne/Premières nations – Espagne et sa guerre civile – Belgique et sa question communautaire – Irlande du Nord – Europe et son passé violent…]. L’histoire est un facteur important de la culture d’une société. Elle unit ou elle devise sa population. Les problèmes d’une société sont évidemment enracinés dans le passé sauf pour les enfants qui connaissent que le moment présent. Pour avancer, il est important de se mettre d’accord sur un passé commun et ceci d’une manière adulte. Rappelons que notre fondateur a été un historien qui a donné beaucoup d’importance à l’étude de l’histoire durant sa vie et qui a demandé à ses missionnaires de s’y intéresser.

Ce n’est pas aux historiens de juger le passé. Selon quels critères d’ailleurs ? Nos critères ne sont pas ceux de nos ancêtres. Nous vivons dans un monde où tout change et évolue à très grande vitesse. Cependant nous pouvons nous questionner sur notre manière d’évangéliser. L’avons-nous fait 1) selon les critères toujours actuels de l’Évangile ; 2) selon les instructions de l’Église ; 3) selon les instructions de notre Société ? En 1908, Mgr Hirth reconnaît que lui et ses missionnaires ont utilisé parfois des moyens trop humains et que certains parmi les confrères ont employé des méthodes que Jésus n’a jamais enseignées. Oui, nos ancêtres n’avaient pas peur de l’autocritique, un outil toujours d’actualité.

Difficultés pour faire l’histoire de la mission
Je n’entre pas ici dans mes conclusions concernant l’arrivée de nos premiers confrères au Rwanda. Je pourrais y revenir à une autre occasion mais je sais que parler aujourd’hui de la mission n’est pas évident dans certains milieux. Les héros d’hier sont maintenant accusés d’avoir été des barbares qui ont détruit les cultures africaines. C’est aux Africains de faire une évaluation de notre travail. Quant à nous, il est souhaitable, et même de notre intérêt, de présenter une image équilibrée de notre mission en regardant notre expérience à partir de points de vue différents. C’est un travail de longue haleine. Pour ne pas faire une caricature, il me semble, que nous devons tenir compte de quatre éléments à garder ensemble. Au fond, il s’agit de quatre approches complémentaires de la mission.

L’approche spirituelle de la mission
L’objectif est l’annonce de Jésus, Sauveur de l’humanité, qui nous invite à nous rassembler dans la famille du Père sous l’action de l’Esprit. Cette annonce se traduit dans des œuvres concrètes. Elle donne la priorité aux pauvres. Nous sommes très à l’aise dans ce domaine. Hélas, nous sommes tentés de regarder seulement cet aspect de la mission : notre apostolat. Nous vivons alors dans une bulle spirituelle. Je me rappelle toujours d’un confrère qui me disait que je devais, comme historien, faire la liste de tout le bien que nous avons réalisé au Rwanda… Comment définir ce bien ? Quels critères vais-je utiliser pour le définir ? S’il y a du bien, il y a peut-être aussi du mal ?

L’approche politique
On peut aussi faire une approche politique de la mission vue comme force politique. Cette approche est très populaire chez les historiens laïques. La Mission s’incarne dans une société concrète. Nous avons dû prendre des positions vis-à-vis des autorités en place. À l’époque, il y avait les autorités coloniales et autochtones. Nous étions des concurrents dans une lutte impitoyable qui avait pour enjeu la confiance de la population. Certains de nos confrères se sont lancés, dans ce que Mgr Hirth a appelé la petite politique partisane. Ils voulaient aller plus vite pour occuper le terrain mais ils ont fait de la casse. Cela n’a pas été apprécié par tout le monde…

Il faut reconnaître que notre Fondateur a poussé ses premiers missionnaires à aller dans cette direction. Rappelons ses instructions concernant la conversion de princes et des chefs et la fondation d’un royaume chrétien. Les tentatives de fondation d’un royaume chrétien en Ouganda aboutiront en 1892 à une guerre religieuse, coloniale et civile, un drame qui a remis en question une partie de la théorie de Lavigerie. Il est vrai que nos confrères ont dû s’adapter dans certains pays à des sociétés au pouvoir central très fort et, ailleurs, à des sociétés sans pouvoir central.

