Voix d'Afrique N° 58(hymne et carte qui s'agrandit)
Afrique du Sud


PETIT TROUPEAU
L'Eglise en Afrique du Sud

Didier Michon

Gauteng. Western Deep/ Levels Gold Mine

Didier Michon, ancien assistant provincial de 1984 à 1990, partage l'aventure de l'Afrique du Sud depuis 1990.
Nous l'avons rencontré.

Didier Michon est rentré !
On ne s'y attendait pas.

On connaît bien Didier dans la Province de France. Il a visité chacune des 21 communautés qu'il y avait autrefois en France et rencontré les anciens des maisons de retraite, les missionnaires, en congé ou engagés dans l'animation missionnaire. Il recevait avec son grand sourire tous ceux qui passaient par la maison provinciale, rue Roger Verlomme. Le voilà qui revient : que s'est-il passé ?

Mamans catéchistes lors d'un stage à DurbanBien sûr ce n'est plus un jeune missionnaire : il est parti pour la Zambie en 1961 où il a travaillé pendant vingt ans, dans les grandes paroisses "de brousse ". Après huit ans en France, d'abord à Toulouse puis dans l'équipe provinciale, il a demandé à repartir pour une autre aventure : il avait demandé le Soudan ou l'Afrique du Sud, on lui a donné l'Afrique du Sud. C'est un nouveau départ, en 1990. Après les foules de chrétiens, les églises bondées, les jeunes communautés de Zambie, il se retrouvait dans l'Afrique du Sud en pleine ébullitions, le pays de l'appartheid, dont l'évangélisation n'avait pas suivi le rythme des autres pays du continent.

Mandela est libéré après vingt sept ans de prison. Les mentalités ont changé et on réalise que la politique de développement séparé est intenable et sans avenir ; les aspirations des Africains largement majoritaires sont satisfaites, et le vieux sage s'impose pour créer une nouvelle Afrique du Sud, dans la paix et la réconciliation.
A Whitbank, Didier et ses confrères s'établissent au milieu des Africains. Il apprend la langue zoulou, langue à "clics" très différente de celles qu'il parlait en Zambie. Le logement est plus que modeste, et les communautés chrétiennes réduites à quelques unités, quelques familles très dispersées.

La grande majorité des adultes travaillent à plus de 50 km dans les mines d'or et de charbon ou dans le grandes exploitations agricoles locales; ils reviennent de temps en temps, plus ou moins régulièrement, pour visiter leur famille une fois par mois ou après plusieurs mois. Les villages ont été créés de toute pièce dans ce qu'on a appelé des "bantoustan". Les terres sont très pauvres, les pluies irrégulières : ce sont avant tout des dortoirs pour les ouvriers des mines.

La situation religieuse est assez étrange : tous les sud-africains noirs se déclarent chrétiens. En fait ils appartiennent à l'une des trois mille "églises indépendantes" qui pullulent dans le pays. La Bible a été introduite par les premiers missionnaires protestants, et la règle de l'interprétation individuelle est adoptée partout. Chacun est libre de trouver la vérité là où il se croit guidé, de former autour de lui un groupe religieux sans autre forme de magistère que le charisme du fon-dateur, d'où l'abondance des églises indépendantes : Eglise sioniste, Eglise des Apôtres, Eglise de l'Emmanuel etc. Les Pères Blancs sont les derniers arrivés ; ils y ont été appelés récemment pour remplacer un missionnaire combonien de 88 ans qui résidait dans le quartier des blancs. Ils décident de vivre avec les africains et rayonnent très vite pour visiter familles et individus pour les regrouper et former des petites communautés. Elles passent de 8 à 25 en quelques années. Petit à petit, les assemblées domestiques prennent forme, des petites églises sont bâties avec des moyens rudimentaires, puis "en dur", c'est-à-dire brique et tôle ondulée. Elles sont financées par les communautés elles-mêmes.

Après une année sabbatique, en 2000, L'Afrique du Sud est le premier producteur d'or du mondeDidier est envoyé chez les Ndébélé : la population est très différente. Alors que les Zoulous avaient pris leurs distances depuis très longtemps avec les coutumes traditionnelles, les Ndébélé y restent très attachés. Tous les quatre ans, la vie quotidienne s'arrête presque pour trois ou quatre mois, période d'initiation pour tous les jeunes gens : qui n'est pas initié ne peut prétendre être un homme !
Mais d'autres problèmes surgissent : le Sida, fait des ravages, et les petites communautés chrétiennes sont engagées pour accompagner les malades, réconforter et aider les veuves et les orphelins. "J'étais malade et vous m'avez visité…" La parabole devient ici situation concrète.
Et puis il y a les pauvres qui se trouvent démunis devant l'administration et privés de leurs droits, faute de les connaître. Les Pères Blancs ont lancé des équipes de conseillers pour les recevoir, leur faire connaître leurs droits, faire les démarches pour qu'ils retrouvent leur dignité. Les conseillers, recrutés par les missionnaires d'après leur compétence et leur capacité d'écoute, ne sont pas nécessairement catholiques : c'est dire qu'on est loin de tout prosélytisme, mais les salaires et l'entretien d'un minimum de structures sont un souci quotidien. La Communauté Européenne a donné un bon coup de main pour démarrer, mais le projet devrait maintenant voler de ses propres ailes !

Didier ne voit pas les jours, ni les années passer… Jusqu'au jour où un malaise cardiaque se déclare : transport d'urgence dans un hôpital de Johannesburg, triple pontage… et repos forcé, d'abord sur place, puis en France.
Il est reparti en novembre 2002. " Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie… comme des brebis au milieu des loups…

Voix d'Afrique.