Missionnaires d'Afrique
France
Joseph Portier, Veyras, en Suisse,
60 ans de prêtrise Mon choix fut rapide :
dabord un pays de montagnes
qui ressemblât au panorama savoyard...LAfrique, terre de soleil, nous aurait-elle appris à voir dabord le versant ensoleillé des êtres et des événements ? Une bonne question pour un 60e anniversaire dordination, à laquelle pourrait répondre la vingtaine de Confrères encore présents parmi ceux qui, ont été ordonnés le 1er février 1950.
Jen étais et jen suis toujours. Les aléas de la guerre mavaient obligé à commencer ma formation au Grand Séminaire dAnnecy. Jarrivais donc à Maison-Carrée avec trois ans de théologie, et mes études à Thibar en furent dautant raccourcies. Je nai pas connu Carthage, sauf pour la cérémonie dordination.
Ce nest pas par hasard que jabordais les rivages de lAlgérie en 1947. Deux Anciens de ma famille my avaient précédé : les deux Pères Burtin. Dabord le Procureur de la Société, Louis Burtin, un cousin éloigné ; puis le Père René Burtin, mon grand-oncle, qui uvra au Sahara et à Jérusalem et termina sa vie missionnaire à Tournus comme professeur de rhétorique.
Les derniers mois de scolasticat nous valaient une demande dinformation de la Maison-Mère sur nos choix des pays dAfrique où nous voulions travailler. Le mien fut rapide : dabord un pays de montagnes qui ressemblât au panorama savoyard. Ensuite un pays de langue anglaise qui enrichît la mosaïque des nationalités préconisée par le Chapitre de 47, à lintention de nos communautés. Ces deux souhaits se virent réalisés dans ma première nomination en Tanzanie au diocèse de Mbeya, avec cet avantage de longtemps désiré : une Mission de première évangélisation. Jai toujours été reconnaissant au Conseil Généralice de mavoir maintenu dans cette approche de la Mission. La petite histoire nous apprit plus tard que, cette année-là, les Français qui avaient opté pour les territoires britanniques y étaient tous allés
Départ pour la Tanzanie
1951.- Et la Mission commença. À Irambo dabord, quun proche du Supérieur Général dalors appela demblée la plus charmante station des Grands Lacs. Bien sûr, il y fallait de bonnes jambes pour atteindre les derniers (quelques) chrétiens à 2 300 m daltitude. Avec ça une langue, le Safwa, langue bantoue qui véhiculait toute sa difficulté par monts et par vaux. Comme deuxième langue, elle me prit deux fois plus de temps que le swahili. Les Wasafwa, bons vivants et travailleurs, cultivaient le blé et le maïs jusquà la crête de leurs montagnes. Mais jamais ils ne furent empressés de remplir leurs églises, ni même dailleurs leurs écoles. Ce devait être pour plus tard
1955.- Lévêque de Mbeya me demande alors daller avec deux confrères fonder coup sur coup deux Missions, Mlowo et Vwawa : 180 000 âmes dont quelques centaines de catholiques, sur un territoire qui touchait à la Rhodésie du Nord (Zambie). Relief accidenté, longs trajets à pied ou en moto, populations animistes ou protestantes, écoles à bâtir, très recherchées grâce à la modernité de jeunes responsables locaux qui avaient terminé leurs études. La. tâche principale était de se faire connaître, donc de visiter les gens, quils soient chrétiens ou non.
Délégué des OPM
Ce ministère, pratiquement paroissial, sélargit à loccasion du stage biblique de Jérusalem et du cours théologique de lArbresle. En suite de quoi la Province de France me garde quelques années comme Délégué des uvres Pontificales Missionnaires en Franche-Comté et Bourgogne. Je garde le meilleur souvenir des curés francs-comtois toujours prêts à accueillir le missionnaire de passage, ainsi que des écoles et collèges de Bourgogne où lon se sentait à laise.
LAfrique devenait lointaine : il fallait renouer. Retour en Tanzanie (1986), bien loin des montagnes, sur le bord de mer, à Manzese, une paroisse de 25 000 catholiques dans les faubourgs de Dar es Salaam. Changement de décor et de climat. Il a bien fallu accepter de transpirer à grosses gouttes dès sept heures du matin. Une dizaine dannées où le contact des gens trouva son meilleur atout dans le vélo chinois.
Pour finir par où javais commencé, je retrouvais dès 1996 les montagnes de Mbeya pour les derniers ministères : la Mission dIgogwe, non plus avec des vélos chinois, mais surtout des 4x4. Les gens étaient partout.En 2001, 50 années après mon départ, je retrouvais définitivement lEurope par le chemin de la. Suisse, à Veyras en Valais. Ce nétait pas par hasard car la famille se retrouvait depuis longtemps des deux côtés de la frontière.
Jétais né dun côté, jhabitais lautre. Je votais dun côté, je passais mes vacances de lautre, à lombre du Jet deau. Je continue ainsi de voguer dun no mans land à lautre, retrouvant ma famille sur les deux rives du Rhône, et surtout en Savoie où la fratrie compte déjà cinq octogénaires en attendant la sixièmeVoilà mon aventure africaine. On y est toujours un peu présent. Car lAfrique, plus on la connaît, moins on la comprend, mais plus on laime.
Joseph Portier