Durant notre histoire, nous nous sommes positionnés vis-à-vis des injustices que nous avons rencontrées en Afrique, l’esclavage, la pauvreté, l’injustice sociale, l’ignorance… Il faudrait encore préciser si notre présence missionnaire dans une société africaine a été un facteur d’unité ou de division ? Je pense que les réponses sont multiples d’après le contexte des différentes sociétés africaines que nous avons évangélisées.

L’approche financière de la mission
La mission est aussi une entreprise financière. Son financement est un sujet dont nous ne savons presque rien. J’ai été surpris de découvrir que nos postes de mission, avant 1906, n’avaient pas de comptabilité. Le supérieur du poste était aussi l’économe. Les ouvriers de la mission étaient payés avec étoffes, des perles et du sel. Chaque mission avait aussi sa propre monnaie : des tickets échangés à la fin du mois pour des objets. Ainsi, au grand mécontentement des chefs qui perdaient leur autorité, nous avons introduit le système capitaliste sans tenir compte du système traditionnel basé sur des corvées. Sans argent, il n’y a pas de mission. Nos ancêtres le savaient. Et nos économes d’aujourd’hui le savent aussi.

L’approche socioculturelle de la mission
La mission est un lieu de rencontre entre des cultures, des personnes et des idées. Il me semble que cette approche est le résultat d’une longue évolution porté par des prises de conscience. N’oublions pas que dans le passé, la mission a été aussi un lieu de confrontation, parfois violente, entre cultures différentes. Les Européens étaient convaincus de leur supériorité culturelle et religieuse. Ils dictaient leur volonté au monde africain, comme les États-Unis dictent aujourd’hui leur volonté au monde. Notons en passant que les Africains se sont défendus selon leurs possibilités et avec leurs moyens.

Aujourd’hui, nous parlons facilement du choc entre cultures. L’histoire en connaît plusieurs… dont celui de l’époque coloniale. Ce choc entre cultures suscite pas mal de racisme dont nos communautés MAfr et nos communautés chrétiennes sont à la fois les témoins et les victimes. Dans le passé, il y avait peu de place pour le dialogue entre religions. Les études de nos premiers anthropologues et ethnologues n’étaient pas toujours faites pour favoriser la rencontre… comme certains auteurs l’écrivent. Au contraire, ils cherchaient plutôt à trouver les failles pour remplacer, le plus vite possible, les religions et les cultures africaines par la religion et la culture d’Europe.

La mission : le choc, la joie et la souffrance
La mission a été et est encore un lieu de confrontation des idées entre nous missionnaires qui sommes de cultures, de nationalités et d’âges différents. Ces conflits et ces tensions sont des lieux privilégiés de créativité et de vie, comme la naissance d’un enfant. La mission est un lieu de joie mais aussi de grandes souffrances. Mais ce sont les souffrances qui nous ont aidés le plus, je crois, car le salut s’enracine dans la croix. Ces souffrances nous ont aidés à faire des prises de conscience et à faire avancer notre compréhension de la mission. Ce que nous prêchons aujourd’hui, dans certains domaines, est un peu à l’opposé de ce que nous avons prêché il y a 100 ans. Nous avons fait ce cheminement lentement à travers un siècle. Il faut lire les lettres de règle de nos confrères. Récemment, j’ai trouvé dans une lettre de 1910 qu’un confrère se plaint de son supérieur, connu pour sa grande vertu, parce que ce supérieur ne demande jamais l’avis de sa communauté. Ce confrère en difficulté découvrait alors l’importance de la concertation. La mission comme terrain de dialogue et de confrontation est un domaine d’étude très intéressant. La mission a été le lieu de la rencontre de ce qui conduit à la vie ou à la mort. Elle a permis à la créativité de jaillir pour faire face aux nouveaux défis.

