Voix d'Afrique N°74

Deux Témoignages:


Voici le témoignage de deux jeunes Missionnaires ordonnés en 2006.
L’un, Mariusz, est Polonais, l’autre, Magloire, est Togolais.
Ils nous disent quelles ont été leurs premières expériences missionnaires,
leurs parcours jusqu’au sacerdoce et leurs attentes pour l’avenir.

LE LONG PELERINAGE DE MARIUSZ

Un pèlerinage à Czestochowa

"Mariusz ! Je pars en pèlerinage à Czestochowa avec la paroisse. Tu m'accompagnes ? " " C'est d'accord, allons-y ! " La maman polonaise de Mariusz, veuve depuis quelques années, invite son fils à neuf jours de marche, de prière, de partage, de chants à travers la Pologne. Pour Mariusz, c'est une expérience forte de vie intense en communauté. Le régime communiste achevait de se délabrer. En 1995, un vent de liberté soufflait sur la Pologne. La figure de Jean?Paul II enthousiasmait toute la population. La foi chrétienne avait soutenu la résistance au totalitarisme athée. Le pèlerinage était à la fois une démarche de foi et une affirmation de l'identité polonaise. Mariusz a vingt ans à peine ; il part avec un groupe de chrétiens de sa région, sur les routes, vers la Vierge. Il ne pensait pas encore à devenir missionnaire. Les Pères Blancs étaient encore nouveaux dans le pays. Il pensait tout simplement à orienter sa vie vers la prêtrise peut-être, ou au moins vers la suite du Christ.

Au pied des Carpates, les frontières s'ouvrent
Son père est artisan. Toute la région est connue pour le travail du bois, la menuiserie et l'ébénisterie. C'est dans cette voie qu'il s'est engagé après son école primaire. Il a cinq ans lorsque Karol Wojtyla est élu pape ; la figure de Jean Paul II anime toute la population polonaise. Mariusz est enfant de chœur, comme beaucoup de bons garçons de son village. Il entre dans une troupe scoute et c'est là qu'il prend goût à l'aventure. Les montagnes des Carpates sont toutes proches de la frontière avec la Slovaquie. C'est là qu'il prend goût peut-être à passer au-delà des frontières. La mentalité des jeunes polonais de cette époque est orientée vers l'aventure, le désir des découvertes, l'enthousiasme des nouveaux chemins. Au-delà des crêtes des montagnes, s'ouvrent de nouveaux horizons. Après l'enfermement totalitaire, les frontières s'ou-vrent, loin, toujours plus loin.


La maman de Mariusz avec le P. David Sullivan devant la maison de Lublin en Pologne

Premier contact avec les missionnaires
C'est alors qu'il tombe sur une petite annonce dans un journal chrétien. "L'Afrique a besoin de toi… Le Christ t'appelle?!" Il a terminé son collège et décide de prendre un an de réflexion, tout en travaillant de ses mains. Il prend contact avec les Pères Blancs. Ils lui proposent, après une interview dans leur maison de Lublin, de se joindre au groupe des étudiants Pères Blancs.

Formation missionnaire internationale.
C'est la première expérience de communauté, et de communauté internationale. Avec l'aide des aînés, il approfondit son expérience spirituelle : silence, partage, connaissance de soi et connaissance du Christ, ouverture sur l'Afrique, l'Islam et les cultures africaines. Au bout de deux ans, il est choisi pour l'année spirituelle (autrefois appelée 'noviciat') en Tanzanie, à Kahangala. En quelques heures d'avion il est plongé au cœur même de l'Afrique : la brousse, le soleil et la pluie, les villages, les maisons basses aux toits de chaume, mais surtout les jeunes africains venus d'autres pays pour s'engager comme lui dans le cheminement missionnaire. Ils sont une douzaine, venus de toute l'Afrique, de cultures et d'horizons différents ; ensemble ils partagent, prient, apprennent à se connaître, à surmonter les conflits, à former une communauté. Il ne s'agit pas, loin de là, d'en-trer dans un moule commun, mais de découvrir et d'approfondir ses richesses personnelles en les partageant, de cheminer lentement dans la découverte de l'autre et de la grâce de Dieu révélée dans l'autre. La communauté est à la source de toute vie missionnaire.


