Voix d'Afrique N°90.




Rien ne prédestine Emmanuel N’Djoké Dibango, fils de fonctionnaire camerounais, à devenir le chantre internationale de la musique moderne africaine, sinon peut-être le fait que sa mère s’occupe de la chorale protestante de son quartier.

Né à Douala en 1933, Manu est envoyé en France, en 1949, pour ses études secondaires. D’abord à Chartres, il découvre le jazz et apprend le piano ; puis, à Reims, il s’initie au saxophone. Durant sa terminale, il commence à se produire dans les ‘boîtes’ de la ville. Comme il échoue à son bac, son père lui coupe les vivres.

Fin 56, il part à Bruxelles où il rencontre Coco, sa femme. Le jazz qu’il joue dans les boîtes de nuit s’africanise au contact du milieu congolais dans l’ambiance de l’accession du Congo belge à l’indépendance en 1960. C’est Joseph Kabasélé (Grand Kalle) qui va lui ouvrir les portes d’un monde qu’il a oublié. Grand Kalle l’embauche comme saxophoniste, et ils enregistrent plusieurs disques qui ont du succès en Afrique et les amènent à Léopoldville en 1961. Son retour au Cameroun, en 1963, est difficile et il regagne la France.

A Paris, il fréquente les milieux artistiques tant africains qu’européens. Il va jouer dans l’orchestre de Dick Rivers, puis dans celui de Nino Ferrer. Les tournées se succèdent.

En 1972, à l’occasion de la huitième coupe d’Afrique des Nations à Yaoundé, Manu compose un hymne dont la face B du 45 tours n’est autre que le plus gros tube africain de tous les temps, “Soul Makossa”. Cette chanson fait la conquête des États-Unis et lui vaut d’y faire une tournée. Ses accents africains passionnent les musiciens noirs d’Amérique qui voient en lui l’expression de leur terre originelle. La France le découvre vraiment en 1973, lors de son passage à l’Olympia qui est un triomphe.

Après Paris, c’est Abidjan où il sera, pendant 4 ans, directeur du nouvel Orchestre de la Radio-Télévision Ivoirienne. De 1982 à 1986, il sort plusieurs albums : «Waka Juju», qui marque son retour à «l’afrosound», «Abele Dance», puis «Surtention», et un an plus tard, «Electric Africa», en collaboration avec quelques grands.

Regardé comme le précurseur de la musique africaine «moderne», il reçoit le 14 mars 86 la médaille des Arts et des Lettres par le ministre de la culture français, Jack Lang. Son intérêt pour l’Afrique ne diminue pas. Cette même année, il sort «Afrijazzy».

En 1992, à l’occasion de son 60ème anniversaire, Manu Dibango réalise «Wakafrica ou l’Afrique en route». Pour cela, il invite plusieurs grands de la chanson africaine, entre autres Youssou N’dour, King Sunny Ade, Salif Keïta, Angélique Kidjo et Papa Wemba… L’album paraîtra dans le monde entier. En mai 2004, Manu Dibango est nommé Artiste de l’Unesco pour la paix, «en reconnaissance de sa contribution exceptionnelle au développement des arts, de la paix et du dialogue des cultures dans le monde».

En 2005, il signe la bande originale du nouveau film d’animation de Michel Ocelot, «Kirikou et les bêtes sauvages ».

Novembre 2006 marque la sortie du DVD exceptionnel «Manu Dibango et le Soul Makossa Gang». Puis Manu revient à ses amours d’adolescent et sort en mars 2007 «Manu Dibango joue Sydney Bechet», un hommage au compositeur et instrumentiste noir-américain de la Nouvelle Orléans. Cette même année, il est le parrain officiel du 20ème Fespaco (Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou)

Sur scène, à près de 77 ans, et plus de 60 ans de carrière musicale, Manu Dibango souffle toujours dans son saxophone avec fougue et superbe : “le temps de Dieu, c’est le vrai temps...“

Voix d’Afrique
d’après des sources diverses

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La World music, c’est quoi ?

A l’aube des années 1970, la « world music » est née avec le “Soul Makossa”, très bon mariage entre musique camerounaise et noire américaine. Mais le concept est inventé dans les années 1980 par les labels indépendants anglais producteurs de musique du monde et désigne une diversité musicale…. La “musique du monde” est basée essentiellement sur la musique africaine et la musique des Caraïbes suivie de celles des pays de l’Asie, de l’Amérique Latine, des pays Arabes, de l’Inde et d’autres pays encore. »

Mais à quoi renvoie-t-elle véritablement ? « Il faut l’entendre dans le sens d’un pont entre les cultures, d’une curiosité envers l’autre » précise Manu Dibango qui a fait du métissage musical sa marque de fabrique.

« Vous voulez dire “Third World music”? Les gens qui ont initié ce terme voulaient parler de la musique du tiers monde. Ils se sont dit : “Comment cataloguer toute cette musique des petits peuples sous-développés ?” Et ils ont pensé : “World music !” »
« La « world music » se définit comme le regroupement des musiques traditionnelles et ethniques en dehors des styles musicaux populaires en Occident. »

« Que pensez-vous de la World music ? » « Ce terme m’énerve, et d’ailleurs Miriam Makeba le détestait également. C’est un terme raciste pour moi, quand on ne chante pas en anglais, en espagnol, en français, en allemand, en portugais, on n’est pas civilisé. C’est très excluant ! » Angélique Kidjo

« Il y en a beaucoup qui pensent que je suis l’un des créateurs de la musique world mais j’ignore ce que c’est ; peut-être que l’on me l’expliquera plus tard. » Manu Dibango

Voix d’Afrique
d’après des sources diverses


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