Quand nous parlons de la mission, si nous voulons garder le contact avec le réel, nous devons tenir compte à la fois de ces quatre aspects, le spirituel, le politique, l’économique et le sociologique. La connaissance de notre histoire nous aidera à mieux connaître notre identité comme société missionnaire à partir des expériences faites depuis notre fondation. Il s’agit d’une source de sagesse qui rendra notre action plus efficace. Elle nous aidera aussi à ne pas tourner en rond dans certains domaines. Récemment j’ai envoyé à notre Économe Général un texte sur les finances et l’internationalité de notre Société. L’Économe Général a commenté en disant que cette question d’il y a 100 ans est toujours d’actualité.

L’histoire est un outil indispensable pour faire avancer la justice et la paix en Afrique qui vit tant de ‘lignes de fracture’. L’Afrique est appelée à se réconcilier avec son passé tourmenté suite à de la colonisation. L’Afrique balance entre tradition et modernité. Nous pouvons dire avec fierté que nos archives et notre bibliothèque conservent une partie de la mémoire de l’Afrique. Sommes-nous conscients de son importance pour l’avenir de notre Société et pour celui de l’Afrique ?

Stefaan Minnaert M.Afr.
Rome, le 20 février 2008


La salle de travail de bibliothèque de la Maison Généralice

Pour beaucoup, nos archives et la bibliothèque ‘africaine’, avec plus de 9000 monographies et des milliers de livres et de revues sur l’Afrique, sont un lieu incontournable pour l’étude de l’Afrique. Par ses archives et sa bibliothèque, la Maison Généralice rend service à l’Afrique en général et à son Église.

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Tiré du Petit Echo N° 991 2008/5

 


 

Missionaries of Africa

HISTORY


CONFERENCE TO CONFRERES IN ROME

Mission and History
On a fault line in an African Society

by Stefaan Minnaert M.Afr.
Historian, Archivist, Rome

Stefaan Minnaert M.Afr.My chosen title, Mission and History - On a fault line in an African Society, summarises my topic in a few words. I want to approach our Justice & Peace and Dialogue priorities from an infrequent angle, that of the historian. I will do so based on my own experience over the last ten years of missionary life. I begin by defining these four words in the title: mission, history, fault line, and African society.

Mission
Mission is a word that has been commented on enough to fill books and libraries. Our Society of Missionaries of Africa has contributed to them. Since its foundation, it has highlighted certain aspects of mission in its development, according to its priorities in specific periods. At the beginning, our confreres left for Africa to save the souls of the ‘poor Africans’.

Then we spoke of planting the Church in all its institutional aspects. Hugo Hinfelaar put this priority, recalling a glorious period in our mission, into high relief in his short biography of Bishop Van Sambeek (Blue History Series n° 9). Then came the time when our priority was development, the age of the cooperatives. Later, we saw our mission in terms of creating basic communities. Then, after the period during which we spoke of inculturation, today the watchwords are Encounter, Justice & Peace. This observation of change in our priorities seems clear to me. As a mission historian, I also wish to place myself at the level of Justice and Peace. The Holy Father gives it great importance. In his traditional speech to the diplomatic corps in January 2006, he said, ‘There is no justice or peace without truth.’
History

Since primary school, one way or another, we have all followed courses in history. We have received information about the past in the form of summaries. We took these summaries on board without asking too many questions. However, there is another very interesting way of doing history from the written and oral sources, applying historical criticism. Before joining the Society, I learned this science for myself. For my final assignment in university, I studied the political families of my home country in the 19th century. This included their family, social and financial relations. It was then I realised that history can be disturbing when it affects the socio-political life of our contemporaries.

The Rwandan fault line
Here, I tackle my subject with a current expression, ‘fault line’. Television news shows us these notorious cracks on the surface of society every day. They are usually violent trouble spots. As missionaries, we are called upon to live on these ‘fault lines’. I will only mention here the one I know best, the ‘fault line’ I experienced in Rwanda. You all know what happened in this country. You know that when we speak of the history of this country, we make a distinction between before and after 1994, just as we Christians speak of before and after Jesus Christ. There are people who no longer wish to hear of this tragedy. Unfortunately, we cannot escape it by suppressing the past. Its victims want to know and understand the causes of the calamity.