Le jour de la première messe

Première expérience africaine
Mariusz se sentait attiré par l'Islam. L'ancien empire ottoman, établi en Roumanie, était voisin de chez lui. Il avait rencontré en Pologne une sœur blanche (SMNDA) qui avait travaillé en Algérie. Aussi, lorsqu'il fallut exprimer ses désirs pour le premier stage missionnaire, il demande le Maghreb. Mais c'est bien loin de là qu'il est envoyé, au Malawi. Premiers pas dans le cheminement missionnaire : apprendre la langue. Le chitumbuka est un dialecte bantou, avec une dizaine de classes (qu'on peut comparer aux genres des langues occidentales). Après quelques semaines d'initiation de base, il va passer un mois dans un village africain pour partager toute la vie d'une famille chrétienne. Il est bien obligé de parler, de se faire expliquer, d'écouter sans toujours comprendre, de se laisser enseigner, d'insister sans se décourager ; il partage tous leurs repas ; après des journées de travail dans les champs, il passe les soirées autour du feu. Chacun veut lui enseigner quelque chose, passer du temps avec lui, le conduire pour visiter un village voisin. Il participe à des fêtes, des noces ou des funérailles traditionnelles. Il se fait beaucoup d'amis, il se fait connaître et connaît chacun par son nom. Après six mois d'initiation, il est enfin équipé pour voler de ses propres ailes. A la mission de Nkhata Bay au bord du lac, il prend sa place à côté des autres missionnaires dans le programme des tournées. Il conduit une petite moto, visite les petites communautés chrétiennes. Les jeunes surtout sont attirés par Mariusz. Il discute avec eux, de leurs problèmes, les regroupe dans des groupes de partage. Au Malawi, le SIDA est le fléau omniprésent. Il les écoute, répond à leurs questions, les aide à trouver par eux-mêmes les réponses. Les groupes de " Youth Alive " (Jeunes pour la Vie) sont les lieux où chacun peut faire part de ses difficultés et trouver un encouragement pour continuer en dépit des tentations et peut-être des échecs.

Formation théologique
Maison de Formation à NairobiIl décide de continuer, car il aime ça. Il part donc à Nairobi pour ses études de théologie. Nairobi, c'est une métropole où se croisent toutes les langues, toutes les croyances ; les clochers d'églises de toutes confessions se dressent à côté des minarets ; l'appel des muezzins sur hauts-parleurs font concurrence aux cloches des églises et aux musiques africaines des bars. Il rencontre les chrétiens d'autres dénominations, prie et partage avec eux, étudie le mouvement œcuménique, son histoire et ses développements à la lumière de Vatican II. Il a toujours l'Islam en perspective ; il commence à étudier sa théologie, son histoire, sa culture. Le temps passe vite. Enfin, il est appelé à recevoir l'ordination sacerdotale, chez lui en Pologne.


Ordination : la prostration pendant la litanie des saints

Projet au Maghreb
C'est là, chez lui, qu'il reçoit sa lettre de nomination. Il ira au Maghreb. Cela correspond bien à son désir profond. Le projet avait mûri lentement depuis des années. C'est à Paris que nous l'avons rencontré, car il doit s'initier au français pour pouvoir travailler an Afrique du Nord. Chaque matin il fréquente l'Alliance Française. Dans sa chambre, les cantines sont prêtes. Il sait déjà qu'il commencera à Oran. Le projet se concrétisera quand il arrivera sur place. Mais une chose est sûre, il lui faudra de nouveau se mettre à la dure école d'une nouvelle langue. Après l'anglais et le dialecte bantou, après le kiswahili et français il faudra s'initier à une nouvelle culture. L'Islam, c'est un monde nouveau, une écriture et toute une littérature, une religion avec ses mystiques et sa sagesse. Il l'aborde à la suite de nombreux Pères Blancs, sans aucune idée de prosélytisme, mais convaincu que nous sommes tous en chemin et que l'expérience de l'autre est toujours une étape d'évangélisation. Mariuzs a entendu autrefois le " Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, mais c'est moi qui vous ai choisi pour que vous alliez, que vous portiez du fruit et que votre fruit demeure. ". Cette parole est toujours actuelle. Bon voyage, Mariuzs, et bonne vendange !

Voix d'Afrique

Voir les photos à Nairobi (serment et diaconat) et celles de son ordination presbytérale


Suite avec Magloire

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