Missionnaires d'Afrique


Vie du FRERE DESIRE VANDERWEGEN
( 1898-1972)
(Frère Daniel)
CONGO


Le Frère Vanderwegen est né à Kessel-Lo (Brabant), le 18 septembre 1898. Son père, employé aux Chemins de Fer vicinaux, fut rapidement nommé à Bree au Limbourg. La famille s'y établissait pour de bon. Désiré se considéra dès lors comme un authentique Limbourgeois. A Bree, il fit l'école primaire et commença des études secondaires latines au collège, mais s'arrêta à la cinquième latine. La guerre est déclarée en 1914; il a 16 ans. Désiré est déjà décidé à se faire missionnaire. Aussi cette même année il quitte la Belgique, traverse clandestinement la frontière et se présente comme postulant Frère à Boxtel. Il y reçoit l'habit le 23 avril 1926 et y commence son noviciat. L'année suivante il réussit à gagner Maison-Carrée où il termine son noviciat et prononce le serment le 6 juin 1918.

Le 21 juillet, le Frère Daniel se rendit à Carthage, puis, en février 1920, à Thibar. Cinq ans plus tard il revient à Maison-Carrée. Finalement en 1926 le Frère fut nommé pour l'immense Vicariat du Haut-Congo. Arrivé à Baudouinville le 1er décembre 1926, il allait à Mpala le 14 février 1927 et y passait quelques mois pour y apprendre le kiswahili. Au mois de novembre il entreprit un voyage de près de 1000 kms pour se rendre à Katana où il passa une année, puis à Bobandana et ensuite, toujours plus au Nord, à Rugari au pied de la montagne Mikeno, en 1930. Là il travaillera onze ans, avant de se rendre à Jomba en 1941.

Eglise de Bobandana . .
Bobandana : Eglise, maison et atelier des Soeurs Blanches

Son terme à Rugari fut interrompu par un congé d'un an et sa grande retraite. La prière lui fut familière jusqu'à la fin de sa vie. Scrupuleusement fidèle aux exercices, il se tenait calme, absorbé en Dieu, complètement étranger à ce qui se passait autour de lui. Il avait reçu cette conviction profonde dans sa famille et il y est resté fidèle jusqu'au bout.

Eglise de RugariPar goût, le Frère Daniel était plus porté vers la mécanique que vers la construction. Il eut à s'occuper des deux toute sa vie. Il est difficile d'énumérer les bâtiments qu'il a construits et tous finis à la perfection. Quant aux motos et aux autos qu'il a réparées, la brousse seule en connaît le nombre. Un moteur, qu'il avait réglé, partait du premier coup. Son travail était plutôt lent, il n'aimait pas être " sous pression ". Il s'organisait méthodiquement, prenant tout son temps, incapable d'entreprendre quelque chose de provisoire. Le travail à la menuiserie centrale qu'il avait installée à Rugari avait ses préférences. Il y a préparé, ajusté et réparé des meubles de tout modèle. Son vieux camion, la fameuse Caroline, les portait dans la partie nord du Vicariat.

Après un séjour de cinq ans à Jomba, le Frère Daniel fut désigné pour une fondation à Nyakariba, au retour de son congé en 1947. Le gouvernement belge y avait amené plusieurs milliers de Rwandais quittant leur pays par manque de place. Il y construisit de nombreuses classes et un grand internat. Tout devait aller vite et sentait parfois le provisoire, ce qui le désorientait quelque peu; il avait de la difficulté à comprendre qu'il fallait parfois passer par là. En 1949 il retourna à Rugari jusqu'à son congé en 1951.

De retour au pays il aida à la fondation de Goma. Encore des bâtiments provisoires à mettre en chantier, ce qui ne faisait pas son affaire. De 1952à 1955 le Frère retourna à Nyakariba et de là sur les bords du lac Kivu où la construction du grand complexe de l'école normale, de l'internat et des maisons des professeurs l'occupa plusieurs années avec le Frère Rumoldus (Assaert Jan). Les deux Frères s'entendaient à merveille et se complétaient mutuellement. Ce travail terminé Daniel se rendit à Masisi en 1958 pour y achever la construction des écoles.

L'indépendance approche et la fondation de divers partis politiques est cause de troubles. Une période critique commença à partir de 1960. Les chefs Bahunde, les premiers propriétaires de ces régions montagneuses fertiles, rassemblèrent leurs sujets dispersés pour aller voler les Banyarwanda immigrés. Ils leur rendaient la vie impossible. Une véritable guerre éclata entre les deux ethnies, qui fit de nombreux morts. Les missions abritèrent de très nombreux réfugiés. Cette période tourmentée fut très dure pour le Frère Daniel. Il ne pouvait supporter cette situation et devenait de jour en jour plus inquiet et troublé. Il eut pourtant le courage de terminer l'église de Matanda, en plein centre de la région révoltée. Cette magnifique église fut le couronnement de son œuvre en Afrique.

Lorsque la révolte muleliste éclata en 1964, le Frère Daniel ne pouvait plus résister. L'angoisse le travaillait si fort qu'il ne dormait plus. Lorsqu' il arriva en Belgique c'était un homme brisé. On lui demanda de prendre l'économat de Verviers, une toute petite communauté, mais c'était encore trop. Son cœur était épuisé et il sentait que tout effort l'éreintait. Volontiers, il accepta son transfert à Boechout en 1966. Il s'occupa de la porte et du téléphone, lisant beaucoup et écoutant chaque heure les nouvelles à la radio. Lorsque Boechout fut vendue en 1971 il suivit la communauté à Berchem (Anvers II), reprenant le service de la porte et du téléphone. La vie régulière avait ramené le calme en lui. C'était un homme âgé qui connaissait une heureuse vieillesse.

Le 20 juillet, assez tard dans l'après-midi, le Frère Daniel prit le bus à Anvers pour se rendre à Herk-de-Stad (Limbourg). Il voulait rendre service à son frère prêtre et sa sœur. La journée était très belle, mais la chaleur assez forte oppressait le Frère depuis le matin. Il ne devait vraisemblablement pas penser que ce jour même verrait l'accomplissement de son vœu le plus cher, tant de fois exprimé " mourir au milieu de ma famille sans causer trop d'ennuis ". Il arriva chez son frère vers 19h 15. Un quart d'heure après il s'effondra par suite d'une crise cardiaque. Sa mort a laissé un vide à la maison de Berchem, dont il était le gardien fidèle qui recevait les visiteurs avec beaucoup de gentillesse.

La vie missionnaire du Frère Daniel fut vraiment bien remplie. Il est mort comme il a vécu : sans faire de bruit, sans causer des difficultés aux autres. La note dominante de son existence a été une foi vivante qui l'a poussé à beaucoup prier et à se donner entièrement aux autres.

Extrait du Petit Echo n. 635 1972 /(11)


Par Père Innocent Maganya, M. Afr originaire de Jomba