How do we approach this tragedy?
Stefaan Minnaert Lors de la conférence à RomeThere are several approaches. The most obvious is to enquire about the history of the country whose major protagonists are known. They are the Rwandans themselves, the German and Belgian colonial powers, our Missionary Society as the founders of the Catholic Church in the country. We take our place among these protagonists for better or worse. Since 1994 and even well before that, we have been targeted and accused on account of some of our socio-political interventions made since our arrival in the country in 1900. It does not sit easily. However, there is a positive aspect. This unease has compelled us to take more interest in our past and the Blue Booklets of our History Series are proof of it.

The events pushed us to interest ourselves in the history of Rwanda. Several initiatives were taken from 1994 to deepen awareness of this history. In Belgium, confreres formed a history committee. Several historians were engaged to study the affair, including our confrere Dominique Arnauld. Ian Linen, the English historian, wrote Church and Revolution in Rwanda, which was translated into French (and amplified) by a confrere. All these initiatives were undertaken on account of the wish Pope John Paul II expressed more particularly to the Rwandan Bishops on their ad limina visit. He asked them to clarify the history of the Church in view of purifying its memory. Since then, several diocesan priests have been sent to Europe to study with this in view.

However, touching Rwanda’s history is not easy. It is like probing a huge painful abscess that has to be lanced in order to heal. It is a fearful task. We remember a Belgian Jesuit who had a heart attack while researching in our Archives. Some attributed his death to the tension surrounding anything touching on Rwanda. Why is there this fear? It seems to me there are two main reasons: the historiography of the last century and the dogmatic thinking of some who seek to reclaim history for self-justification.

Who wrote the history of the 20th century?
The historiography of the last century was for a long time the monopoly of ecclesiastics. Among them were several confreres. We admire their good will, but unfortunately, they were not trained to follow the working rules. They wrote a history of Rwanda from a European viewpoint, giving missionaries an ideal role. From these historians, we read a history of light without shadow and consequently one-dimensional, a history too good to be true. They presented it that way in order to justify the actions of their confreres and political positions taken by certain Vicars Apostolic. They also wrote with the intention of fundraising and encouraging vocations. To their credit, it has to be acknowledged that these writers had no access to archives. They had to make do with letters from missionaries published in our magazines. They could not verify if the letters published were faithful to the originals. Nevertheless, their books and articles contributed greatly to the forming of a certain ‘inflected’ image of the past. These publications were distributed throughout Europe in Catholic circles and important decisions were taken on the basis of this representation of the past. Questioning the past scares people who hold to familiar set ideas. Those who are experts in ironing know how difficult it can be to remove a crease from a badly ironed shirt.

The ideologists
Ideologists from every persuasion seek to reclaim history to justify themselves before public opinion worldwide. There are two noticeable tendencies among them. There are those who seek to rewrite history completely and others who bluntly refuse to review it. Underpinning both these attitudes is the survival instinct, a lack of freedom and ultimately a lack of respect for others. As far as our Society is concerned, I always remember a confrere who told me that history is written once and for all. Does this mean we should remain in ignorance instead of seeking the truth? Some confreres replied, ‘What is truth?’ So, how can we promote and achieve justice and peace? In brief, there are people who create a history for themselves, just like having a suit made-to-measure. The professional historian does not have this concern, as he is seeking factual experience and not one that is the product of someone’s imagination.

In suffering, face up to the truth
I would be doing an injustice if I were only to present the preceding, unsubtle picture. I would be forgetting all those men and women who are ready to confront history because they have suffered so much. This concerns the vast majority of Rwandans, without distinction, as well as a good number of confreres. They all refuse to be taken hostage by those I will call the ideologists.

Personally, I entered this debate in late 1998 for a particular reason, the centenary of the Catholic Church in Rwanda. Something had to be done; but what could be undertaken without offending the various sensitivities? With the agreement of the General Council, the Provincial of the time sent me to Rome to consult the Archives. The decision was taken in a matter of weeks. Once I arrived at the Generalate, I saw the Archives for the first time. There are hundreds of boxes full of well-stored documents in an order corresponding to the period of government of a Superior General. For instance, Archbishop Livinhac was Superior General from 1890-1922. This period corresponds to 124 boxes. Diaries and numerous publications must also be taken into account.

