Missionnaires d'Afrique
France
Jacques Dugas, Burundi, 60 ans de serment
Une vie
consacrée à Marie
Préliminaires dans lenfance :
Né dans une famille où léducation chrétienne allait de soi. Mon frère aîné entre chez les pères maristes (il était mon parrain et jai gardé avec lui des liens très profonds), une sur religieuse de la Compagnie de Marie, les trois autres sont mariés, mais avec des consacrés dans leurs enfants et petits-enfants. Mon père était artiste peintre : il a orné de fresques de nombreuses églises de la région de Lyon et Grenoble. Ce qui me valait de poser quelques fois sans bouger durant des heures (pas réjouissantes pour moi !). Tous les soirs nous récitions la prière en famille.
Atteint de rhumatismes articulaires, jai dû étudier seul, avec des cours par correspondance , toute mon année de première : expérience que je ne souhaite à personne. Après le BAC, je ne savais vraiment pas où morienter.
La vocation :
Cest au cours de cette intérogation que le désir missionnaire est venu. Jai lu un livre sur les P B, puis jai écrit au Père Bretin, à Tournus, et jai reçu ladmission peu après : je devais aller à Thibar, via Marseille, en septembre 1942.
Là, se situe le premier drame qui a failli tout arrêter. Jarrive à Marseille tout seul (période de guerre, 2 frères en captivité en Allemagne ). Je suis bien accueilli à la procure, mais je ressens, soudain, une sorte de gros cafard. Il faut dire que je navais jamais quitté ma famille. Jai la forte tentation dabandonner. Je monte chez le Supérieur, lui dis mon angoisse ; il me sauve par une simple parole venant sans aucun doute de lEsprit : « Mon ami, quand on a plongé, de quel côté sort-on ? Tu as plongé, poursuis ta route. Bon courage ! » Cest la seule fois de ma vie où jai eu envie de quitter.
Thibar :
Je garde un excellent souvenir de mon passage à Thibar, avec un événement qui a marqué ma vie spirituelle. En septembre 44, nous suivons une retraite du Père Malet, longtemps supérieur du Scolasticat de Carthage. Il parle sans aucun papier : dans lune de ses instructions, il expose la doctrine de la consécration mariale selon Grignon de Montfort. Une caractéristique est labandon de nos fruits spirituels à la Vierge Marie qui en dispose comme elle veut. Très intéressé, je vais trouver mon accompagnateur pour lui demander si je peux me consacrer de cette manière. Il est plutôt réticent : « Cest un acte grave que vous pourriez regretter ensuite. Nous allons réfléchir et prier. » Deux jours après, il me rappelle : « Vous allez partir à larmée, les circonstances sont favorables, je vous permets cette consécration. » Je lai signée en la fête du Christ Roi 1944 ; elle a marqué ma vie et je ne lai jamais regrettée.
Burundi
Je suis nommé au Grand Séminaire, unique à cette époque. Je donne des cours de français. Pour pouvoir apprendre la Kirundi, je vais passer les vacances dans une mission dabbés, en leur demandant de ne parler uniquement que le kirundi. Ce quils acceptent volontiers. Pendant ce séjour, je passe lexamen de langue à Gitega et je peux commencer à confesser, début dun attachement passionné à cette langue, à cette culture.
Jai été rappelé, comme Professeur à Vah près du Puy de 1964 à 1968, puis à Mours et à Strasbourg. Là, les candidats frères ont demandé mon départ : une humiliation. Je retourne alors au Burundi en 1970 pour y fonder le diaconat permanent à la demande de Mgr Makarakiza, archevêque P. B. de Kitega.
Constatant que les autres évêques ne sont pas daccord avec ce projet, nous bifurquons sur un Séminaire dAînés pour des jeunes déjà engagés dans la vie, surtout catéchistes, qui nont pas le niveau suffisant pour entrer au Grand Séminaire. Avec laide dautres confrères et de professeurs laïcs, nous les gardons 3 ou 4 ans. Le séminaire qui a duré 20 ans a donné 40 prêtres à lÉglise, la plupart diocésains, quelques-unes dans des congrégations.
Vient alors, en 1992, une demi-retraite comme aumônier des Surs Dominicaines. En 2000, je suis vicaire à la paroisse St Augustin de Bujumbura et en 2006 le Père Luc Putzeys me demande de laider pour lannée de discernement des candidats missionnaires dAfrique à Gitega.
Ai-je encore un avenir ? Sur terre, il ne sera pas long, mais la jeunesse éternelle sannonce et elle me remplit denthousiasme. Je vis dans laction de grâces envers Jésus et Marie, envers la Société .
Jacques Dugas