MAMAN MARTHA |
Avec la permission de "ALLELUIA AFRICAIN", bulletin de l'Archidiocèse
de Bobo-Dioulasso, nous reproduisons ce témoignage sur une chrétienne
Burkinabé.
St. Etienne, secteur 16 de Bobo-Dioulasso, à près de 800 mètres de la paroisse Sainte Famille de Tounouma, vivait une dame physiquement forte et aussi forte de caractère ; elle s'appelait Martha. Hélas ! Martha est décédée subitement le 1er décembre 2001 à l'âge de 70 ans environ, comme un arbre au feuillage vert qui s'est déraciné sans vent de tornade, en silence, après juste les quelques minutes d'une crise d'asthme. Cette jeune fille de 70 ans connaissait tout le monde dans la paroisse et tout le monde la connaissait. Elle était informée de tout, officiellement ou par qui de droit. Elle savait vérifier les rumeurs à la source, surtout quand elles touchaient la vie de la paroisse. Elle aimait sa foi, aimait sa paroisse et soutenait sans trêve les agents pastoraux. Martha était une femme sereine, ferme ; elle souriait quand c'était nécessaire, n'avait peur de personne, quelles que soient la tailLe, le poids et le rang.
Mère de dix enfants et des prêtres qu'elle rencontrait sur son chemin, elle était aussi présidente directrice générale d'une usine (cabaret) de bière de mil (dolo).Bien que PDG et malgré son âge, tous les lundi elle prenait son tablier : c'était son jour de service, les amateurs de l'alcool en couleur le savent bien. Dans la matière, elle avait le prix de l'excellence à en croire les commentaires des abonnés du lundi. Seulement il fallait boire et s'arranger pour rester lucide et digne pour échapper aux remontrances de la " Lionne ". Qui est fou ? Personne ! ce ne sont surtout pas les ivrognes du cabaret de Martha l'imperturbable.
Tous les mardi, elle devenait le ministre de l'intérieur chargé de la restauration des prêtres de sa paroisse. C'était une tradition sacrée pour elle. Même absente ou malade, elle donnait des consignes pour que cela soit respecté. Martha a aimé les agents pastoraux comme elle a aimé son frère, l'abbé Abel Sanon, premier prêtre de l'Archidiocèse de Bobo. A la nouvelle de sa mort qui se répand rapidement, la consternation est générale. Ses nombreux fils adoptifs sont à plaindre ; ses compagnes d'âge sont inconsolables car elles s'étaient habituées à leur pèlerinage quotidien chez Martha pour échanger et même se confier à elle, accepter ses reproches, ses conseils et parfois recevoir une autre forme d'aide. Les petits enfants, quant à eux, devaient étouffer leur douleur, improviser des mises en scène, faire les clowns, amuser la galerie malgré tout pour atténuer la douleur ainsi que le veut la tradition. Comme salaire ils pouvaient se permettre de racketter les enfants, les frères et les surs de la défunte.
Les funérailles de Martha, la maman des prêtres , furent des moments de recueillement, de prières et de retrouvailles tant il y avait de monde pour lui rendre hommage. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, cette Dame de fer et de feu fut un bel exemple vivant de charité chrétienne. Car il fallait que Dieu créât Martha pour dire tout haut ce que d'autres pensent tout bas. Martha est morte en silence parce qu'elle avait tout dit en temps voulu.
Adieu ! Martha ! Repose en paix entre les mains de la Sainte Famille céleste !
Soeur Rosalie SANOU, SAB.
JEAN COMPAORE, CATECHISTE
Jean Compaore |
Sans les catéchistes, les missionnaires quels qu'ils soient sont paralysés,
aveugles, sourds et muets. Il n'est que justice de parler d'eux dans la revue
des Missionnaires d'Afrique.
Le Père François de Gaulle qui a bien connu Jean Compaore,
évoque la carrière de cet apôtre.
"Blanchis ton cur et sois simple avec les gens, et tu verras que le Christ sera accueilli et aimé " tel est le conseil que Jean Compaore donnait à un jeune prêtre burkinabè (Rémi KABRE qui témoigne) quelques semaines avant sa mort ; tel est le message qu'il nous laisse comme un testament.
Derrière chaque missionnaire, il y a le catéchiste ; derrière Joanny Thévenoud, un des premiers vicaires apostolique du Burkina Faso (ex-Haute Volta), il y a Jean Compaore. Sa mère était encore catéchumènes : c'était en 1921, au tout début de la mission. Adolescent déjà, il fréquente l'école de la mission de 1921 à 1927 ; baptisé en 1923, il se marie en 1928 et consacre sa vie entière pour le Royaume. D'abord moniteur, c'est-à-dire à la fois instituteur primaire et catéchiste, il travaille à la formation d'autres catéchistes. Il uvre dans la mission de Yako pendant dix ans ; l'épreuve l'attendait : il perd ses six premiers enfants. Il tient bon malgré tout ; grâce sans doute aux soins des premières religieuses missionnaires, il a la joie de voir grandir six nouveaux enfants.
C'est à Kokolgo qu'il donne toute la mesure de son zèle. Entre 1951 et 2001, il fait partie - bénévolement - de l'équipe pastorale. Il vit dans le village, au milieu des gens. Il est le principal évangélisateur de toute la région. Tous le connaissent ; il visite tous les villages, avec pour tout bagage une pauvre besace où il garde l'Evangile, le catéchisme et un petit cahier. Il visite pauvres et riches, malades et bien portants.Il enseigne simplement, il conseille, encourage, rappelle à l'ordre, partage avec tous les peines et les joies, les deuils et les fêtes. Il est l'ami de tous, un soutien solide de tous les missionnaires qui le consultent fréquemment.
Tel le semeur de la parabole, il jette le bon grain et puis s'efface, pour aller porter ailleurs la Parole de Dieu. Pendant cinquante ans, il voit se lever la moisson. Les communautés chrétiennes grandissent, églises et chapelles se dressent à Kokolgo. Des enfants qu'il a conduit au baptême, qu'il a instruits et préparés à l'eucharistie, fondent des familles chrétiennes, sont appelés à la vie religieuse ou au sacerdoce. Il voit et son cur se réjouit.
Il repose maintenant dans la cour de son village. " Il repose", façon de parler ! Le catéchiste ne connaît pas le repos ! "Bon et fidèle serviteur, entre dans la joie de ton maître", et continue à semer dans les curs le bonne nouvelle du Royaume.
François de Gaulle,
Voix d'Afrique