Culture
JOHNNY
MAD DOG
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Libéria, Sierra Leone, République Démocratique du Congo des pays où, depuis le début des années 90, les guerres civiles ont fait éclater tout ce que lhumanité peut comporter de drames, de tortures, dassassinats de toutes sortes. Dans tous ces conflits, des jeunes enfants et des adolescents quon enrôle, quon drogue, quon transforme en machine de guerre ! Les adultes qui les dirigent ont bien compris que ces jeunes malheureux, dont la vie na plus de valeur, sont linstrument idéal pour faire régner la terreur.
Ce que les médias nous ont présenté par bribes, un réalisateur, Jean-Stéphane Sauvaire, le montre dans un film, Johnny Mad Dog, sorti sur les écrans le 26 novembre 2008.Le réalisateur
Jean-Stéphane Sauvaire a dabord réalisé « Carlitos Medellin », tourné en 2003 sur un petit enfant colombien tentant de se protéger de la violence qui lentoure par sa dévotion à la Sainte Vierge. Le film se déroule dans le cadre de la guérilla colombienne et le trafic de drogue.
Dans « Johnny Mad Dog », la culture documentariste du réalisateur le pousse à choisir des acteurs non-professionnels, notamment certains anciens enfants-soldats. Il place son film dans une ville indéterminée, pour ne pas le fixer dans un contexte historique. Il veut plutôt montrer, dune manière plus globale, le phénomène de ces enfants devenus machines de guerre, le plus souvent contre leur gré. Sans juger ni diaboliser ces êtres victimes en un sens, Jean-Stéphane Sauvaire analyse les processus qui mènent à lirréparable. « Johnny Mad Dog » esquisse le mécanisme du recrutement, de la déshumanisation des enfants-soldats aux mains de leurs officiers et bourreaux.
Le scénario est, en fait, une adaptation du roman « Johnny chien méchant » (éd. Le Serpent à plumes), de lécrivain congolais Emmanuel Dongala.
Jean-Stéphane Sauvaire a tourné son film au Liberia, mais il a conservé à son film un caractère vague. Les acteurs, anciens combattants, jouent ce quils ont fait en vrai au début des années 2000, quand ils se battaient pour le président du Liberia, Charles Taylor, ou pour le groupe Liberians United for Reconciliation and Democracy (LURD). Mais avant de jouer le film, « ils ont répété leur rôle quatre heures par jour pendant un an », explique Jean-Stéphane Sauvaire.Résumé du film
« Afrique, en ce moment même. Johnny, 15 ans, enfant-soldat armé jusquaux dents, est habité par le chien méchant quil veut devenir. Avec son petit commando, No Good Advice, Small Devil et Young Major, il vole, pille et abat tout ce qui croise sa route. Des adolescents abreuvés dimageries hollywoodiennes et dinformation travestie qui jouent à la guerre... Laokolé, treize ans, poussant son père infirme dans une brouette, tâchant de sinventer lavenir radieux que sa scolarité brillante lui promettait, sefforce de fuir sa ville livrée aux milices denfants soldats, avec son petit frère Fofo, huit ans. Tandis que Johnny avance, Laokolé fuit... Des enfances abrégées, une Afrique ravagée par des guerres absurdes, un peuple qui tente malgré tout de survivre et de sauvegarder sa part dhumanité. »
(TFM Distribution)Des avis sur ce film
« Dure plongée dans lun des pires fléaux des temps présents, « Johnny Mad Dog » affronte son sujet avec suffisamment de justesse et de recul pour permettre aux spectateurs de se sentir happés dans cette tragédie. Linnocence perdue de ces enfants trop tôt confrontés à la mort touche par son réalisme et sa cruauté, en aucun cas édulcorée ici. Aveuglés par les drogues, la propagande et la perte des repères, ces enfants-soldats se fabriquent leur propre système de pensée, leurs propres critères dappréciation du monde. Un fusil ou un bazooka à la main, le monde qui les entoure doit se plier à leurs volontés et à lidée quils se font de ce qui est juste et de ce qui ne lest pas. »
« Johnny Mad Dog » est une fiction. Et pourtant, le film dépeint, avec une précision quasi documentaire, létat denfant-soldat, entre peur et témérité, limmense perte de repères et lapparition de nouveaux modèles, la liberté de tout perpétrer, y compris le viol ou le meurtre, et la soumission totale aux ordres des adultes... »
« Dès la scène douverture, on sursaute. Un groupe de sauvages armés jusquaux dents pénètre violemment dans des maisons. Ils forcent tous les habitants à sortir de chez eux, les frappent, en tuent certains. Ils hurlent, éructent plutôt des ordres incohérents, menacent ! Ils isolent un jeune garçon dune dizaine dannées, lui collent un fusil entre les mains et lui ordonnent de choisir entre tuer son père à genoux devant lui ou se faire tuer lui-même. Lenfant appuie sur la gâchette. On est cloué sur place. Tout se passe dans la plus grande confusion, au milieu de hurlements et dagitation. Rapidement on constate que le groupe armé est aussi un groupe denfants de 10 à 15 ans environ qui sont formés pour tuer par des adultes minables, misérables, véritables ordures, qui les embrigadent, les endoctrinent, se faisant appeler « général », leur inculquant un entraînement « à la G.I », leur promettant que les balles vont se transformer en gouttes deau sur eux, les assurant quils sont invincibles. Ils les envoient au combat en première ligne, drogués, saoûlés, affamés Ces gosses complètement sous influence, parfois fascinés par leur chef, nont plus que le choix de tuer pour une cause quils ne comprennent pas et qui peut varier dun jour à lautre. »
* * *
Interview de Emmanuel Dongala
« Afrik.com : Johnny chien méchant, édité au Serpent à plumes, est lun des premiers livres qui ait été écrit sur les enfants soldats en Afrique. Pourquoi ce livre ?
Emmanuel Dongala : Jai vécu cette guerre au Congo-Brazzaville. Cest à la suite de cette guerre que je me suis retrouvé aux Etats-Unis La façon dont ces gamins agissent est terrible.
Afrik.com : Dans le livre, on est dans la tête des deux personnages principaux : Johnny Chien Méchant, lenfant soldat, et Laokolé, qui fuit les combats...
Emmanuel Dongala : Je voulais comprendre ce qui se passait dans la tête de ces gamins. Pourquoi agissent-ils ainsi ? A Brazzaville, on a vu les enfants soldats surgir de nulle part du jour au lendemain. Nont-ils pas de parents, comment vivent-ils ? Que se passe-t-il dans leur tête ? Ce sont des questions que je me suis posées et auxquelles jai essayé de répondre.
Afrik.com : Dans votre livre, on voit les mêmes scènes dun point de vue différent. Vous livrez celui des bourreaux et celui des victimes. Pourquoi une telle démarche ?
Emmanuel Dongala : On peut penser que Johnny est le bourreau et Laokolé, la victime, mais ces enfants sont tous deux des victimes. Témoigner de cette guerre, selon ces deux points de vue, me paraissait essentiel. Le même événement est vécu différemment par Laokolé et Johnny chien méchant, et cest ce regard croisé qui construit le livre.
Afrik.com
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