Our documents in the archives
In a few lines, I would briefly like to present these documents to you. There are diaries, the correspondence with Major Superiors, ‘regulation’ letters, and letters from confreres to their families.

The diaries, journals written daily by hand in notebooks, inform us of the life of a mission post (initially called a ‘station’). They are very important as sources of information, but they have to be approached with caution. One individual, the superior of the community, kept them. He it is who presents the facts and makes the remarks. A diary gives the viewpoint of one individual and not of the whole community. You may or may not be surprised that certain very important events with serious consequences were not noted. This is not a matter of forgetting! Thus, there is a diary omission when ‘pagan natives’ are killed in a raid organised by the missionaries. On this sensitive issue, the ‘regulation’ letters afford surprising clarification. Even from the beginning of the Society, Major Superiors had noticed that certain passages in the diaries were unintelligible to a non-initiate. Why were events related in such an incomprehensible manner?

Correspondence between Major Superiors means between Vicars Apostolic and Regional Superiors. Early in the 20th century, the Vicar Apostolic was simultaneously an Ecclesiastical and a Religious Superior. He decided everything, without a council. He was also the Treasurer General of his Vicariate. He was therefore the most informed and the most heard by the Superior General. This would change from 1906 and the appointment of Regional Superiors (not elected, but appointed). From that day, consulting the documents, we would register a quite different version, as when Father Malet, a former Novice Master, became Regional Superior of the Vicariates of Nyanza North, Nyanza South and Unyanyembe. After a [formal] visit, he described the Vicar Apostolic of the first Vicariate as an ‘independentist’, the second as a ‘model of obedience’ and the third as ‘disorganised.’ Few letters sent by Archbishop Livinhac have been preserved. He did not make copies for the Archives of the Generalate.

The ‘regulation’ letters were personal reports that every missionary had to write to the Superior General. Many have been destroyed. They show that each confrere had his personality and way of doing. We are not carbon copies of one another. These letters reveal the private history of confreres with their joys and sorrows. This does not always appear on the surface. On occasion, the public would see us as members of a sect, where everyone thinks like the chief or the guru, or again like an army, where headquarters command submissive soldiers. It is a matter of image. What image do we want to project?

The letters of our confreres to their families are very interesting due to their more personal explanations and reactions. Missionaries do not write to their mother or brother in the same way they would write to the Superior General. In our Archives, these letters are rather rare. The letters of Bishop Hirth, from 1872 till his death in 1931, are an exception. We have hundreds of them, written to his family. Research in Rome and publication of two books
Once I arrived in Rome at the start of 1999, I had 30 days to explore a mountain of paper. I had the impression of being before a giant jigsaw puzzle without the finished picture as guide. At the beginning, I had to make photocopies to take the material to Kigali. Once back there, I began to reconstitute the puzzle with lots of patience, day by day, discovering a picture of history that to my great surprise did not quite correspond to the one I had come across in the previously compiled history books! How could this be told? I spent sleepless nights ruminating on this question. That is how I came to write two books.

In 2000, I published a first one of 120 pages for the Church Centenary, Savé 1900, Fondation de la première communauté chrétienne au Rwanda, Kigali, 2000. In it, I presented a series of testimonies from the period, including an extract from the baptismal register of the first parish. The book was launched on the day of the celebration and I was surprised to find that the only unsatisfied reader was myself! I had not dared to tell the truth. It is too easy to cheat in the area of history. To please, it is enough to replace troublesome entries in a document by a few full stops in succession, as though the subsequent words were a matter of no importance.

However, this initial work enabled me to discover the way to follow. I found I ought to publish documents completely. It is sometimes a bit embarrassing not to hide anything, but it enables us to come close to the truth and appease distrustful minds. Indeed, some asked themselves if anything good could come from the pen of a White Father who was, to boot, Belgian and Flemish.

