26 novembre 2004, 112e anniversaire de la mort de Lavigerie

Le Cardinal Lavigerie
et son projet pour
les Missionnaires d'Afrique

Notes pour un portrait

Il n'est pas facile de faire, en quelques lignes, le portrait du cardinal Charles Lavigerie (31 octobre 1825 - 26 novembre 1892). Par son caractère et les circonstances historiques qui furent les siennes (en France, en Italie, en Afrique et dans l'Église), par le nombre et l'importance des oeuvres qu'il entreprit, Lavigerie apparaît comme une personnalité hors du commun.

Dès le premier contact, nous avons le sentiment d'être devant une personne douée de nombreuses qualités, riches et complexes, souvent même déroutantes. Charles Lavigerie ne semble être à l'aise que devant de larges horizons, mais il est aussi capable de s'attacher de façon presque tatillonne aux moindres détails d'un projet déterminé, la valeur des détails venant de la grandeur du projet qu'ils concrétisent.


En 1885, le Cardinal Lavigerie fait exécuter une série de vitraux pour la chapelle de son archevêché tunisien de La Marsa, près du siège primatial de Carthage dont saint Cyprien, martyr par l'épée, fut le plus illustre évêque. Lavigerie fait représenter saint Cyprien sous ses propres traits. Ainsi il marque fortement qu'il est l'initiateur de la restauration du titre de Primat d'Afrique par le Pape Léon XIII.

Les études à Paris, l'enseignement à la Sorbonne en 1854 et le travail de bureau en Rome 1861, constituent les premières tâches du futur cardinal. Elles l'étouffent. Le gouvernement pastoral du diocèse de Nancy, en France (1863-66), n'utilise pas toutes ses capacités d'action et ne peut satisfaire son dynamisme créateur, malgré les nombreuses initiatives et réformes qu'il y entreprend, tant dans le domaine de l'enseignement catholique que dans celui de la formation du clergé et de la vie religieuse.


La chapelle du vitrail Lavigerie à La Marsa, est en voie de restauration. Mgr Dominique Rézeau,
vicaire général du diocèse de Tunis, s'en occupe. Email: domy2@yahoo.com

Mis en contact, dès ses dernières années de formation, avec l'aile la plus ouverte et la plus réformatrice du clergé parisien, qui voulait une Église plus autonome face à Rome et plus ouverte face au monde moderne, Lavigerie gardera toute sa vie une tendance à tout repenser, tout réformer, enraciné cependant dans la sagesse de l'Église ancienne qu'il avait saisie durant ses études spécialisées en histoire. Plus tard, son expérience des hommes et des situations le rendra plus exigeant quant à la nécessité d'une union à tout épreuve avec le successeur de Pierre.

Des tâches importantes comme, en 1856, celle de l'Oeuvre des Écoles d'Orient à un moment tragique de leur histoire, lui permirent de déployer ses capacités de cœur et d'organisation. Sa véritable chance historique fut cependant son acceptation du siège d'Alger en 1866. C'était un diocèse difficile mais en quelque sorte vierge, où tout, ou presque tout, était à faire tant au point de vue du développement humain qu'à celui de l'évangélisation. Mais surtout, Alger était pour lui une porte ouverte sur un continent immense où il pourra pleinement déployer son dynamisme créateur et manifester son caractère de chef.


Instructions aux Missionnaires, édition de 1950, Namur, Belgique. Il y a eu plusieurs éditions françaises des Instructions du Cardinal aux Missionnaires d'Afrique, mais aucune en anglais

Si le cardinal Lavigerie était un homme d'action et de réflexion, il était surtout un apôtre et par conséquent un homme de Dieu: qualités difficiles à harmoniser dans la vie concrète d'une seule personne. Nous les découvrons cependant chez lui, ce qui peut donner parfois l'impression d'une certaine ambiguïté dans sa pensée ou dans son comportement. Les options concrètes en politique, en économie et dans la pratique du gouvernement, propres de l'homme d'action, exigent souvent des qualités qui font appel à la diplomatie avec ses compromissions. Aussi, nous avons l'impression parfois de trouver chez lui des options contradictoires, des changements imprévus, des procédés plus ou moins acceptables et qui s'articulent mal avec une pensée et des attitudes plus spirituelles, plus transparentes, plus simples et plus libres.

Le Cardinal, nous l'avons dit, n'est pas d'abord un penseur mais un homme d'action et un apôtre. Sa pensée se trouvera, certes, dans ses écrits et ses discours mais davantage dans ce qu'il fait lui-même et dans les directives pratiques qu'il donne. Son originalité n'est pas à chercher dans des exposés doctrinaux - sa théologie est en général celle de son époque - mais dans la façon originale qu'il aura d'aborder les question, souvent problématiques en son temps, et de leur trouver une solution.

À plus forte raison, c'est dans ses actes que nous devons deviner ses sentiments envers Dieu et ceux et celles qui partagent sa vision et ses projets. Il est bien sobre dans ce domaine. Cherchait-il à se protéger de ses propres élans de cœur ? Il possède une personnalité forte et un caractère de chef. Il est habitué à la lutte et il vise l'efficacité dans l'action. Malgré cela on sent chez lui, surtout dans ses lettres personnelles aux confrères et dans ses causeries aux Sœurs Missionnaires de Notre-Dame d'Afrique, un homme de cœur muni d'une riche et fine sensibilité, préoccupé qu'il est de tous et de chacun.

Ces qualités de cœur et son tempérament de chef, sont la source d'un autre foyer de tensions (contradictions) concrètes dans sa vie, repérables pour qui le connaît de près : des paroles sévères et des décisions rudes côtoient facilement des attitudes et des gestes vraiment humbles et paternels. Des moments de grand courage et d'audace sont parfois suivis de moments de pessimisme, voire de découragement. Ses grands discours et ses plaidoiries brillantes - qu'il savait si bien faire - sont à la fois des modèles d'art oratoire du XIXe siècle et des témoignages de vie, pleins de vérité personnelle et d'authentique chaleur humaine surtout en faveur des petits et des pauvres.

On le dirait à la recherche d'honneurs, de pouvoir et d'argent. Jamais cependant, on ne pourra l'accuser de les chercher pour lui-même, mais pour ses oeuvres et pour sa mission, qu'il identifie volontiers, il est vrai, avec l'œuvre et la mission de l'Église.

Dans sa pensée il établit un lien extrêmement fort entre Dieu, l'Église et le Pasteur qu'il est lui-même. Aussi, dans la pratique, on trouvera dans ses directives ou dans son comportement des court-circuits entre ces différents niveaux. Il passera facilement d'un niveau à l'autre, surtout quand des questions d'honneur ou d'autorité seront en jeu.
Homme de son temps, il professe une théologie qui identifie facilement l'Évangile et l'Église, et celle-ci avec la hiérarchie qu'il incarne et représente. De même, il associe facilement évangélisation, développement humain et culture occidentale, dont la meilleure expression à ses yeux était l'authentique culture française.

