Voix d'Afrique N° 58(hymne et carte qui s'agrandit)
Mali


MALI : Pierre, Jean Baptiste et Freddy
Pierre Landreau

Pierre Landreau est Poitevin ; il est né en 1938.
Tout ce qu'il savait des Pères Blancs, c'est qu'ils vivent et travaillent en communauté, et en communauté internationale ;
il en fait l'expérience dès sa formation au noviciat,
et surtout au séminaire de théologie, en Belgique.
Après son ordination, il est envoyé au diocèse de Kayes, au Mali.
Son premier poste est près de la frontière avec la Guinée, au pied du Fouta-Djalon, à Guéné-Goré, avec deux autres missionnaires.
Il raconte :

Mon ami s'appelait Jean- Baptiste Coulibaly ; il était Bambara, de la tribu majoritaire au Mali. Il avait deux ans de plus que moi. Il a été mon compagnon de tournées, dans les villages des montagnes. Il était le catéchiste, mon maître, mon grand frère.

Jean-Baptiste CoulibalyIl avait commencé à connaître le christianisme avec Mgr. Courtois, l'évêque de Kayes : homme à tout faire, puis chauffeur. Toujours disponible, il devient familier de la communauté missionnaire. Il regarde, il écoute, il réfléchit, il essaie de comprendre ce qui fait la vie de ces étrangers. Finalement, il demande à suivre le catéchuménat et à être baptisé. Il prend la nom de Jean-Baptiste et se met sous le patronage du Précurseur. Sentait-il au fond de son cœur l'appel à " préparer les chemins du Seigneur " ? Sans doute. Les missionnaires lui demandent de collaborer avec eux comme catéchiste à Guéné-Goré. Il apprend sur le tas, au contact avec les pères, et surtout par expérience. Pour toute initiation, il partage la vie et le travail des missionnaires, discute avec eux des problèmes rencontrés au cours de ses nombreux contacts, écoute, suggère et cherche à comprendre. Il est animé d'une foi jeune et profonde. C'est lui qui fait le lien entre les malinkés (la tribu locale) et les prêtres blancs ; d'un côté il approfondit le message chrétien, et d'un autre côté il se lie d'amitié avec les gens pour qui l'Evangile est une grande nouveauté. Ce n'est pas un "employé" de la mission ; il fait partie de l'équipe comme membre à part entière. L'aventure de l'évangélisation est son aventure. Bien sûr, sa femme le soutient très efficacement.

Nous nous lions d'amitié, une longue amitié faite de partages et de silences, de prière et d'encouragement mutuel, de joies et de peines vécues ensemble. Il me fait découvrir la culture ma-linké, les coutumes, le sens des fêtes, des rites et des habitudes de la vie quotidienne. Ce lien est tellement fort entre nous que j'en viens à adopter son nom : Coulibaly, car je suis considéré comme son jeune frère.

Je risquais peut-être de m'installer. Après dix ans dans la région des savanes, je me portais volontaire pour une nouvelle mission, à Nioro du Sahel, près de la frontière avec la Mauritanie. A l'autre bout du pays, la population est en majorité musulmane. Aucune structure à la mission, à part la maison des Pères et une petite chapelle. Aucune école, aucun dispensaire attaché à la mission ; c'est la nouvelle aventure. Il fallut d'abord se faire accepter car la présence des missionnaires posait question. Etions-nous venus pour une entreprise spectaculaire, comme de nouveaux colonisateurs ? Il fallut de nombreux contacts, des rencontres quotidiennes, des services partagés. Après quelques années, nous étions bien intégrés ; les gens commençaient à nous recevoir chez eux, à nous visiter, à parler avec confiance sur les événements de leur vie quotidienne. Pour moi, cela devenait de plus en plus clair : la mission c'est d'abord la rencontre, le partage quotidien, l'humble présence, le témoignage peu spectaculaire ; la mission, c'est cheminer avec les gens, c'est l'attention à leurs soucis et leurs peines, leurs espérances et leurs joies, pour y discerner la présence de l'Esprit de Dieu.

Après quelques années, je me retrouvai à Kassama pour un nouveau chapitre de mon aventure, l'Aventure du Royaume au Mali. L'Esprit du Christ est toujours à l'œuvre : un signe nouveau en a été l'arrivée de Frédéric Ngoyi. C'est la "nouvelle vague" missionnaire. Il est de trente ans plus jeune que moi ; il vient du Congo. Il étudie en profondeur la langue Malinké par des contacts quotidiens. Il ne reste que onze mois : la mort l'emporte à la suite d'une appendicite éclatée compliquée d'un ictère avancé. Un de ses amis du village témoigne lors de ses obsèques : " Freddy a l'amour du prochain… s'il vous trouve en train de faire un travail, il vient se joindre à vous pour vous aider ; tout ce qu'il a, il le partage avec les gens… c'est le Freddy de tous ! " Un de ses confrères missionnaires lui adressait un message d'adieu : "Freddy, tu nous a quittés très tôt. Tu meurs loin de ton pays, loin de tes parents. Tu es le premier missionnaire d'Afrique congolais qui sera enterré hors de la terre de tes ancêtres : telle est la vie missionnaire ! "

Ses parents ont fait le voyage depuis Lubumbashi ; suivant le rite africain, sa maman s'est couchée sur la tombe de son fils, mort à 32 ans. " Quand il était encore enfant, il m'a dit qu'il voulait être missionnaire . Je l'ai donné autrefois ; maintenant encore je le donne à l'Afrique." Il est enterré à Kayes, enfoui dans la terre du Sahel comme une semence. à quand la moisson ?

Pierre Landreau

Pierre au milieu des participants à jérusalem. 1er rang 3ème depuis la droitePierre Landreau prend un temps de repos et de réflexion avant de repartir.
Il a passé trois mois de retraite à Jérusalem.

Jean Baptiste, le grand frère catéchiste, Freddy, le jeune missionnaire Congolais, marquent comme autant d'étapes de l'aventure qui continue :
l'Aventure du Royaume.

Voix d'Afrique.