In 2006, I published Premier voyage de Mgr Hirth au Rwanda : de novembre 1899 à février 1900. It is the result of my research based on 56 documents. At that time, I emphasised that all had not been said, as there are still some documents missing. Even now, two years later, I have just come across another. I considered each document as a bell in a large carillon. It is quite a job to ring these 56 bells to chime the tunes of the period, in spite of some flat notes. I must have written over 700 pages. It seems a lot just to recount the single fact of the arrival of our confreres in Rwanda. By presenting this history, I tried to use the Rwandan way of thinking, which softly moves forward in concentric circles, arriving at the objective without hurting anyone. Europeans, by contrast, use authoritative thinking that directly targets the object. The ‘Rwandan method’ enabled me to express a very complex truth. If I have succeeded, it is also due to some Rwandan historians who became interested in my work. We emerged from this experience with the conviction that historians of different cultures need to work together to write the history of Rwanda. This would enable a better evaluation and interpretation of the documents. Teamwork is therefore essential.

I noticed that Rwandans both in Kigali and Brussels, in the diaspora, were content. From now on, the historical debate is placed at another level, as it is based on documents. It is a step forward in de-dramatising this great debate. Of course, we cannot please everyone; as the Banyarwanda say, ‘Ntawe uneza rubanda.’

Agreeing about history is an important element in achieving reconciliation among Rwandans. It is also true for any countries where there are conflicts: Japan/China; France/Algeria; Australians and Americans of European origin/First Nations; Spain and its Civil War; Belgium and its communities; Northern Ireland; Europe and its violent past. History is an important factor in the culture of a society, uniting or dividing its population. Inevitably, the problems of a society are rooted in its past, except for children who live only in the present. To move forward, it is important to agree on a common past and in an adult way. Let us remember that our Founder was an historian who placed a lot of importance on the study of history during his life and asked his missionaries to take an interest in it.

It is not up to historians to judge the past. Besides, what criteria would they use? Our criteria are not those of our forebears. We live in a world of very rapid change and development. However, we can question our way of evangelising. Did we do so, firstly, according to the perennial criteria of the Gospel; secondly, according to the instructions of the Church; thirdly, according to the instructions of our Society? In 1908, Bishop Hirth admitted that he and his missionaries sometimes used excessively human means and that some among his confreres used methods that Jesus never taught. Clearly, our forefathers were not afraid of self-criticism, an ever-topical device.

Difficulties in writing the history of mission
I will not broach the subject of my conclusions concerning the arrival of our first confreres in Rwanda at this point. I could come back on it on another occasion, but I know that speaking of mission today in some circles is not easy. The heroes of yesteryear are now accused of having been barbarians who destroyed African culture. It is up to the Africans to assess our work. As for us, it would be desirable, even in our interest, to present a balanced picture of our mission by looking at our experience from different points of view. This is a long drawn-out job. To avoid caricature, it seems to me we must take account of four factors we need to keep together. At base, it concerns four corresponding approaches to mission.

The spiritual approach to mission
The aim is to proclaim Jesus, Saviour of humanity, who invites us to gather into the family of the Father under the impulse of the Spirit. This proclamation translates into concrete action, giving priority to the poor. We are very much at ease in this area. Alas, we are tempted to look only on this aspect of mission: our apostolate. We would then be living in a spiritual capsule. I always remember a confrere tell me that as an historian, I should make a list of the good we achieved in Rwanda. How can we define this good? What criteria would I use to define it? If there is good accomplished, is there perhaps also evil?