En conclusion, nous pouvons affirmer qu'il ressort de l'ensemble de sa vie et de son œuvre, une belle image de Lavigerie. Il apparaît comme un grand homme et un grand apôtre. Il s'est vu mêlé, ou il s'est mêlé volontiers lui-même, à toutes les questions importantes de l'Église et de la France de son époque. Les Pères Blancs et les Sœurs Blanches ne constituent qu'une partie de ses oeuvres, mais celle qui a le plus duré et celle qu'il a le plus aimée.

'Vent d'avenir, Le Cardinal Lavigerie', par le Père Joseph Perrier, publié en 1992,
a été traduit en anglais (1993), en portugais au Brésil (1995) et en polonais (1996).


Son projet missionnaire

Quelle est l'intuition de base qui a donné naissance à la famille missionnaire des Pères Blancs - Sœurs Blanches qui trouve son origine en Lavigerie ? J'ai dit la famille missionnaire car, même si dès le début il s'agit de deux Instituts autonomes et indépendants, ils sont nés tous les deux d'un unique projet apostolique, et à partir d'une intuition identique. Le Cardinal s'adressait aux missionnaires, Pères et Frères, par des instructions, des lettres, des sermons. Les mêmes idées, sinon les mêmes textes, sont cependant adressées aux Sœurs missionnaires. Elles se sont aussi reconnues dans les textes destinés aux Pères et Frères. C'est pourquoi, avec les adaptations nécessaires, ce qui est valable pour les uns, l'est aussi pour les autres.

À partir des écrits du Cardinal recueillis dans ses Instructions aux Missionnaires, l'essentiel du charisme de la Société pourrait s'exprimer ainsi : un groupe d'apôtres consacrés totalement - vie et travail - à Dieu pour la Mission en faveur de l'Afrique, vivant en communautés fraternelles selon un style propre fait de disponibilité totale, de simplicité de vie et de proximité aux gens.

Aussi la spécificité de nos deux Instituts missionnaires est constituée par l'ensemble de ces notes dans lequel nous trouvons, : 1. un élément géographique et humain : l'Afrique en tant que " continent " présent dans le monde entier . 2. Un secteur spécifique dans la mission globale de l'Église qui se situe " à ses frontières " et se concrétise dans des activités de rencontre, de témoignage et de dialogue avec les cultures et les religions du monde africain en vue de l'évangélisation soit par la première annonce, soit par la création et la consolidation des communautés chrétiennes et par les services temporaires de suppléance pour répondre à des besoins que les Églises locales ne sont pas encore en mesure d'assumer . 3. Un esprit propre découlant des accents spirituels particuliers que le Fondateur a voulu pour ses Missionnaires et des consignes pratiques pour la vie et l'apostolat. À ceci s'ajoutent les éléments de l'expérience de vie et de travail apostolique que la Société a fait siens au long de son histoire.

La Société des Missionnaires d'Afrique et la Congrégation des Sœurs Missionnaires de Notre-Dame d'Afrique n'ont pas à être " re-inventées " aujourd'hui, ni dans leur champ d'apostolat, ni dans leurs tâches fondamentales, ni dans leur esprit. Leurs éléments fondamentaux sont encore valables. Notre tâche est de prendre conscience en communauté de ces richesses, de nous mesurer à elles, et de nous ajuster aux circonstances et aux possibilités du moment.
En suivant l'ordre de ces idées, voici quelques textes du Cardinal qui visent à réveiller notre mémoire.

1. Missionnaires
" Mes chers enfants, vous n'êtes pas des explorateurs ; vous n'êtes pas des voyageurs ordinaires… Vous êtes des apôtres, vous n'êtes que cela ; ou, tout au moins, le reste ne doit venir que par surcroît. " (Instructions aux Missionnaires, édition de 1950, p. 121)

Les tâches missionnaires sont variées et les activités nombreuses. Pour le Cardinal, cependant, il y a entre elles une hiérarchie bien précise. Si les missionnaires doivent s'adonner à beaucoup d'activités, ils ne devront jamais oublier qu'ils sont des apôtres et rien que des apôtres; c'est-à-dire, qu'ils sont des hommes (des femmes) de Dieu, donnés à Lui sans réserve. Les missionnaires consacrent leur vie et leur travail à Dieu pour la Mission.

On doit comprendre dans cette ligne l'importance que le Cardinal donne à ce que l'on appelait à l'époque: les exercices de piété. Ils avaient la priorité sur toute autre chose. Par la fidélité à ces pratiques de prière, le Cardinal visait, non pas tant l'observance de la Règle, - très importante cependant à ses yeux - mais la relation des missionnaires à Dieu.

" Je n'entrerai pas ici dans le détail de votre conduite spirituelle; la nature de ces instructions ne le comporte pas. Mais je vous dirai un mot qui comprendra tout: c'est que vous devez tenir avec un fidélité inviolable à garder, non seulement l'esprit, mais encore la lettre de vos règles. Vous devez en particulier chercher à n'omettre jamais, quelques que soient les difficultés et les embarras, vos exercices de piété... " (p. 65)

" Mes chers enfants, c'est maintenant qu'il vous faut une plus grande fidélité à vos exercices de piété. Si vous avez le malheur de perdre l'esprit de foi, si vous vous laissez aller à ne plus agir que comme des explorateurs ou de voyageurs ordinaires, vous vous perdriez certainement... Vous êtes en danger de vous perdre, si vous ne faites passer en tête de toutes vos préoccupations les moyens pratiques d'entretenir et d'augmenter en vous la vie spirituelle... Que l'oraison, l'examen particulier, la lecture spirituelle ne soient jamais omis, lorsqu'on n'est point en voyage; et qu'en voyage même, lorsqu'on ne peut tout faire, l'on supplée de son mieux à ce que l'on est contraint d'omettre. " (p. 138-139)

Pour les missionnaires, leur consécration totale à Dieu s'exprimera par leur disponibilité parfaite - la mort incluse, si nécessaire -, au service de la Mission, étant donné que l'objet de celle-ci est la gloire de Dieu: Dieu connu, aimé et honoré comme il convient.

" Vous savez ce que j'ai écrit, comme la devise future de votre Oeuvre, sur les Lettres testimoniales que me présentait l'un d'entre vous, à son arrivée à Alger... Je les pris et sans rien dire, j'écrivis, au lieu de la formule ordinaire, celle-ci: 'Visum pro martyrio '. Puis, je lui rendis ses Lettres en lui disant: 'Lisez, acceptez-vous? - C'est pour cela que je suis venu', me dit-il simplement. " (p. 41-42)


'Histoire des Origines la Congrégation des Sœurs de Notre-Dame d'Afrique' par Sœur Marie-André du Sacré-Cœur. Ce livre (1946) donne une description respectueuse et contrastée des relations souvent difficiles entre le Cardinal fondateur et 'Vénéré Père', et sa 'merveilleuse' et 'fidèle' fille à la vertu plus qu'ordinaire, pilier de la fondation et Supérieure Générale des Sœurs Blanches, la Vénérée Mère Marie-Salomé.

