Témoignages
Gilles Mathorel raconte sa vie mouvementée
Il passe en ce moment ses congés à Nantes, sa ville natale ; repos bien mérité quand on lit la vie active de notre confrère dans le diocèse de Chipata, en Zambie, avec ses appréhensions pour un tout nouveau poste à Encouter Center, centre de rencontres inter-Églises, inter-religieuses, inter-culturelles à Lusaka, capitale zambienne.
LIslam
Au mois de décembre dernier jai fait un très long voyage de 3 000 km. En effet, jai été appelé à Kasama pour y animer une session dIslamologie pour nos novices de là-bas : voyage en car en deux étapes : 600 km de Chipata à Lusaka, puis 900 km pour arriver jusquà Kasama. Ce fut un voyage moins fatiguant quen voiture et surtout beaucoup moins cher. Jai eu quelques surprises ici ou là devant des gens, jeunes et moins jeunes, qui venaient me saluer. Même à la gare routière de Lusaka, alors que jétais déjà dans le car, des jeunes manutentionnaires sont venus vers le car en criant mon nom Après 30 ans dans le même pays, on commence à être connu. Par contre, au cours dun arrêt à la ville de Kapiri Mposhi, dautres jeunes se sont approchés de moi en prononçant la salutation musulmane. Cétait ma barbe qui leur faisait croire que jétais un musulman.
Ma session dIslam sest bien passée. Ce fut une expérience bénéfique, car cétait la première fois que je me retrouvais au Noviciat, depuis mon propre noviciat en 1968. Il était bon de se retrouver au milieu de toute cette jeunesse : des Africains de toutes nationalités (Congolais, Rwandais, Burkinabé, Nigérian, Ghanéen et autres) sans oublier 5 Indiens et 1 Philippin. Tous ont été heureux de cette session ; mais jai été frappé de voir combien ils sont mal à laise devant cet Islam daujourdhui, si souvent agressif. Je me suis efforcé de leur montrer tout le positif de lIslam quand il est bien vécu, selon certaines orientations.
La Zambie
En Zambie, nous restons un pays relativement calme, socialement, politiquement et climatiquement. Relativement, car nos pluies sont irrégulières et nous avons des secteurs du pays qui manquent deau et donc de nourriture. Mais notre situation est loin davoir les dimensions catastrophiques du Niger ou du Soudan. Sur le plan politique, nos politiciens se lancent des injures ; quelques fanatiques commandés en viennent aux mains, mais cela reste très limité. Par contre, la corruption devient aussi endémique que le Sida.
Navutika
Navutika est ma terre promise. À vrai dire, la communauté sessouffle et moi aussi. Alors, je les invite à aller de lavant, ils sont dune lenteur à vous faire perdre espoir. Nos abris extérieurs et la salle de réunion en style africain local ne sont toujours pas sortis de terre. Alors que je leur en ai parlé en janvier 2005, ce nest quen novembre dernier quils ont eu lair de vouloir sy mettre .. Jai pu leur offrir le tabernacle pour leur église, ouvrage des menuisiers de latelier du Frère Helmut, Père Blanc allemand basé à Chikungu.
Larrivée du tabernacle dans léglise de Navutika.
Navutika, cest aussi, comme lan dernier, les malades du Sida. Le plus triste, ce fut Marita une petite fille de 7 ans. Son père est mort du sida il y a 3 ans ; lan dernier nous avons sauvé la maman en la mettant sous traitement anti-viral. Alors que je revenais de Lusaka, jai appris que Marita était malade. On disait : ennuis cardiaques. Javais peur quelle fût aussi séro-positive. Je nai pas eu le courage de suggérer à la maman quelle fasse tester sa petite fille. Toujours est-il que Marita nous a quittés pour le Seigneur il y a maintenant 6 mois. Je ne verrai plus son joli sourire et sa joie de me voir quand jarrivais chez ses parents.
Allons-nous ouvrir une paroisse à Navutika ? Il y a de plus en plus de doute à ce sujet. Lenthousiasme initial de certains de mes confrères semble sêtre évanoui. Il est vrai que les quelques jeunes confrères que nous recevons ne restent pas en permanence dans notre Province et sont souvent appelés à dautres fonctions ou études supplémentaires. Alors pourquoi ne pas simplement collaborer, offrir seulement notre aide aux prêtres diocésains, au lieu de chercher à ouvrir un nouveau chantier quon nest pas sûr de pouvoir achever Navutika, jy ai mis tout mon cur, mais cela ne mappartient pas. Alors laissons faire mes supérieurs et la Providence. Et surtout ne regardons pas en arrière. Depuis 6 mois, on parlait donc beaucoup dune nouvelle affectation pour moi. Cela semble maintenant se confirmer.
Encounter Center
Récemment, mon Provincial ma demandé de me joindre à une nouvelle équipe qui va ouvrir à Lusaka un centre appelé Encounter Center dont la mission sera de favoriser les rencontres inter-Églises inter-religieuses et inter-culturelles. Dans cette équipe, sous la direction de François Richard, notre ancien Supérieur Général, je serai, si lon peut dire, lhomme de lIslam. Dans léquipe nous aurons aussi Hugo Hinfellar (Hollandais), anthropologue qualifié sur la culture Bemba, et un jeune confrère Allemand Bernhard Udelhoven, également anthropologue. Nous avions en vue un autre confrère spécialiste en cuménisme, mais il est parti à Jérusalem. Dans le futur, nous espérons la venue dun confrère africain.
Rien ne mattirait vers Lusaka, la capitale. Y être le pasteur dune paroisse de chrétiens na rien dexcitant. Autant faire la même chose en France. Mais cette proposition de me joindre à léquipe de lEncounter Center est un défi et minvite à linitiative et la créativité. Néanmoins, notre Center nest pas encore sorti de terre. Le terrain est là, le mur denceinte a été construit, les plans de construction sont devant nous
Pour être franc, le problème capital de ce centre est financier. Et il nous faudra vivre sur nos recettes, produit de nos conférences, sessions et publications. Si nos tarifs sont trop élevés, nous ne serons pas demandés. Vos dons serviront donc à la mise en place de ce Centre et à favoriser une entente inter-religieuse et inter-culturelle ici en Zambie. Dans un monde où il y a tellement de tension et de violence, il est peut-être prophétique de mettre en place des centres de rencontres et de conciliation pour être des témoins dune paix possible en Jésus Christ. Je recommande cette nouvelle aventure missionnaire à votre prière.
Mon retour en France
Je suis rentré en France durant la dernière semaine de Mars. Et après un bref séjour à Paris, jai célébré la Semaine Sainte à Nantes. Je me ferai examiner les yeux et, sans doute, opérer de la cataracte. En juin, je compte me trouver à Rome pour suivre la session des Seniors. Le but est de nous aider à entrer sereinement dans le 3e âge.
Fraternellement et bien amicalement
Gilles Mathorel
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