The political approach
We can also have a political approach to mission seen as a political power. This approach is very popular among lay historians. The Mission is rooted in a concrete society. We were obliged to take a stand vis-à-vis the prevailing authorities. At the time, there were colonial and native authorities. We were competitors in a pitiless struggle for the trust of the population. Some of our confreres threw themselves into what Bishop Hirth calls minor partisan politicking. They wanted to quicken the pace in occupying the territory, but they did a lot of damage instead. Not everyone found it helpful. It has to be said that our Founder pushed his first missionaries in this direction. We recall his instruction concerning the conversion of princes and chiefs, as well as the founding of a Christian kingdom. The attempts to found a Christian kingdom in Uganda would end in 1892 with a religious, colonial and civil war. It was a tragedy that put into question some of Lavigerie’s theory. It is true that our confreres had to adapt themselves in some countries to societies with a very strong centralised power base and elsewhere to societies with none.
Throughout our history, we have taken a stand vis-à-vis injustices we came across in Africa. These include slavery, poverty, social injustice and ignorance. We still need to define whether our presence in African society was a factor for unity or division. I believe there are many possible answers, depending on the context of the various African societies we evangelised.

The financial approach to mission
Mission is also a financial undertaking. Its financing is a topic of which we know almost nothing. I was surprised to discover that our mission posts before 1906 had no accounting system. The Superior of the post was also the bursar. Mission workers were paid in bales of cloth, pearls or salt. [Every mission also had its own currency: vouchers exchanged at the end of the month for goods.] Therefore, to the enormous discontent of the chiefs, who thereby lost their authority, we introduced capitalism, without taking account of the traditional feudal system based on days of unpaid labour. Without money, there was no mission. Our forebears knew this and our treasurers know it too.

The sociocultural approach to mission
Mission is a meeting point for cultures, people and ideas. It seems to me that this approach is the result of a long evolution ushered in by gradual awareness. Let us not forget that in the past, mission was also sometimes a violent clash of cultures. Europeans were convinced of their cultural and religious superiority. They dictated their will to the African world, just as the United States today dictates its will worldwide. We note in passing that Africans defended themselves according to their means.

Today, we easily speak of cultural shock. History can relate several instances, including those during the colonial period. This cultural shock gives rise to quite a lot of racism to which our MAfr and parish communities are at once the witnesses and the victims. In the past, there was little room for dialogue between religions. The research of our first anthropologists and ethnologists was not always carried out to foster encounter, as certain authors would have it. On the contrary, they rather sought to find flaws to replace, as quickly as possible, African culture and religion for European culture and religion.

Mission: shock, joy and sorrow
Mission was and still is a crossroads of confrontation in ideas between us as missionaries from different cultures, nationalities and age ranges. These conflicts and tensions are quality times of creativity and life, like the birth of a child. Mission is a place of joy, but also of great sorrow. However, sorrows have helped us most, I believe, because salvation is rooted in the Cross. Suffering has helped us realise and move forward in our understanding of mission. What we preach today in certain areas is a little the opposite of what we preached a hundred years ago. We have made this journey slowly over a century. You would need to read the ‘regulation’ letters of our confreres. Recently, I found a complaint from a confrere in a letter from 1910 about his Superior, known for his great virtue, but who never sought the opinion of the community. This confrere in difficulty was then discovering the importance of concerted action. Mission as the ground for dialogue and confrontation is a very interesting area of study. Mission was a point of encounter for what leads to life or death. It enabled creativity to spring up to confront new challenges.

When we speak of mission, if we want to keep our feet on the ground, we have to bear in mind these four aspects simultaneously: the spiritual, political, economic and sociological. Knowledge of our history will help us to know our identity as a Missionary Society better, based on experiences gathered since our foundation. It represents a source of wisdom that will make our action more effective. It will also help to stop dithering in certain areas. Recently, I sent a text on our Society’s finances and internationality to our Treasurer General. He remarked that the situation a century ago was still relevant today.

History is an indispensable instrument for promoting justice and peace in Africa, living on so many fault lines. Africa is called to reconcile itself with its tormented past in the aftermath of colonisation. Africa swings between tradition and modernity. We may say with pride that our Archives and library conserve a part of Africa’s memory. Are we aware of its importance for the future of our Society and that of Africa?

Stefaan Minnaert
Rome, 20 February 2008


The Reading Room of the Generalate Library

For many, our Archives and Africa library (more than 9000 titles) are essential references for African studies. This is a unique service the Generalate offers to Africa and the African Church.

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From Petit Echo n°991 2008/5