2. En faveur du monde africain
" Je veux, mes très chers fils, vous faire trois recommandations qui me paraissent toutes trois nécessaires pour le succès et la conservation de vos œuvres : la première c'est que vous ne perdiez jamais de vue le caractère et l'esprit propre de votre Société. Elle a, en effet, un but spécial dont elle ne saurait s'écarter sans perdre absolument sa raison d'être. Elle est destinée aux infidèles de l'Afrique. Elle ne peut et ne doit rien entreprendre qui n'ait cette fin pour objet (…). Laissez les autres congrégations suivre leur voie, elles y font mieux que vous ne feriez vous-mêmes, n'envahissez pas leur domaine et garder fidèlement la petite portion du champ que le Père de famille vous a chargé de cultiver " (p 52.)

La mission confiée par Jésus à l'Église s'étend au monde entier (Mt. 28, 18-20). Pour la réalisation de cette tâche, cependant, y a des charismes particuliers et différents distribués par l'Esprit (I Cor. 12,4-11. 27-30), répondant habituellement aux besoins ressentis dans le monde ou dans l'Église.

Le charisme des Missionnaires d'Afrique est profondément marqué, comme leur nom l'indique, par la référence africaine, aux peuples d'Afrique. Lavigerie voulait qu'on y reste vraiment fidèle. Non seulement l'Afrique était le lieu de naissance de la Société, mais l'activité des missionnaires devait s'adresser aux Africains en vue de les conduire à la foi. Les autres activités, lieux ou personnes avec qui les missionnaires auraient à faire, devaient être vues dans cette optique ou laissées à d'autres apôtres.

Déjà en 1873, le Cardinal mettait en garde les premiers missionnaires, installés en Kabylie, contre leurs rencontres à ses yeux trop répétées avec des non-Africains. Il le leur interdisait même, afin de protéger la vocation missionnaire et africaine du groupe naissant.
"Mes chers enfants, d'après ce qui me revient et ce que vous me dites vous-mêmes, je crains que vous ne vous lanciez un peu trop dans les oeuvres paroissiales au détriment de l'œuvre arabe et en particulier que vous ne voyiez un peu trop le monde, les officiers. Vous perdrez votre vocation à ce jeu dangereux." (p. 30)


Mère Marie-Salomé (Renée Roudaut), née en Bretagne, France, en 1847 et décédée à Alger le 18 octobre 1930.

Le Cardinal Lavigerie, né au Pays basque, France, le 31 octobre 1825 et décédé à Alger le 26 novembre 1892.

3. En communautés fraternelles
" Ma dernière recommandation, mes chers fils, la plus importante des trois, celle sans laquelle toutes les autres seraient inutiles, c'est la recommandation du vieil apôtre d'Éphèse : 'Filioli diligete invicem'. Aimez-vous les uns les autres. Restez unis, unis de cœur, unis de pensées. Formez véritablement une seule famille, ayez fortement dans le sens chrétien et apostolique de ce mot, l'esprit de corps. Défendez-vous, soutenez-vous, aidez-vous toujours les uns les autres. Que la discorde ne pénètre jamais parmi vous ; que vous soyez, sans cesse, prêts à défendre réciproquement comme un seul homme, contre tous les adversaires du dehors, vos personnes, en un mot que vous soyez non pas seulement unis, mais un. " (p. 53)

Pour la vie de communauté, le Cardinal insiste sur deux aspects différents mais profondément unis entre eux : d'une part, l'observance des Règles, concrétisée dans l'obéissance aux supérieurs, et d'autre part, la charité fraternelle. Chacun de ces aspects a ses caractéristiques propres, mais ils doivent aller ensemble et doivent être considérés toujours en fonction de la Mission. L'obéissance sauvegarde l'ossature de la communauté et la charité fraternelle en constitue le cœur.
Par rapport à cette dernière, en novembre 1874, avant de confier le gouvernement de la Société entre les mains du Conseil Général, le Cardinal fait savoir aux missionnaires en quoi consiste l'esprit de l'Institut. Il le fait en leur donnant trois recommandations fondamentales: celle de la fidélité à l'Afrique (voir plus haut), celle de la prudence, de la patience, de la charité dans l'exercice du zèle apostolique, et de l'amour fraternel englobant une internationalité réelle.

" Vous avez été jusqu'ici, sous mon autorité paternelle, réunis dans un seul sentiment et ne formant qu'un seul cœur. C'est la loi que je vous ai donnée: j'ai déclaré que je ne garderais point un seul d'entre vous qui n'entourerait pas du même amour tous le membres de la Société, à quelque nation qu'ils appartiennent. Vous conserverez, plus encore si possible, cet attachement fraternel, dans les périls, dans les fatigues, dans la mort. Mon ambition est qu'en parlant de votre petite Société qui est, par son origine, la plus humble et la dernière venue des Sociétés d'apostolat, on dise d'elle, du moins, qu'elle est 'catholique' par excellence. " (p. 260)

4. En disponibilité totale
" Je ne puis m'empêcher de me poser sur votre Société naissante une question redoutable: sera-t-elle une Société d'hommes vraiment obéissants? Je l'espère de la miséricorde de Dieu et de votre bonne volonté qui m'est connue, et, dans ce cas j'espère qu'elle sera vraiment utile aux âmes et à la conversion de cet immense continent auquel elle est envoyée. Mais s'il en devait être autrement, si l'orgueil, si l'amour-propre, si l'esprit de révolte devaient régner jamais parmi vous, hélas! vous marcheriez à la mort et pour vous et pour les autres, et mieux vaudrait, cent fois, que vous n'eussiez jamais existé... " (p. 59)

Le Cardinal est un apôtre et un homme pratique. Il a un caractère de chef qui sait commander et qui veut être obéi. Il aime l'ordre et la discipline. Mais cela n'explique pas tout dans ses instructions et directives. Il a aussi, et surtout, une vive conscience des exigences que demande une vraie consécration à Dieu. Celle-ci sera vue par lui non pas en soi mais en fonction de l'apostolat. D'un apostolat coordonné puisqu'il s'agit d'un groupe d'apôtres. C'est donc sur l'observance des Règles et sur l'obéissance aux supérieurs que le Fondateur insistera. Il mettra en relief leur valeur profonde pour la Mission.

Ainsi, l'obéissance parfaite est exigée comme expression de don total de soi à Dieu et comme condition indispensable pour la réussite de la Mission. Le Cardinal sait que " celui qui refuse à Dieu ou à ceux qui le représentent, son obéissance, se refuse en réalité lui-même, en refusant de donner sa volonté. Et qu'importe alors tout le reste ". Lavigerie demandera la fidélité la plus stricte, riche d'une valeur sacrée. À ses yeux, la consécration à Dieu pour la Mission passe par une disponibilité totale sous le signe de l'obéissance. C'est pourquoi il fera mettre comme complément aux Règles, qu'il écrit pour les missionnaires, la lettre de saint Ignace sur l'obéissance. L'exigence d'obéissance totale est d'autant plus indispensable que les missionnaires se trouveront dans des circonstances tout à fait particulières. La négligence ou le relâchement dans ce domaine peuvent détruire la Mission, et c'est la plus grave faute qu'un apôtre puisse commettre.

Aussi, en mars 1878, aux premiers missionnaires qui partaient pour l'Afrique équatoriale, il écrit : " Vous devez garder comme une sorte de sacrilège tout manquement d'obéissance vis-à-vis de vos supérieurs: que ce mot de sacrilège ne vous étonne pas, le défaut d'obéissance parfaite dans les circonstances où vous allez vous trouver, entourés comme vous le serez, d'obstacles, de tentations et de périls, serait la ruine de la Mission. Et tuer la Mission, pour un missionnaire qui est chargé par Dieu de l'établir, c'est, je ne crains pas de répéter ce mot, quelque terrible qu'il soit, pour le fixer dans votre esprit, un sacrilège véritable et sans contredit le plus grand des crimes qu'il puisse commettre... " (p. 65)

L'œuvre historique de François Renault Le Cardinal Lavigerie, L'Église, L'Afrique et la France (1992) a été traduite (1994) dans un anglais remarqué par le Père John O'Donohue sous le titre Cardinal Lavigerie, Churchman, Prophet and Missionary

5. En simplicité de vie
Faisant allusion à la lettre d'un missionnaire qui lui écrivait : " Je manque de tout, et cependant je ne changerais mon sort avec celui d'aucun roi de la terre ! ", Lavigerie écrit : " Que Dieu dans sa bonté, vous conserve toujours cet esprit de généreuse allégresse… Qu'il vous y fasse trouver la force de sacrifier tout et vous-mêmes pour le salut de ces pauvres âmes auxquelles il vous envoie. C'est la loi de l'apostolat :' omnia impendam et superimpendar ipse pro animabus vestris'. Faites de ces paroles la réalité de votre vie. " (p. 42)

Le Cardinal connaissait la valeur de l'argent. Il avait été chargé de nombreuses œuvres d'apostolat et il s'était engagé lui-même dans beaucoup de projets qui demandaient des sommes d'argent énormes. Il avait dû quêter souvent pour l'Oeuvre des Écoles d'Orient, pour les orphelins et les victimes de la famine, pour ses Instituts missionnaires, pour de nombreuses constructions, pour l'envoi de caravanes en Afrique équatoriale, pour la campagne antiesclavagiste, etc. Il s'était vu obligé d'arrêter ou de limiter plusieurs de ses projets à cause du manque de moyens économiques. Même ses Instituts missionnaires avaient vu leur existence mis en péril à cause des mêmes raisons. Aussi, sait-il ce qu'il dit quand il demande aux missionnaires une vraie pauvreté de vie.

Sur cette question, Lavigerie aurait pu puiser dans la littérature spirituelle et présenter aux missionnaires les motivations traditionnelles pour la pratique de la pauvreté, mais il préfère présenter les siennes. Celles-ci sont des motivations apostoliques, à savoir: la vie et la survie de la mission. Il osera dire que les missionnaires " doivent pratiquer cette vertu toute apostolique plus strictement que des religieux " . " Votre règle est de vivre comme les indigènes et la Mission tombera bientôt si vous ne le faites pas... Vous travaillez ainsi à détruire l'Oeuvre dans un avenir prochain. Elle ne peut subsister en effet que par la pauvreté et l'assimilation avec les indigènes au point de vue de la nourriture et du matériel. " (Instr. p. 35) " L'argent inutilement dépensé est autant d'enlevé aux oeuvres de la Mission, et par conséquent au rachat des âmes. " (Règles de 1872, p. 17)

De plus, les ressources viennent des aumônes des pauvres : " Les missionnaires se souviendront qu'ils vivent d'aumônes, et que le pain qu'ils mangent leur est donné par de pauvres catholiques qui prennent pour cela sur leur nécessaire. " (Règles de 1872, p. 15)

Et finalement, les missionnaires doivent imiter Jésus-Christ : " Dans toutes ces choses, les missionnaires seront heureux d'être traités mieux encore que notre Seigneur Jésus-Christ ne l'a été, car c'est de la vie des plus pauvres Arabes qu'il a vécu. " (Règles de 1872, p. 14)


Le Cardinal Lavigerie a souvent exprimé sa pensée en commandant des œuvres d'art (peintures, fresques, statues) aux artistes connus en son temps. Ici, en 1869, le peintre Dubois a suivi les indications du fondateur (représenté à droite, en dessous du Vénérable Géronimo, un martyr arabe). Sa famille missionnaire comprendra les Sœurs, les Frères (alors en burnous noir) et les Pères. La Vierge Marie semble leur parler " Quoi qu'il vous dise, faites-le. " (Jean 5,11). Et ce que dit le Seigneur Jésus aux missionnaires, c'est écrit : " Je suis la lumière du monde. Allez enseigner toutes les nations. " (Jean 8,12; Matthieu 28,19-20). Le motif de cette peinture sera repris par le peintre Lazerges, en 1879, avec des adaptations à l'histoire de nos Instituts, dans la chapelle de la maison mère de Maison-Carrée. ('Les Origines de la Société', J. Mercui, pp. 291-292, et 'Histoires des Origines', S. M.-André du S.-C., pp. 32-33)

6. Proches des gens du milieu
La Société que Lavigerie a fondée a " un caractère particulier. Ce caractère, c'est de se rapprocher des indigènes par toutes les habitudes extérieures, par le langage d'abord, par le vêtement, par la nourriture, conformément à l'exemple de l'Apôtre : 'Omnibus omnia factus sum ut omnes facerem salvos'. " (Instr. p. 52)

La simplicité de vie ou la pauvreté était déjà, aux yeux du Cardinal, une façon de vivre la proximité des gens. Il y a cependant pour lui un autre motif à cette attitude fondamentale: l'efficacité apostolique.

Depuis longtemps, l'Occident a crû à la supériorité de sa culture face à celles des autres. Le cardinal Lavigerie partageait probablement cette même conviction, mais jusqu'à un certain point seulement, c'est-à-dire avec des nuances importantes. D'une part par exemple, il était persuadé des richesses culturelles et religieuses de l'Orient et d'autre part, il savait qu'une des causes profondes des difficultés entre l'Orient et l'Occident était précisément la prétendue supériorité culturelle de celui-ci et sa tendance à imposer aux autres ses formes de penser et de s'exprimer. En plus, il a constaté que la difficulté de faire pénétrer dans les esprits les valeurs de la foi vient souvent du fait que celle-ci est présentée sous les formes d'une culture étrangère. Il faut donc savoir bien distinguer entre foi et culture, entre morale chrétienne et les coutumes propres à chaque peuple.

Dans la pensée du Cardinal, les idées sont claires, le discernement pratique sera plus difficile. Il n'était pas aisé pour lui, et il ne l'est pas encore aujourd'hui pour nous, de bien distinguer parmi les caractéristiques d'un peuple les éléments à garder et ceux qui devraient changer. Mais, affirmer les principes est déjà un énorme avantage. Aussi Lavigerie, veut un groupe d'apôtres immergés dans la culture du peuple au milieu duquel ils travailleront: habitat, nourriture, langue, habits, coutumes... tout ce qui ne soit pas contraire à la foi et à la morale chrétienne doit être adopté par les missionnaires et ils devront veiller à ce que les gens restent fidèles à leur propre culture. C'est ainsi seulement que la foi prendra des racines profondes et que les nouveaux chrétiens pourront devenir des apôtres valables parmi leurs propres frères. Les écrits du Cardinal dans ce domaine sont très nombreux. Dans un texte fondamental, et parmi les plus connus, en partie déjà repris plus haut, Lavigerie écrit:

"La première (de mes recommandations) c'est que vous ne perdiez jamais de vue le caractère et l'esprit propres de votre Société. Elle a, en effet, un but spécial dont elle ne saurait s'écarter sans perdre absolument sa raison d'être. Elle est destinée aux infidèles de l'Afrique. Elle ne peut et ne doit rien entreprendre qui n'ait cette fin pour objet. Et, non seulement elle a ce but spécial, mais elle doit l'atteindre par des moyens spéciaux qui donnent à son action un caractère particulier. Ce caractère c'est de se rapprocher des indigènes par toutes les habitudes extérieures, par le langage d'abord, par le vêtement, par la nourriture, conformément à l'exemple de l'Apôtre: 'Omnibus omnia factus sum ut omnes facerem salvos '.

Sachez donc que toutes les fois que, par un esprit déraisonnable d'innovation, vous vous écarterez de ces deux points, vous détruirez, autant qu'il est en vous, la raison d'être de votre Société. Ce n'est, en effet, que pour pourvoir à ce grand besoin des pauvres âmes de l'Afrique, et pour y pourvoir par ce moyen que vous avez été fondés. " (p. 52)

L'efficacité apostolique est une raison fondamentale pour le Cardinal de se rendre proche des gens, mais au cœur de l'apostolat, il donne la première place à l'amour (la " Charitas " de ses armoiries) pour Dieu, évidemment, mais aussi pour les gens. Proximité par motif d'efficacité, mais proximité et efficacité par amour :
" J'ai pris moi-même pour devise: l'amour, l'amour de Dieu et celui de tant de pauvres âmes abandonnées. Cet amour m'a soutenu, au milieu des difficultés et des travaux qui ont usé ma vie avant l'heure. C'est aussi lui qui vous donnera la force, l'abnégation héroïque, la persévérance nécessaire pour retirer, peu à peu, de la mort les peuples auxquels vous êtes envoyés.
Aimez-les donc comme une mère aime ses fils, en proportion de leur misère et de leur faiblesse. Aimez l'Afrique qui est loin de nous, pour les plaies sanglantes de son esclavage, pour les cris de douleur qui s'élèvent, depuis tant de siècles, de ses profondeurs; l'Afrique qui est plus voisine et qui a été chrétienne autrefois, pour ses infortunes passées, pour ses grands hommes, pour ses saints.

Aimez, quoi que vous en ayez souffert, quoi que vous en puissiez souffrir encore... Aimez-la avec ses souvenir, ses légendes, ses traditions de respect et de foi, la résignation stoïque qui l'immobilise dans son sépulcre...
Les Patriarches ont aimé jusqu'aux pierres de Sion, symbole pour eux de tant d'espérances... À leur exemple, j'ai tout aimé dans notre Afrique: son passé, son avenir, ses montagnes, son ciel pur, son soleil, les grandes lignes de ses déserts, les flots d'azur qui la baignent...

Puisse ma voix se faire entendre de vous! Elle se taira bientôt dans ce monde, mais du fond de la tombe elle vous tiendra les mêmes discours qu'elle vous tient depuis tant d'années... " (p. 210)


Jesús Salas
Rome



 

26th November 2004 : 112th Anniversary of Lavigerie's death

Cardinal Lavigerie:
Design for the
Missionaries of Africa

Notes for a portrait

It is not easy to sketch a portrait of Charles Cardinal Lavigerie (31st October 1825-26th November 1892) in a few lines.
Given his character and the historical circumstances of his time, (in France, Italy, Africa and in the Church), as well as the number and the significance of the undertakings he embarked upon, Lavigerie emerges as an out of the ordinary personality.
From the outset, we have the impression of being in the presence of a person endowed with many powerful, complex, and indeed often disconcerting qualities. Charles Lavigerie seemed at ease only when faced with broad horizons, but he was also capable of fixating in a pernickety way on the tiniest details of a given project, details arising from the grand scale of the projects they embodied.


In 1885, Cardinal Lavigerie commissioned a series of stained-glass windows for the chapel of his Tunisian Archdiocesan Offices in La Marsa near the Primatial See of Carthage where Saint Cyprian, martyred by the sword, had been the most illustrious Bishop. Lavigerie had his own appearance depicted in the features of Saint Cyprian. In this way, he strongly emphasized the he himself was
the initiator of Pope Leo XIII's reinstatement of the title 'Primate of Africa'.

Studies in Paris, lecturing at the Sorbonne in 1854 and work on the Roman Rota in 1861 comprised the first tasks of the future Cardinal. They suffocated him. The pastoral governance of the Diocese of Nancy, France (1863-66) did not exploit his capacities for action and could not satisfy his creative urge, in spite of the many initiatives and reforms he undertook in the area of Catholic teaching as well as in training for clergy and those in Religious Life.


The Chapel of La Marsa is in the process of being restored. Mgr Dominique Rézeau, Vicar General of the Diocese of Tunis is in charge of it. Email: domy2@yahoo.com

From his final years of his own training, he was put in contact with the most open-minded and reforming wing of Parisian clergy. They wanted a more autonomous Church with regard to Rome and a more open one with regard to the modern world. Throughout his life Lavigerie would retain a tendency to rethink everything, reform everything. At the same time, he was steeped in the wisdom of the ancient Church, something he had seized upon during his specialised studies in history. Later on, his experience of men and situations would make him more demanding for insisting on an unfailing bond with the successor of Peter.

Important tasks such as the Oeuvre des Écoles d'Orient in 1856, at a dramatic time in its history, allowed him to deploy his talents for compassion and organisation. However, his real historic opportunity came with his acceptance of the See of Algiers in 1866. It was a difficult diocese, but somehow virgin territory, where everything, or almost everything, remained to be done from the point of view of human development as well as evangelisation. However, above all, Algiers for him was the open door to an immense continent where he could fully deploy his creative urge and lay out his credentials as leader.


'Instructions aux Missionnaires', 1950 edition, Namur, Belgique. There have been several French editions of the Cardinal's 'Instructions to Missionaries of Africa', but none in English.

If Cardinal Lavigerie was a man of action and reflection, he was above all an apostle and consequently a man of God; these are qualities difficult to harmonise in the lived experience of a single person. However, we find them in him, something that can sometimes give the impression of a certain ambiguity in his thinking or behaviour. Real options in politics, economy and in the exercise of government, proper to the man of action, often require qualities calling for subtlety within his compromises. Additionally, we sometimes have the impression of finding in him contradictory choices, unplanned changes, and more or less acceptable procedures that square badly with a more spiritual, transparent, simple freedom of thought and attitude.

The Cardinal, as we have said, is not primarily a thinker but a man of action and an apostle. Admittedly, his thinking is found in his writings and in his speeches, but more so in what he does and in the practical instructions he gives. His originality is not to be sought in his doctrinal exposés - (his theology in general is typical of his time) - but in the original way he addresses the problems of his period and finds solutions for them.

All the more so, therefore, it is in his actions that we need to deduce his sentiments towards God and towards those men and women who share his vision and projects. He is very restrained in this respect. Was he defensively trying to rein in his exuberance? He had a strong personality and the character of a leader. He was used to battling and he aimed for results in his enterprises. Despite that, we sense in him a fine and intensely sensitive heart, preoccupied with each and every individual, seen especially in his personal letters to confreres and in his talks to the Missionary Sisters of Our Lady of Africa.

These qualities of heart and the temperament of a leader are the source of another focus of real tension (contradictions) in his life, noticeable to those who knew him closely: harsh words and hasty decisions run concurrently with truly humble and paternal attitudes and deeds. Times of great courage and boldness are sometimes followed by times of pessimism, even discouragement. His great speeches and his brilliant appeals - (which he knew so well how to make) - are at once models of 19th century oratory and disclosures of his life, full of personal truth and genuine human warmth, primarily in favour of the poor and destitute.

It could have looked as though he were seeking honour, power and wealth. Never, however, could he be accused of seeking them for himself, but for his undertakings and his Mission, which true to say, he readily identified with the Mission of the Church.

In his thinking, he established a narrow link between God, the Church and the Pastor he was in himself. Consequently, in practice, we find in his directives or in his behaviour, short-circuits between these different levels. He could without difficulty shift from one level to another especially where questions of honour or authority were at stake.

A man of his time, he professed a theology that easily identified the Gospel with the Church and the Church with the hierarchy that it incarnates and represents. In the same way, he straightforwardly associated evangelisation and human development with Western culture, whose utmost expression in his eyes was genuine French culture.

In conclusion, we can assert that from the combination of his life and undertakings, a refined impression of Lavigerie appears. He emerges as a great man and a great apostle. He was criticised for becoming involved, or he himself willingly became involved, in all the important issues of the Church and of the France of his day. The White Fathers and White Sisters comprised only a part of his undertakings, but one which has endured the longest and which he loved the most.

'Vent d'avenir, Le Cardinal Lavigerie', by Father Joseph Perrier, published in 1992; 'Wind of Change' English translation by Father John O'Donohue (1993), Brazilian Portuguese (1995) and Polish (1996). .

His Missionary Design

What was the basic intuition that gave birth to the Missionary family of White Fathers-White Sisters that finds its origin in Lavigerie? I say 'Missionary family' because, even if from the start there were two autonomous and independent institutes, they both came into existence from a single apostolic design and from an identical intuition. The Cardinal addressed himself to Missionaries, Fathers and Brothers, by instructions, letters and sermons. The same ideas, if not the same texts, are nevertheless addressed to Missionary Sisters by the Cardinal himself. In addition the Sisters recognised themselves in the texts addressed to the Fathers and Brothers. That is why with the required adaptations, what is valid for one is valid for the other.

From the writings of the Cardinal collected in Instructions to Missionaries, the essential of the charism of the Society could be expressed in this way: a group of apostles totally consecrated to God - life and undertakings -for the Mission in favour of Africa, living in fraternal communities according to a specific style comprising total availability, simplicity of life and nearness to people.

Equally, the specific nature of both our Missionary Institutes is constituted by the collection of these notes in which we find 1. A geographical and human element: Africa as a 'continent' in the world as a whole. 2. A specific sector in the global Mission of the Church situated at 'its outer edges' and is evident in activities such as encounter, bearing witness and dialogue with cultures and religions in the African world in view of evangelisation, either by an initial proclamation or by the creation and consolidation of Christian communities as well as by rendering temporary services responding to the needs of the Local Churches not yet able to take them on themselves. 3. A characteristic spirit stemming from the particular spiritual emphasis the Founder wanted for the Missionaries, and practical instructions for daily life and the apostolate. To this are added elements of experience from life and apostolic undertakings that the Society has long since claimed as its own throughout its history.

The Society of Missionaries of Africa and the Congregation of the Missionary Sisters of Our Lady of Africa have not be 're-invented' today either in their field of apostolate or in their basic tasks, or in their spirit. Their basic features are still valid. Our task is to take stock of the worthwhile nature of them in community, to use them as a yardstick and to adapt ourselves to the circumstances and possibilities of the moment.
Following the succession of these ideas, here are some texts from the Cardinal that are aimed at refreshing our memory.

1. Missionaries
"My dear Sons, you are not explorers or ordinary travellers…You are apostles and only apostles; all the rest is in addition to your apostolate." (Instructions aux Missionnaires, édition de 1950, p. 121) (Selected Texts, pp. 43-44)

Missionaries' tasks are varied and activities are numerous. For the Cardinal, however, there is among them a very clear hierarchy. If Missionaries are obliged to give themselves totally to many activities, they should always bear in mind that they are apostles and only apostles, in other words they are men (and women) of God, dedicated to God without conditions. Missionaries consecrate their lives and undertakings to God for the sake of the Mission.

We should read this in the light of the importance the Cardinal gave to what was known as 'spiritual exercises'. They had first place above all others. By fidelity to the practice of spiritual exercises, the Cardinal aimed, not so much at observance of the Rule - nonetheless importance in his eyes - but at the relationship between the Missionaries and God.
"I am not going into details here about your spiritual observances; they have no place in instructions such as these. But one thing I will say which comprises all the rest: you must remain unwavering in your fidelity to observe not only the spirit but also the letter of your Rule. In particular, you must see to it that you do not omit your spiritual exercises, whatever the difficulty or inconvenience." (Instr. p. 65) (ST34)

"My dear Sons, it is now you need a greater fidelity to your practice of spiritual exercises. If you were unfortunate enough to lose the faith, if you allow yourselves to behave like explorers or tourists, you will surely be the losers. You risk being lost if at the head of all your preoccupations you do not put practical means for maintaining and increasing your spiritual life. Let mental prayer, particular examen, and Spiritual Reading never be omitted, when not travelling; and even when travelling when it is not possible to finish everything, to make up as best you can for what you have been obliged to omit." (Instr. p. 138-139)

Total consecration to God for Missionaries will express itself in their total availability - including death if required - to the service of the Mission, given that the aim of Mission is the glory of God, God known, loved and obeyed, as is fitting.
"You know what I wrote as the future motto of your Undertaking on the testimonial letters one of you showed me on his arrival in Algiers. I took the document and without a word wrote on it instead of the usual formula the following one: Visum pro martyrio. Endorsed for martyrdom. I gave it back to him and said, "Read that, are you prepared for it? To which he replied simply, "That is what if have come for." (Instr. p. 41-42). (ST23)


'Histoire des Origines la Congrégation des Sœurs de Notre-Dame d'Afrique', (History of the origins of the Congregation of the Sisters of Our Lady of Africa), by Sœur Marie-André du Sacré-Cœur. This book (1946) provides a respectful and contrasting description of the often-difficult relations between the Cardinal Founder, 'Venerable Father', and his more than ordinarily virtuous daughter, Venerable Mother Marie-Salomé, the awe-inspiring and loyal first Superior General of the White Sisters.

2. Preferential option for the African world

"I would like dear Sons to make three recommendations, all of which seem necessary if your undertakings are to thrive. The first is that you never lose sight of the special character and spirit of your Society. In deviating from its particular purpose you would lose the very reason for your existence. Founded for the pagan peoples of Africa, it cannot and must not undertake anything which runs counter to that objective. Not only is its purpose special, so are the means by which it seeks to attain that purpose, for these confer a particular character on its action… Let other Congregations go their own way; they are equal to the task assigned them and will be better at it than you could ever be. Do not try to take over from them but be intent on tilling that small portion of the field allotted you by the Father." (Instr. p 52.) (ST26)

The Mission confided by Jesus to the Church extends to the whole world (Mt. 28:18-20). For this task to be put into action, however, there are particular, varied charisms allotted by the Spirit. (I Cor. 12:4-11. 27-30) These normally correspond to the felt needs in the world and in the Church.

The charism of the Missionaries of Africa is deeply affected by the peoples of Africa, as its reference to Africa implies. Lavigerie intended it to remain truly faithful to it. Not only was Africa the birthplace of the Society, but also the activity of its Missionaries was to be addressed to Africans with the intention of bringing them to the Faith. Other activities, places or people with whom the Missionaries would deal had to be seen in this perspective or left to other apostles.
As early as 1873, the Cardinal warned the first Missionaries established in Kabylia against, from his point of view, too-frequent meetings with non-Africans. He even forbade them, so as to protect the Missionary and African vocation of the embryonic group.
"My dear Sons, according to what I have received and what you tell me yourselves, I fear that you may be throwing yourselves a little too much into parish work to the detriment of Arabic undertakings and in particular that you may be indulging a little too much in worldly matters via the officers. You will lose your vocation in these risky pastimes." (Instr. p. 30).


Mother Marie-Salomé (Renée Roudaut), born in Brittany, France, in 1847. She died in Algiers, 18th October 1930.

Charles Cardinal Lavigerie, born in the Pays Basque, France, in 1825. He died in Algiers, 26th November 1892.

3. Fraternal communities
"My final recommendation, dear Sons, is the counsel of the aged Apostle of Ephesus, 'Filioli diligete invicem' 'Children, love one another'. This is the most important of all my counsels, without it all the others would prove useless. Love one another. Be ever united in heart and mind. Be in very truth but one great family. Be ever penetrated by an esprit de corps, in the Christian and apostolic sense of the expression. May discord never gain entrance amongst you, may you be ever alert to defend each other from external attacks made on your work or on your good name, every ready to sustain each other, to come to the aid one of the other. In a word, be not only united, but one." (Instr. p. 53) (ST 27)
For community life, the Cardinal insisted on two different but closely linked aspects. On the one hand, observance of the Rules, achieved in obedience to Superiors and on the other hand, fraternal charity. Each of these aspects has its own characteristics but they must go together and must always be seen in view of the functioning of the Mission. Obedience safeguards the backbone of the community while fraternal charity forms its heart.

In reference to this last feature in November 1874 before entrusting the government of the Society to the General Council, the Cardinal told the Missionaries what was the spirit of the institute. He did so by giving them three basic recommendations: fidelity to Africa (see above), prudence, charity in the exercise of apostolic zeal and brotherly love embracing a true internationality.

"Until now you have been united, under my fatherly authority, in a single sentiment and have had but one heart. That is the law I gave you; I stated that I would not keep any of you who did not have the same affection for all the members of the Society, irrespective of the nation to which they belonged. You must preserve still more strongly if possible, this brotherly attachment in the midst of all dangers and fatigue, even in death itself. It is my ambition that in speaking of your little Society, which by its origins is the humblest and the last in the line of Missionary societies, it is said of it that at least it is catholic above all else."(Instr. p. 260) (ST75)

4. Total availability
"I cannot resist asking this awesome question of your budding Society: will it be a Society of truly obedient men? I hope so by the mercy of God and your goodwill, which I acknowledge, and in this case I hope it will be really beneficial to souls and to the conversion of this immense continent to which it is sent. However if it were to be otherwise, if pride, self-interest or defiance of authority were ever to prevail among you, Alas! You and others with you would be on a death march and it would be better if you had never been born…" (Instr. p. 59).

The Cardinal is an apostle and practically-minded. He has the character of a leader who knows how to give orders and expects to be obeyed. He likes order and discipline, though this does not explain everything in his instructions and directives. He has also and above all, a keen awareness of the demands required by a true consecration to God. In his eyes, this will be not consecration for its own sake but for the good of the apostolate. It will be a coordinated apostolate since it is concerned with a group of apostles. It is therefore on observance of the Rules and on obedience to Superiors that the Founder will insist. He will highlight their intrinsic worth for the Mission.

In this way, perfect obedience is exacted as the expression of a total gift of self to God and as the indispensable condition for the success of the Mission. The Cardinal knows that, "Whoever refuses his obedience to God and those representing him is actually refusing himself, in refusing to surrender his will. Moreover, all the rest does not matter." Lavigerie exacted the strictest fidelity, replete with sacred value. In his view, consecration to God for the Mission was conveyed by total availability under the seal of obedience. That is why he had St. Ignatius' letter on obedience added as a supplement to the Rules he wrote for Missionaries. Here is his explanation on that occasion in October 1875:
"The demand of perfect obedience is all the more indispensable when Missionaries find themselves in quite peculiar circumstances. Neglect or slackness in this area can destroy the Mission and that is the worst possible error a Missionary can ever commit."

Likewise in March 1878, addressing the first Missionaries leaving for Equatorial Africa, he wrote, "You must look on any lack of obedience towards your Superiors as a sort of sacrilege; do not be surprised at this word sacrilege which I use. Lack of perfect obedience in the circumstances in which you will find yourselves, surrounded as you will be by difficulties, temptations and dangers, will bring the Mission to ruin. And for a Missionary, entrusted by God with the founding of a Mission, to bring it to ruin is indeed a sacrilege and beyond all doubt the greatest of crimes he could commit." (Instr. p. 65) (ST34)

The historical opus of Fr. François Renault 'Le Cardinal Lavigerie, L'Église, L'Afrique et la France' (1992) translated into distinguished English by Fr. John O'Donohue entitled 'Cardinal Lavigerie, Churchman, Prophet and Missionary' (1994).

5. Simple lifestyle
Alluding to a letter he received from a Missionary who wrote, 'I am deprived of everything and yet I would change places with no king on earth!' Lavigerie replied, ' "May God in his goodness keep you in this spirit of cheerful generosity, 'God loves a cheerful giver.' (2 Cor. 9:7) May he enable you to find the strength you need to sacrifice everything, yourselves included to save these poor ones to whom he sends you. That is the law of the apostolate, 'omnia impendam et superimpendar ipse pro animabus vestris' 'I am willing to spend what I have and to be expended in the interests of your souls.' (2 Cor. 12:15) May you really live these words." (Instr. p. 42) (ST23)

The Cardinal knew the value of money. He had been entrusted with numerous apostolic undertakings and he committed himself to many projects that required enormous sums of money. He had to make frequent appeals for the Oeuvre des Écoles d'Orient, orphans and victims of famine, Missionary institutes, numerous building projects, sending caravan expeditions to Equatorial Africa, the Antislavery Campaign and so on. He was obliged to halt or curtail several of his undertakings for lack of funding. Even his Missionary institutes were put in jeopardy for the same reasons. Consequently, he knew what he was talking about when he asked Missionaries for a life of genuine poverty.

On this matter, Lavigerie could have delved into spiritual literature and presented to his Missionaries traditional motives for the practice of poverty. Instead he preferred to lay out his own. They are apostolic motives, namely, the life and survival of the Mission. He put it to his Missionaries boldly, '…who must practice this virtue more strictly than Religious.' 'Your rule is to live as the local inhabitants and the Mission will soon fail if you do not do so… You will therefore be working to destroy the undertaking in the not too distant future. It can really only thrive in poverty and in assimilating to the local inhabitants in respect of food and materials." (Instr. p. 35). "Money squandered is so much less for the works of the Mission and therefore to the redemption of souls." (Rules 1872, p. 17)

"Furthermore, resources come from the almsgiving of the poor. 'Missionaries are to bear in mind that they live from almsgiving and the bread they eat is given to them by poor Catholics who take it out of their necessities." (Rules 1872, p. 15)
Lastly, Missionaries must imitate Jesus Christ: "In all things, Missionaries will be content to be treated even better than our Lord Jesus Christ was, since it was the life of the poorest Arabs that he lived." (Rules 1872, p. 14)


Cardinal Lavigerie often expressed his thinking in commissioning works of art, (paintings, frescoes, and statues), from celebrated artists of his time. Here, in 1869, the artist Dubois followed the instructions of the Founder (represented on the right, below the Venerable Geronimo, an Arab martyr). His missionary family comprised the Sisters, Brothers (then dressed in black burnous) and the Fathers. The Virgin Mary seems to be saying to them, 'Do whatever he tells you'. (John 5:11) In addition, what the Lord Jesus said to his missionaries is written, "I am the light of the world. Go teach all nations." (John 8:12; Matthew 28:19-20). In 1879, the artist Lazerges took up the motif of this painting again, in the chapel of the Mother House in Maison-Carrée, with adaptations to the history of our Institutes. (Les Origines de la Société, J. Mercui, pp. 291-292, and Histoires des Origines, Sister Marie-André du Sacré-Coeur, pp. 32-33).

6. Close to the people of the locality
The Society founded by Lavigerie has a 'particular character'. "This character leads you to draw closer to the inhabitants, to adopt the externals of their way of life, their language first of all, then their dress and food, after the example of the Apostle, 'Omnibus omnia factus sum ut omnes facerem salvos' " I made myself all things to all men in order to save some at any cost." (1 Cor. 9:22) (Instr. p. 52) (ST26)
In the Cardinal's view, simplicity of life or poverty was already a way to live close to the people.

However for him there was a second motive for this fundamental attitude: apostolic effectiveness.
For a long time, the West believed in the superiority of its culture faced with that of others. Cardinal Lavigerie probably shared this same conviction, but only up to a certain point, in other words, with some important distinctions. For example, on the one hand he was convinced of the cultural and religious richness of the East and on the other, he knew that one of the causes of problems between East and West was precisely the West's superior culture pretensions and its tendency to impose its patterns of thinking and expression on others. In addition, he observed that the difficulty of trying to get the values of the Faith to penetrate into their minds was because it was presented in a cultural framework that was foreign. It was necessary therefore to distinguish carefully between faith and culture, between Christian mores and the customs proper to each people.

In the mind of the Cardinal, the ideas were clear, but the practical discernment would be more difficult. It was not easy for him and it is no less easy for us today to distinguish among the characteristics of a people the elements to retain and those requiring change. However, just to assert the principles involved is already an enormous advantage. In the same way, Lavigerie sought to have a group of apostles immersed in a culture of a people in the midst of whom they worked: habitat, food, language, habits, and customs. It included everything that was not contrary to Christian faith and morals and could be adopted by the Missionaries while at the same time ensuring that the people should remain faithful to their own culture. Only in this way could the faith sink deep roots and new Christians become convincing apostles among their own peers. The writings of the Cardinal on this subject are very numerous. In a basic text partly referred to earlier, and among the most well known, Lavigerie writes,

"The first (of my recommendations) is that you never lose sight of the special character and spirit of your Society. In deviating from its particular purpose you would lose the very reason for your existence. Founded for the pagan peoples of Africa, it cannot and must not undertake anything that runs counter to that objective. Not only is its purpose special, so are the means by which it seeks to attain that purpose, for these confer a particular character on its action. It is a character which lead you to draw closer to the inhabitants to adopt the externals of their way of life, their language first of all, then their dress and food after the example of the Apostle, 'Omnibus omnia factus sum ut omnes facerem salvos ' "I made myself all things to all men in order to save some at any cost."(1 Cor. 9:2)
Bear well in mind that whenever an unreasonable urge to innovate leads you to tamper with these two points, you will be doing your utmost to destroy the very purpose for which your Society exists. For you were founded simply and solely to meet the great needs of the Africans and to meet them with the means we have mentioned." (Instr. p. 52)

Apostolic effectiveness is the basic reason for the Cardinal coming close to people, but at the heart of the apostolate he gives first place to love (Charitas) for God, of course, but also for people. Nearness to people for the sake of effectiveness, nearness and effectiveness for the sake of love.
"My own motto, love, love of God and love for poor abandoned souls. This love upheld me in the midst of difficulties and undertakings that wore me out before my time. It is this love also which will give you strength, heroic renunciation, and the necessary perseverance to draw back from death the people to whom you are sent.

Love them as a mother loves her sons, in proportion to their misery and their weakness. Love Africa which is far from us, in its bleeding wounds of slavery, its painful cries which have been rising from the depths for so many centuries; love Africa which is more a neighbour and which was once Christian, for its past misfortunes, for its great men and its saints.
Love it, although you may have suffered from it so that you may suffer further… Love it with its memories, its legends, its traditions of respect and faith, its stoic resignation that holds it paralysed in its sepulchre…
The Patriarchs loved even the stones of Sion, for them, the symbol of so much hope… By their example, I have loved our Africa, its past, its future, its mountains, its pure sky, its sun, and the great sweep of its deserts, the azure streams that bathe it.
May you hear my voice! It will soon be stilled in this world but from the depths of the tomb it will maintain the same views that you have known for so many years." (Instr. p. 210)


Jesús Salas
Rome